Les précipitations salvatrices au Maroc au cours du mois d'octobre dernier, qui se sont parfois transformées en inondations dévastatrices, ont éveillé une lueur d'espoir chez les agriculteurs quant à la possibilité d'une meilleure saison agricole. Cependant, le bonheur ne dure qu'un temps, après le lancement officiel de la saison agricole, de nombreux facteurs annoncent la persistance de la sécheresse. Le même scénario se répète ? Il y a environ trois semaines, la saison agricole 2024/25 a été officiellement lancée. Celle-ci représente un enjeu majeur pour le Maroc, qui parie sur cette campagne après plusieurs années de sécheresse pour atteindre les objectifs de croissance fixés par le gouvernement et salués par des institutions internationales. Le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed Bouari, a annoncé devant le Parlement la mise en place de mesures visant à soutenir la capacité productive des agriculteurs, notamment à travers la fourniture d'intrants tels que des semences et des engrais, le développement des chaînes de production, la gestion de l'eau d'irrigation, l'assurance agricole et le financement. Ces mesures seront-elles suffisantes pour sauver la saison agricole ? La détresse des agriculteurs semble s'aggraver, c'est ce qu'a récemment dévoilé Driss Bouhri, pépiniériste basé à Meknès au portail spécialisé FreshPlaza : « Nos ventes dans le secteur fruitier ont chuté de 80 % par rapport à une année normale", se désole-t-il. Près de cinq ans de sécheresse implacable ont sévi sur le royaume, une situation qui laissera certainement des séquelles. La sécheresse persistante au Maroc a gravement impacté la demande en plants fruitiers, « la demande s'effondre d'année en année, et nous ne voyons toujours pas d'issue", décrivant l'état lamentable des professionnels du secteur. Driss Bouhri, propriétaire et gestionnaire d'une pépinière à Meknès, précise : »Cette année marque un creux historique pour les plants de fruits frais. Les agriculteurs des régions frappées par la sécheresse abandonnent massivement certaines cultures comme les pommes et les raisins de table, dont les commandes ont plongé de près de 90 % par rapport à une année normale. Toutes les catégories de fruits sont touchées : raisins de table, fruits à pépins, agrumes... Globalement, nos ventes dans le secteur fruitier ont diminué de 80 %". Et de poursuivre : « Les régions concernées, comme l'Oriental, Agadir, Marrakech, Errachidia ou Doukkala, enregistrent depuis une décennie une baisse continue de la demande pour les plants fruitiers". Face à cette crise, Bouhri observe un changement de stratégie chez les agriculteurs, notamment les petits exploitants, qui privilégient désormais des cultures moins gourmandes en eau, comme les oliviers et les amandiers. La demande pour ces plants a d'ailleurs augmenté ces dernières années. Selon une déclaration précédente de Mohamed Sadiki, ex-ministre marocain de l'Agriculture, "les réserves d'eau actuelles du pays suffisent à irriguer seulement 400.000 hectares de cultures automnales et hivernales, contre 800.000 hectares en année normale. Hormis la région du Loukkos (au nord-ouest), toutes les régions marocaines sont en proie à un stress hydrique sévère et persistant". Malgré les pluies récentes des deux derniers mois, Bouhri préfère rester réaliste : « La nappe phréatique est à sec, et il y a très peu de neige. Il faudrait plusieurs années consécutives de fortes précipitations pour relancer véritablement la production fruitière".