Le groupe parlementaire PAM des deux Chambres du parlement a organisé ce mercredi 30 janvier une journée d'étude sur la Moudawana (Code du statut personnel marocain) intitulé « Bilan après 15 ans de sa promulgation ». Les députés ont ainsi donné la parole à des juristes pour discuter autour de la mise en application du texte. Débat. Plus communément appelé Moudawana, le Code du statut personnel marocain daté de 1957 et révisé en février 2004 a marqué un changement dans l'évolution de la législation marocaine en matière de droits des femmes. Au lendemain de sa promulgation, nombreux observateurs ont cru y voir une « révolution douce », un pas de plus pour consacrer le principe d'égalité homme-femme. A-t-il permis de garantir à l'institution familiale plus de stabilité et d'équilibre social et à la femme marocaine l'égalité complète ? Les voix qui s'élèvent pour la révision du texte en doutent fort. Un « problème » de langage juridique Au cours de son exposé, l'avocat membre du réseau Anarouz des centres d'écoute pour femmes victimes de violence, Me Houssine Raji note l'existence de lacunes législatives dans l'actuelle Moudawana. Elles concernent selon lui les exigences relatives au contrat du mariage, à la pension alimentaire en cas de divorce, à la gestion financière de la famille durant la vie conjugale ou après sa rupture, ainsi que les articles régissant la naissance et ses conséquences. « La formulation et le langage utilisés dans les affaires familiales sont juridiquement conservateurs », fait remarquer l'avocat. Il explique pourquoi la Moudawana de 2004 n'a pu, d'après son analyse, « se détacher de l'héritage traditionnel de la culture arabe qui n'est plus habilitée à régir les relations familiales ». « Lorsque nous parlons légalement d'''amusement'' (moutaâ, en langue) dans le cadre d'une relation conjugale, cela renvoi à un contenu juridique qui fait de l'acte de mariage une relation sexuelle payante », décortique Me Raji. Donnant des exemples où le juge se trouve dans l'incapacité d'appliquer les dispositions couchées noir sur blanc dans la Moudawana de 2004, l'intervenant recommande à travers le réseau Anarouz « la modernisation du langage juridique vers un format moderne », ce qui peut se concrétiser, d'après lui, par une réforme du Code. Entre conventions internationales et lois nationales Membre du Bureau exécutif du syndicat des avocats au Maroc, Me Allal Basraoui propose pour sa part une étude de droit comparé. Entre ce que dispose la Moudawana en terme de défense des droits des femmes et ce que stipulent les conventions internationales signées par le royaume, l'avocat pose la question de la hiérarchie des lois. Le bloc de constitutionnalité étant au sommet des normes, Allal Basraoui souligne que la Moudawana de 2004 « est largement dépassée ». Le juriste porte notamment son analyse sur l'Article 19 de la Constitution de 2011 et qui lie l'égalité homme-femme aux conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc et aux constantes et aux lois du Royaume. « En la matière, le juge marocain se trouve souvent dans une situation où il doit disséquer entre les deux sources de droit » relève-t-il. L'exemple donné est celui où, en vertu des conventions internationales adoptées par le Maroc, le législateur marocain est en mesure de consulter le compte bancaire d'un individu divorcé, et ainsi constater s'il est capable ou non de s'acquitter de son devoir de pension alimentaire. Allal Basraoui fait remarquer « un seul cas » où ce recours a été rendu possible, « et uniquement en première instance », signale-t-il. Et pour cause, le principe du secret bancaire est largement utilisé, rendant caduque tout un ensemble de mesures prévues dans la Moudawana afin de garantir aux femmes divorcée son droit de percevoir une pension alimentaire pour ses enfants. Pour une révision complète Docteur et spécialiste de la question de l'égalité entre les sexes, Farida Bennani plaide, elle, pour une législation où les conventions internationales en matière de statut personnel deviennent des lois nationales. La Moudawana de 2004 a conservé les aspects légaux du Code de 1957 et qui permettent une discrimination entre hommes et femmes. Pour elle, le maintien du principe conservé dans l'Article 25 de la Moudawana constitue encore une prédominance des coutumes et usages sur la loi. L'article en question stipule qu'une femme majeure peut contracter elle-même son mariage ou déléguer à cet effet son père ou l'un de ses proches. « On ne peut réaliser les objectifs de parité sans un changement radical, basé sur un seul et unique principe: l'égalité, et à partir d'une seule et unique référence: la jurisprudence », juge Farida Bennani. Elle rappelle à cet égard, que la Convention de Vienne sur le droit des traités incite les Etats qui l'adoptent à en faire un texte légal et valide. Et le Maroc en est signataire.