La Bibliothèque nationale du royaume du Maroc a accueilli cette fin de semaine la présentation des mémoires en trois tomes de Mohamed Bensaïd Aït Idder, intitulés « Ainsi parlait Mohamed Bensaïd ». Une occasion pour trois observateurs avertis de décortiquer le contenu des trois ouvrages, où le leader de gauche raconte son parcours en politique dans le Maroc des années pré et post-indépendance. Analyse. Premier à livrer ses observations sur les trois bouquins publiés par le Centre Bensaïd Aït Idder, l'historien Abdelmjid Kaddouri relève que l'ouvrage présenté n'est ni un document historique ni un roman autobiographique. « Les mémoires sont un genre littéraire qui se situe entre les deux », note le professeur universitaire, « à savoir que Bensaïd, héros du roman participe tantôt comme acteur tantôt comme témoin ». Lire aussi : Parution: Bensaïd Aït Idder publiera ses (longues) mémoires Abdelmjid Keddouri fait remarquer qu'à la lecture des mémoires de l'ex leader du MP Mahjoubi Aherdan (publiées en 2014), puis celles de Bensaïd Aït Idder, « on traite de la même période, racontant les mêmes événements, en présence des mêmes personnages, mais ce n'est absolument pas le même récit ». Le spécialiste relève également que le titre de ces mémoires suggère une histoire orale narrée. « Nous lisons souvent +j'ai entendu+ ou +il m'a été raconté+, ce qui pourrait expliquer que le narrateur adopte un cheminement historique spécifique » souligne Abdelmjid Keddouri. « Ce que j'ai apprécié en tant qu'historien est le nombre élevé de photos qui retracent la vie de Bensaïd, à partir d'une photo de son père jusqu'à celle où on voit une jeune fille du mouvement du Février », fait-il remarquer. Un soufi de gauche Très présente dans les trois livres, la dimension institutionnelle est importante chez Bensaïd Aït Idder, « avec la famille comme noyau », selon le docteur en philosophie Moulim Laâroussi. Fils de commerçant, le leader de gauche a également décrit l'institution éducative telle qu'il l'a vécue. De son petit village Timensourt, puis à Aït Baha dans le Souss jusqu'à Marrakech où il a poursuivi ses études. Au delà de la portée politique, Moulim Laâroussi estime que le livre de Bensaïd Aït Idder, rédigé par Abderrahmane Zakri, a également une valeur éducative. « Comment un personnage comme Bensaïd issu d'un milieu traditionnel et conservateur est devenu un leader de gauche alors qu'un certain nombre d'hommes politiques empruntent aujourd'hui le chemin contraire ? » se demande-t-il. L'intellectuel essaye d'extraire dans le récit de Bensaïd ce qui peut être exploité par les générations actuelles et futures. Alors étudiant, sa rencontre avec le savant Mokhtar Soussi et sa formation dans la zaouïa Derkaouia étaient d'une importance capitale. Un témoin direct Revenir sur les différentes péripéties de la vie de Bensaïd Aït Idder n'est pas une chose aisée. Le dirigeant du PSU et professeur de sciences politiques Mohamed Sassi l'a fait. Il rappelle le nom de clandestinité de son ex mentor: Khalid Benabdallah. C'est le nom qu'employait Aït Idder, du temps où il faisait partie de l'Armée de libération national et il a même obtenu une licence en géographie en France sous ce nom. Parlant d' »écriture libérée mais sous contrainte », Mohamed Sassi préfère évoquer les « occasions ratées » que Bensaïd regrette dans son livre en trois tomes. « Nous vivons une saison de mémoire ce qui est tout à fait bénéfique. Mais il y en a qui écrivent pour défendre une expérience et d'autres qui veillent à ne pas exaspérer certaines personnes dans leurs écritures », déclare-t-il, tout en soulignant que Bensaïd a « rapporté une vérité telle qu'il l'a vécue et ne se soucie pas des réactions des gens, quitte à ce qu'ils soient des militants ». Mohamed Sassi pense, en fin, que ce qu'il y a de précieux dans le récit de Bensaïd c'est qu'il « a suivi les discussions au sein de l'Istiqlal sur l'entrée en lutte armée contre l'occupant »