Au tribunal de la Cour d'appel de Casablanca, devant la Chambre criminelle de première instance, dans la fraîcheur des premières heures de ce mardi matin, un dossier digne d'un roman noir a finalement trouvé son épilogue. En effet, un procès pour le moins singulier s'est clôturé. Il s'agit de celui de douze jeunes, accusés d'avoir pris d'assaut un navire polonais qui avait échoué près des côtes d'Aïn Sebaâ. Devant la Cour d'appel, ce groupe de jeunes, accusé d'avoir dérobé les biens appartenant à l'équipage et au bâtiment lui-même, a écopé d'une peine collective de 45 ans de prison ferme, répartie équitablement entre neuf d'entre eux, tandis que trois autres ont été acquittés. Le procès, marqué par les réquisitoires de la Justice et les plaidoyers, s'appuyait sur des faits qualifiés de « vol en mer, en réunion et de nuit ». Ce chef d'accusation, prévu par l'article 508 du Code pénal marocain, atteste de la gravité accordée aux vols commis en zone portuaire, surtout lorsqu'ils comportent des circonstances aggravantes telles que l'action concertée et nocturne. Face à ce délit, les peines prononcées n'ont laissé aucune place à la clémence : cinq ans de prison ferme pour chacun d'entre eux tandis que trois autres furent acquittés. Attaque maritime sous le couvert de la nuit Cette saga judiciaire ne s'est pas déroulée sans rebondissements. Plusieurs rapports avaient déjà ralenti le processus, d'abord en raison des grèves des greffiers, puis des absences d'avocats, marquant une pause dans ce feuilleton déjà complexe. La veille du verdict, après les dernières plaidoiries de la défense, le dossier fut mis en délibéré, laissant planer le suspense. Le contexte de ce vol, qui remonte à juillet de l'année précédente, demeure exceptionnelle par son audace. Le navire, long de 60 mètres, pris dans les courants de la côte marocaine après une panne technique, avait subi une avarie et s'était retrouvé échoué à proximité d'un récif près de la plage d'Aïn Sebaâ. L'embarcation, vulnérable et abandonné temporairement, a rapidement attiré l'attention d'un groupe de jeunes. Saisissant l'opportunité, ils ont mis au point un plan audacieux, utilisant des canots pneumatiques pour accéder au navire. Dans un silence habilement entretenu, et sous le couvert de la nuit, ils ont investi l'embarcation, en la pillant. Le butin de cette incursion ? Des effets personnels, de la nourriture et divers équipements appartenant à l'équipage composé de six marins originaires d'Afrique subsaharienne et à l'embarcation. Des répercussions au-delà de l'affaire elle-même Ce procès au parfum de mystère et de risques maritimes met en lumière les dynamiques changeantes de la criminalité dans les zones portuaires. Le Maroc, avec ses côtes longues et ses ports florissants, voit apparaître de nouveaux modes opératoires qui interpellent la justice et les autorités sur les moyens à déployer pour protéger ses rivages et son patrimoine maritime. Ce dénouement judiciaire est également révélateur de la vigilance accrue que le Royaume entend maintenir face aux incursions criminelles. Ce verdict illustre une tendance nouvelle et inquiétante pour les autorités marocaines. Avec ses longues côtes et ses infrastructures portuaires d'importance, le Maroc devient progressivement une cible pour des actes de piraterie et de vols maritimes, des fléaux longtemps associés à d'autres régions du globe. De cette aventure et de sa conclusion, la Justice marocaine adresse un signal clair : aucun acte d'appropriation illégitime, fût-il, isolé ou audacieux, ne reste impuni. Si ce cas reste un fait divers spectaculaire, il résonne également dans un contexte plus large de pressions économiques et de contrôles maritimes au Maroc. Les ports du pays, véritables portes d'entrée pour les marchandises en provenance et à destination de l'Afrique, suscitent un intérêt croissant de la part de trafiquants et de délinquants. Le vol de cette embarcation rappelle que le contrôle des côtes est un enjeu crucial pour l'économie nationale, mais également pour la stabilité de la région. Ce procès pourrait ainsi marquer un tournant pour les forces de l'ordre, appelées à anticiper des formes de criminalité qui, jusqu'ici, semblent éloignées du Royaume.