L'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal à l'aéroport d'Alger, confirmée par des sources officielles, soulève des questions. Est-ce un règlement de comptes? Est-ce à cause de ses déclarations pro-marocaines? Le monde littéraire appelle à sa libération sans délais. Boualem Sansal a été arrêté le 16 novembre, après une semaine sans nouvelles. Sa détention par les autorités algériennes a été confirmée ce vendredi. Selon un média gouvernemental algérien, l'arrestation a eu lieu à son arrivée à l'aéroport d'Alger, sans qu'il n'ai eu droit à un avocat et sans aucune raison expliquée. Son arrestation a créé une vague d'indignation dans le monde littéraire ainsi qu'au sein de la classe politique française. « J'ai été désigné par son éditeur. On me parle d'un mandat de dépôt qui aurait été décerné, qu'il serait en détention. Je ne vois pas comment ce mandat de dépôt aurait pu être signé en l'absence d'un avocat, on me parle d'une convocation au parquet. », a déclaré son avocat sur la chaine française BFM TV. C'est le choc en France et au delà. L'arrestation de l'écrivain relève de l'impensable, mais avec le régime algérien, l'inimaginable devient possible. Honni des généraux algérien pour ses prises de positions politiques virulentes à l'égard du mode de gouvernance dans son pays d'origine, Sansal semble avoir été pris pour cible manifestement après des déclarations factuelles et historiques sur l'histoire du Maroc et de son pays l'Algérie. L'agence de presse algérienne (APS) a accusé l'écrivain d'avoir remis en cause « l'existence, l'indépendance, l'Histoire, la souveraineté et les frontières de l'Algérie », d'avoir « nié l'existence même de la Nation algérienne » et d'avoir « des liens avec des parties hostiles à l'Algérie ». « Il est peu probable que les déclarations de Boualem Sansal dans ses récents entretiens ou ses positions sur la question de l'unité nationale soient considérées comme une simple expression de la liberté d'opinion », a indiqué de son côté le site algérien « Algérie 360 ». La même source précise que « les articles du Code pénal algérien relatifs à l'atteinte à la sûreté de l'État et à l'unité nationale semblent particulièrement adaptés à cette affaire » et met en garde contre la gravité des accusations portées contre l'écrivain. Lauréat du Grand Prix de la francophonie de l'Académie française en 2013 et du Grand Prix du roman de l'Académie française en 2015, Boualem Sansal semble avoir été arrêté pour avoir exprimé des opinions qui dérangent en Algérie. « Le Maroc, il faut le savoir, est le pays le plus ancien dans le monde. Le Maroc existe depuis 12 siècles, la France existe depuis 1000 ans. Il existait dans sa forme actuelle avec un sultan. C'est un vieil état qui a toujours été très puissant, qui a colonisé toute l'Afrique du Nord, quasiment jusqu'à l'Égypte, qui a colonisé l'Espagne. C'est un Empire très puissant qui s'est étendu jusqu'au Sénégal », a-t-il récemment déclaré au média français Frontières. Il a aussi évoqué l'Histoire des deux pays : « Quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu'à Mascara », a-t-il rappelé. Et d'ajouter, lors de la colonisation de l'Algérie, « la France s'installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l'Est du Maroc à l'Algérie, en traçant une frontière. ». Des déclarations qui ont suffi à entraîner son arrestation, d'après les médias français qui soulignent les propos utilisés par l'agence de presse algérienne, qui ne font aucun doute sur le « timing » entre les récentes déclarations de l'écrivain et son arrestation en Algérie, à cause de semble-t-il une « atteinte à l'intégrité nationale ». Plusieurs voix s'élèvent pour la libération de l'écrivain septuagénaire, dénonçant une arrestation arbitraire. Les conditions de son arrestation inquiètent également, aucune information n'a filtré sur son état de santé, et le silence plombe les événements. Les éditions Gallimard ont demandé la « libération » immédiate de Boualem Sansal, après son arrestation par les services de sécurité algériens. L'éditeur a exprimé son inquiétude dans un communiqué. De son côté, l'Académie française a fait part de son espoir de voir l'écrivain « libéré sans délai ». L'institution a réagi suite à une tribune publiée par une trentaine d'écrivains lauréats de son Grand Prix du roman dans Le Figaro, appelant à la « sauvegarde physique » et au « respect des droits élémentaires » de l'écrivain.