L'unique clarification qui a eu lieu jusqu'à présent dans le sillage de ces élections législatives anticipées est qu'Emmanuel Macron refuse que la gauche, sans majorité absolue, accède au pouvoir. Il l'avait fait savoir de manière officielle au bout du premier cycle de consultations mené à l'Elysée à la recherche désespérée d'un successeur à Gabriel Attal doté d'une majorité confortable. Macron a donc opposé une fin de non recevoir à la gauche qui avait fait durant tout l'été de Lucie Castets, haut fonctionnaire à la ville de Paris, propulsée subitement icône premier ministrable. Cette nouvelle apparition dans le spectre politique français était tellement certaine d'être nommée à Matignon qu'elle agissait déjà comme si elle était la future chef du gouvernement. En termes de posture et de marketing, Lucie Castets était atteinte du syndrome Jordan Bardella, du nom du président du Rassemblement National qui avant le second tour des législatives se comportait déjà comme si le tapis rouge de Matignon lui sera inévitablement déroulé. Le choc et la déception à gauche sont profonds et spectaculaires. Pour le nouveau front populaire (NFP), Emmanuel Macron n'avait d'autres choix que de préempter une personnalité dans ses rangs pour former le prochain gouvernement, partant du constat que l'alliance de la gauche est parvenue à réaliser le meilleur score aux législatives. L'amertume à gauche est d'autant plus prononcée que le Président de la République peine à trouver de manière spontanée une alternative crédible à cette gauche. L'argumentaire de Macron pour renvoyer Lucie Castets à ses préoccupations financières à la ville de Paris est que n'importe quel gouvernement de gauche contenant des ministres de la France insoumise pourrait subir les affres d'une violente motion de censure qui le ferait chuter. Ce qui ferait entrer la France dans une période d'instabilité institutionnelle dommageable pour son présent et son avenir. Macron étant le garant de la bonne marche des institutions ne peut permettre une telle dérive. Dans le cadre de ce bras de fer politique entre la Gauche et Macron, le patron de la France insoumise Jean Luc Mélenchon avait tenté un coup ingénieux pour déstabiliser l'argument présidentiel. Il s'est dit prêt à soutenir un gouvernement de gauche sans imposer la participation de ministres issus de la France insoumise. Cet argumentaire avait fait vaciller Emmanuel Macron et ses amis qui étaient obligés de clarifier qu'ils s'opposaient à la formation d'un gouvernement de gauche à cause de son programme politique et économique jugé extrêmement dangereux pour la France. En effet, Emmanuel Macron perçoit le programme du NFP comme un ensemble de décisions stratégiques destinées à démanteler l'ensemble de son bilan de 7 années de gouvernance. Du régime de la retraite, en passant par la loi sur l'immigration jusqu'à l'assurance chômage, sans parler des choix écologiques contestables, la gauche voulait en finir avec ce legs de Macron. Et ce sans besoin d'avoir une majorité absolue. En plus de la possible gouvernance par décret qui suppose une adhésion populaire, la direction de la France insoumise avait popularisé une maxime qui sonne dangereux aux oreilles de Macron : Ce qui avait été concocté par le fameux 49.3, l'arme favorite et obligée de Macron durant son second mandat, doit être démantelé par le même 49.3 dans le sens inverse, mais cette fois avec une bénédiction populaire puisqu'il s'agira de rendre au Français de l'assurance sociale et du pouvoir d'achat. Devant ce refus présidentiel, la gauche a utilisé tous les qualificatifs pour décrire la posture de Macron, déni, mépris, autisme, coup d'état institutionnel... Elle a même eu recours à la menace d'activer la carte de la contestation de rue pour exprimer ses déceptions comme le montre l'appel à manifester le 7 septembre prochain pour critiquer les décisions de Macron et peut être demander sa destitution. Le risque pour Macron est que face à n'importe quel gouvernement du bloc central qu'il sera amené à former pour sortir de cette impasse institutionnelle, il ne puisse avoir en face de lui une gauche déçue, amère, remontée contre lui de l'avoir privée de sa victoire électorale et que cela ne se traduire en une radicalisation des luttes sociales dans la rue qui rendraient impossible n'importe quelle démarche réformatrice de ce gouvernement. En les écartant du pouvoir, Macron risque de jeter les gauches dans la rue. Il aurait ainsi à gérer les postures opportunistes de l'extrême droite au Parlement et celles de la gauche dans la rue. Ce qui en soit ne sera pas une mince affaire.