L'Instance des inspecteurs du travail et celle des ingénieurs ont annoncé le lancement d'un mouvement de protestation à l'échelle nationale, avec une grève prévue pour le jeudi 10 avril. Cette mobilisation s'accompagnera d'un sit-in devant le ministère de l'Économie et des Finances, suivi le même jour d'un rassemblement de protestation devant le siège du ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences. Dans un communiqué conjoint, les deux instances affirment que cette montée en puissance de la contestation s'inscrit en réponse à ce qu'elles considèrent comme un « déni manifeste du gouvernement face à leurs revendications légitimes ». Parmi celles-ci figurent, au premier rang, la révision en profondeur du statut particulier des inspecteurs du travail, ainsi que la modification du décret encadrant les indemnités de tournées de terrain. Les instances réclament l'unification et la généralisation de ces indemnités à l'ensemble des composantes de la profession, assorties d'un effet rétroactif. Dans une déclaration à la presse, Adib Jalal, secrétaire général de la section du Syndicat national des ingénieurs du secteur du travail, a tiré la sonnette d'alarme quant à la situation critique dans laquelle se trouve le corps d'inspection. « Le dispositif d'inspection du travail traverse une phase des plus déplorables », a-t-il souligné, expliquant que ce climat délétère a conduit les ingénieurs et inspecteurs à adopter une série de mesures de lutte, matérialisées par l'organisation de six sit-in au cours des 18 derniers mois, notamment devant le Parlement et le ministère des Finances. Adib Jalal a également pointé du doigt la gestion gouvernementale du dossier, qualifiée d'opaque et contradictoire. « Il existe plusieurs versions autour du sort du dossier : on affirme parfois qu'il est 'inexistant', d'autres fois qu'il est 'en cours d'examen au ministère des Finances', ce qui a profondément ébranlé la confiance des syndicats sectoriels et des associations professionnelles. Ces dernières estiment que le ministère de l'Emploi ne manifeste aucune volonté politique réelle pour résoudre le problème », a-t-il déclaré. Le syndicaliste a tenu à rappeler que, malgré cette inertie administrative, les inspecteurs poursuivent leur mission avec leurs propres moyens : « Les tournées de terrain sont effectuées avec leurs véhicules personnels et à leurs frais, y compris pour le carburant, ce que le ministre de tutelle a lui-même reconnu dans une déclaration officielle sous la coupole du Parlement ». Concernant le cadre réglementaire actuel, Adib Jalal a estimé que le statut en vigueur depuis 2008 est « dépourvu de toute incitation motivante » et qu'il n'est qu'un « simple copier-coller du statut des administrateurs », sans aucune prise en considération des spécificités du métier d'inspecteur du travail. Il a ajouté que les modifications apportées se limitent à de « modestes ajustements relatifs à l'organisation des tournées ». Le responsable syndical a insisté sur le rôle stratégique des inspecteurs, particulièrement dans les grandes directions régionales telles que Rabat, Casablanca, Marrakech ou Tanger, où ils sont amenés à gérer des opérations de conciliation longues et complexes. « Ces opérations aboutissent à des indemnisations financières colossales, estimées à plusieurs millions de dirhams chaque année », a-t-il précisé. Il a poursuivi en indiquant que si ces affaires étaient portées devant les tribunaux, les avocats percevraient entre 20 et 30 % des montants attribués, en plus de la charge de travail considérable, des heures passées dans les couloirs de la justice et des frais de procédure. Dans le même ordre d'idées, Adib Jalal a déploré que l'inspecteur du travail assume l'ensemble de ces tâches et responsabilités, consacrant plus des deux tiers de son temps administratif aux procédures de conciliation et de résolution des conflits, sans la moindre compensation financière. Cette absence de reconnaissance ne fait qu'alimenter un profond sentiment de frustration au sein du corps, accentué par l'alourdissement constant des charges administratives, des visites de terrain et des obligations liées aux réunions extérieures. Le représentant syndical a appelé, dans ce sens, le gouvernement et le ministère à « promulguer un statut juste et équitable, reconnaissant les spécificités du corps d'inspection », et à permettre aux ingénieurs d'exercer leurs fonctions conformément aux conventions internationales, notamment dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail. Il a également insisté sur la nécessité de régulariser la situation des ingénieurs en sécurité intégrés dans le dispositif depuis 2008, sans bénéficier à ce jour d'un cadre juridique clair. Enfin, il a mis en garde contre les conséquences d'un éventuel refus de prise en compte de ces revendications. Il a évoqué la possibilité, pour les ingénieurs chargés de l'inspection du travail, de recourir à la justice afin d'« engager une action pour discrimination intentionnelle », ou de restituer leurs cartes professionnelles pour revenir à leurs fonctions initiales en tant qu'ingénieurs. Selon lui, « c'est la dernière chance pour le gouvernement avant un véritable durcissement du mouvement ».