À suivre la presse et les réseaux sociaux algériens, une impression se dégage : un effort gigantesque est fourni pour tenter d'intéresser l'opinion algérienne et internationale aux enjeux de ces élections présidentielles. Le président Abdelmadjid Tebboune est candidat à sa propre succession dans une course électorale très formelle, avec deux lièvres simplement chargés de compléter le décor et de donner aux candides une illusion de compétition. Abdelmadjid Tebboune a été choisi par l'institution militaire algérienne pour un second mandat, non pas à cause d'un brillant bilan économique et politique, mais simplement parce que cette institution ne lui a pas trouvé d'alternative capable d'assurer sans tension la continuité et la permanence du système algérien. Durant cette campagne qui n'a d'électoral que le nom, Tebboune agit comme s'il était déjà président. Non seulement il défend becs et ongles un bilan qu'il est le seul à estimer positif, mais il annonce avec une certitude populiste de nombreuses promesses toutes aussi farfelues et irréalisables les unes que les autres. Passons sur les promesses d'améliorer la situation économique des Algériens. Tebboune rase gratis à ce niveau et peut promettre la lune comme il l'avait déjà fait au début de son premier mandat. Ses promesses ont fini dans le bac à sketches de tous ses opposants, qui le lui rappellent régulièrement. Sans aucun doute, pour donner à cette apparente campagne électorale un zeste d'intérêt et de tension, Tebboune a choisi d'investir dans l'international. Les relations avec le voisinage marocain et la Palestine sont au cœur de cette stratégie. Allant à contre-courant de toutes les évolutions internationales du dossier du Sahara marocain, Tebboune annonce avec fracas la décision du régime algérien de ne pas laisser tomber « le Sahara Occidental ». Une annonce qui se voulait fracassante mais qui produit un non-sens politique et diplomatique, participant à isoler davantage le régime algérien et à l'enfermer dans une logique autiste qui brûle toutes ses relations internationales. L'autre sujet international de cette campagne démagogique est la Palestine. Tebboune avait déjà eu l'occasion de provoquer un grand éclat de rire international lorsqu'en marge du sommet arabe qui s'est tenu à Alger, il s'était vanté en disant qu'il allait s'occuper personnellement de la Palestine. Promesse partie dans le vent de l'inaction et les limbes de la paralysie. Aujourd'hui, après plusieurs mois de guerre israélienne contre le Hamas, Tebboune annonce que l'armée algérienne est prête et n'attend que l'Égypte lui ouvre les frontières avec Gaza pour... aller construire des hôpitaux et participer à la reconstruction de Gaza. Tebboune a joué sur les mots « frontières » et « armée » pour insinuer la disponibilité de son pays à voler au secours des Palestiniens. Mais l'illusion s'est vite dissipée. Pour Alger et son régime, la question palestinienne demeure un investissement démagogique pour tenter de faire illusion. À cause de ses sorties aussi incontrôlées que hasardeuses, Tebboune et son régime sont devenus la risée du monde. Sur les réseaux sociaux, les influenceurs égyptiens, y compris ceux qui s'opposent au régime d'Abdel Fattah al-Sissi, s'en sont donnés à cœur joie dans le sarcasme et la moquerie de Tebboune. Tandis que ceux du Maroc, désespérés par cet autisme algérien sur le Sahara marocain, n'ont qu'à montrer cette fameuse vidéo pour provoquer un éclat de rire généralisé. Cette campagne hors sol de Tebboune, le vide sidéral de son contenu politique, et les idées aventureuses lancées au détour d'une démarche populiste et démagogique cherchent en priorité à la fois à camoufler une décision arbitraire de l'armée algérienne d'imposer son propre candidat dans ce simulacre d'élection et à offrir à l'opinion algérienne et internationale un semblant de débat. Il ne s'agit ni d'élection ni de vote à proprement parler. Il s'agit d'une prolongation autoritaire du mandat de Tebboune avec cette volonté insistante, source probable de légitimité, de montrer qu'il est désiré par le peuple algérien. Pour le Maghreb, le second mandat de Tebboune est une mauvaise nouvelle. Le principal message qu'il envoie à toute la région est que les souhaits d'apaisement, les rêves unitaires et les obsessions de prospérité commune sont reportés à des jours meilleurs et qu'il va falloir encore pendant des années composer avec un homme, Tebboune, et un régime dont la survie dépend de sa capacité à créer une situation de tensions et d'instabilité permanente dans la région.