Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen d'origine marocaine, pourrait devenir Premier ministre dans un contexte politique français complexe. Depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, la majorité relative du Nouveau Front Populaire (NFP) crée une incertitude sur la formation d'un gouvernement stable. Bouamrane, dont la carrière est marquée par des succès locaux et un engagement progressiste, doit surmonter de nombreux défis, dont les tensions avec La France Insoumise (LFI) et la nécessité de fédérer une coalition hétérogène. Sa nomination serait également historique en tant que représentant d'une diversité culturelle souvent sous-représentée au plus haut niveau de l'État. Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen et membre du Parti Socialiste (PS), pourrait se retrouver au cœur des négociations politiques si cette situation se concrétisait. Cependant, son parcours vers Matignon serait semé d'embûches, en grande partie à cause de la complexité des alliances politiques et des tensions internes entre les partis de gauche, notamment entre le PS et La France Insoumise (LFI). La dissolution de l'Assemblée nationale en juin a plongé le paysage politique français dans une nouvelle phase d'incertitude. "Le Nouveau Front Populaire (NFP), une coalition hétéroclite regroupant des partis de gauche, a réussi à obtenir une majorité relative lors des élections législatives qui ont suivi. Cette majorité relative signifie que le NFP est la première force à l'Assemblée, mais sans pour autant disposer de la majorité absolue nécessaire pour gouverner efficacement. Cette situation oblige le NFP à rechercher des alliances pour former un gouvernement capable de mener à bien son programme", explique à Hespress FR le secrétaire général du Centre marocain de recherche pour la globalisation « NejMaroc », Yassine El Yattioui. Karim Bouamrane se distingue par son parcours atypique et son engagement de longue date au sein du Parti Socialiste, fait remarquer le SG de NejMaroc. "Maire de Saint-Ouen depuis 2020, il a su imprimer sa marque en menant des politiques de transformation urbaine et en défendant des valeurs progressistes avec une visibilité immense durant les Jeux Olympiques jusqu'à faire la une du New York Times comparant son parcours à celui de Barack Obama. Bouamrane est perçu comme un homme de dialogue, capable de fédérer différentes sensibilités au sein de la gauche. Ce profil pourrait jouer en sa faveur dans le contexte d'une majorité relative, où la capacité à nouer des compromis sera essentielle", affirme l'analyste. Cependant, poursuit M. El Yattioui, "être un candidat de consensus ne suffit pas pour s'imposer à Matignon. En effet, Bouamrane devra naviguer dans un paysage politique profondément divisé, où les ambitions personnelles et les divergences idéologiques sont nombreuses". Surmonter les tensions entre le Parti socialiste et La France Insoumise L'un des principaux obstacles pour Bouamrane, de l'avis du SG de NejMaroc, "réside dans les relations tendues entre le Parti Socialiste et La France Insoumise. Depuis plusieurs années, LFI critique sévèrement le PS, qu'elle accuse d'avoir trahi les idéaux de gauche en adoptant des positions trop modérées. Cette critique s'est exacerbée au fil des élections, où LFI a progressivement gagné du terrain sur le PS, devenant une force incontournable de la gauche". Dans ce contexte, "LFI, dirigée par une figure charismatique comme Jean-Luc Mélenchon pourrait bien voir d'un mauvais œil la nomination de Bouamrane à Matignon. LFI revendique de plus en plus son autonomie au sein de la gauche et pourrait faire pression pour que le poste de Premier ministre revienne à l'un de ses membres. Une telle situation créerait une tension considérable au sein du NFP, mettant à l'épreuve la cohésion de la coalition". Un autre défi pour Bouamrane "sera de s'assurer le soutien de l'ensemble des députés du NFP. La majorité relative obtenue par cette coalition signifie que chaque vote à l'Assemblée sera crucial. Or, les divergences entre les partis membres du NFP sont nombreuses. Certains députés écologistes, par exemple, pourraient refuser de soutenir un gouvernement dirigé par un socialiste s'ils estiment que leur programme environnemental n'est pas suffisamment pris en compte. De même, les communistes pourraient exiger des concessions importantes sur les questions sociales et économiques". Bouamrane devra donc, selon M. El Yattioui, "faire preuve d'une grande habileté politique pour convaincre les différentes composantes du NFP de soutenir son gouvernement. Cela nécessitera des négociations ardues, où chaque parti tentera de maximiser son influence. Le risque de voir émerger des frondeurs, prêts à désavouer le gouvernement sur certaines réformes, sera omniprésent". Composer avec une opinion publique volatile et une opposition déterminée Outre les défis internes, "Bouamrane devra également faire face à une opinion publique volatile et à une opposition déterminée", fait observer le SG de NejMaroc. La France traverse une période de mécontentement social, avec des mouvements sociaux fréquents et une défiance croissante envers la classe politique. "Dans ce contexte, chaque décision du futur gouvernement sera scrutée de près, et le moindre faux pas pourrait entraîner une chute de popularité rapide". Par ailleurs, l'opposition, qu'elle soit de droite ou d'extrême droite, "ne manquera pas de capitaliser sur les moindres faiblesses du gouvernement Bouamrane", estime l'analyste. Le Rassemblement National, en particulier, pourrait jouer sur la peur de l'instabilité pour mobiliser ses électeurs et affaiblir la position du NFP à l'Assemblée. En somme, bien que "Karim Bouamrane ait le profil d'un Premier ministre rassembleur, capable de naviguer dans un paysage politique complexe, les obstacles sur sa route sont nombreux dont ses origines marocaines car jamais encore, un enfant issu de l'immigration d'Afrique du Nord n'a été Chef du Gouvernement". Les tensions internes au sein du NFP, les ambitions de La France Insoumise, la difficulté de rassembler une majorité solide, la pression de l'opinion publique et des autres forces politiques, ainsi que les attentes internationales, constituent autant de défis qui pourraient rendre sa tâche extrêmement difficile. "Pour réussir, Bouamrane devra faire preuve d'une grande résilience et d'une capacité exceptionnelle à négocier et à fédérer. Sans cela, il risque de voir son mandat entravé par les dissensions internes et l'opposition, rendant ainsi son passage à Matignon aussi bref qu'inefficace", conclut M. El Yattioui.