Dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques autour de la question du Sahara marocain, la France a récemment clarifié sa position en faveur du plan d'autonomie proposé par le Maroc. Le Président Emmanuel Macron, dans un message adressé au Roi Mohammed VI, a explicitement déclaré que l'avenir du Sahara devait s'inscrire dans le cadre de la souveraineté marocaine. Cette déclaration, prononcée le 30 juillet, jour de la Fête du Trône au Maroc, constitue un point de bascule dans ce conflit qui dure depuis des décennies. Pour mieux comprendre les implications de cette prise de position, nous avons interviewé Mustapha Tossa, journaliste spécialisé dans les questions géopolitiques. La France, acteur clé dans la reconnaissance de la marocanité du Sahara D'emblée, Mustapha Tossa a souligné l'importance de ce changement de position de la France. Pour lui, il s'agit d'un tournant historique, non seulement pour le conflit du Sahara, mais aussi pour la diplomatie marocaine. « La France est une ancienne puissance coloniale qui connaît bien l'histoire et la géographie de cette région », explique Tossa, avant d'ajouter: « Si la France, après l'Espagne, atteste de la marocanité du Sahara, cela peut encourager d'autres pays, notamment européens, à adopter la même position ». En effet, cette reconnaissance par la France renforce la légitimité du plan d'autonomie marocain, perçu par la communauté internationale comme une solution viable et réaliste au conflit. Tossa qualifie cette évolution de « victoire de la diplomatie marocaine », qui a su convaincre la France de prendre une position claire en faveur de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud. Vers l'ouverture d'un consulat français au Sahara marocain ? L'un des sujets abordés lors de notre entretien a été l'éventualité de l'ouverture d'un consulat français à Dakhla ou Laâyoune, un geste qui viendrait concrétiser cette reconnaissance. Sur ce point, Mustapha Tossa reste mesuré : « Oui, c'est possible, mais ce n'est pas indispensable dans le contexte actuel ». Il insiste sur le fait que l'essentiel réside dans l'action de la France au sein de forums internationaux, notamment au Conseil de sécurité des Nations Unies, et dans sa capacité à influencer d'autres acteurs, comme l'Algérie, pour qu'ils acceptent cette nouvelle donne. Pour l'expert, l'invitation du Roi Mohammed VI à Emmanuel Macron pour une visite d'État au Maroc pourrait être l'occasion de faire des annonces symboliques, comme l'ouverture d'un consulat. Cependant, il insiste que ce qui compte vraiment, c'est le rôle que la France jouera sur la scène internationale pour défendre la marocanité du Sahara. Réaction de l'Algérie : une colère destinée à la consommation interne? L'annonce de la France a suscité une réaction immédiate de l'Algérie, qui a retiré son ambassadeur à Paris et menacé de sanctions économiques. Mais selon Mustapha Tossa, ces menaces sont principalement destinées à la consommation interne. « Ceux qui connaissent bien la nature des relations entre la France et l'Algérie savent qu'il (pouvoir algérien ndlr) ne peut pas aller au-delà de la menace verbale », explique-t-il. Le régime algérien a des intérêts économiques et politiques significatifs en France, et une rupture diplomatique ou des sanctions économiques seraient contre-productives pour l'Algérie elle-même, estime le politologue, qui a tenu à rappeler que le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, est en campagne pour un second mandat et utilise cette crise pour mobiliser son électorat, notamment en jouant sur la rhétorique anti-française et anti-marocaine. Un changement de position irréversible ? La décision de la France a également été critiquée par la gauche française, qui y voit une prise de position trop marquée en faveur du Maroc. Mais pour Mustapha Tossa, cette critique est surtout liée à l'instabilité politique en France, où les tensions entre les différents partis sont exacerbées. «Après la dissolution de l'Assemblée nationale, et avec l'absence d'un gouvernement stable, toute décision prise par Macron est l'objet de critiques de la part de la gauche », note-t-il. Cependant, il se dit convaincu que même si un gouvernement de gauche venait à prendre le pouvoir, il ne reviendrait pas sur cette décision. « La position classique de la France, qu'elle soit de gauche ou de droite, a toujours été de soutenir le plan d'autonomie. Ce que Macron a ajouté, c'est de dire que ce plan n'est plus seulement une solution parmi d'autres, mais La solution ». Pour lui, cette prise de position est le fruit d'une analyse approfondie des intérêts de la France dans la région, et elle est donc peu susceptible d'être remise en cause. Nouveau chapitre pour les relations franco-marocaines Enfin, Mustapha Tossa entrevoit une nouvelle ère pour les relations franco-marocaines après ce soutien explicite au plan d'autonomie. « Le Roi avait averti les alliés du Maroc, européens ou autres, que si leur position restait floue, le dialogue politique et économique serait impacté. Maintenant que la France a clarifié sa position, nous pouvons nous attendre à un renforcement du partenariat d'exception entre le Maroc et la France ». Ce partenariat, selon Tossa, pourrait se traduire par une coopération accrue dans des projets économiques d'envergure, tant au Maroc qu'en Afrique. Il évoque notamment des projets comme la construction du TGV au Maroc, confiée à la France, ainsi que d'autres collaborations dans des secteurs innovants et stratégiques.