En l'espace d'une nuit, deux frappes ont profondément modifié la donne des conflits au Proche-Orient. Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été tué à Téhéran, mercredi 31 juillet, lors d'une opération attribuée à Israël par l'Iran. Plus tôt, un tir israélien à Beyrouth visait Fouad Chokr, cadre du Hezbollah, dont la mort n'a pas été confirmée par le mouvement libanais. "Allumez le feu..." Mardi 30 juillet, en fin de journée, des avions de chasse d'Israël ont mené une frappe à Beyrouth, visant Fouad Chokr, un haut cadre militaire du Hezbollah libanais. Les frappes ont détruit une partie d'un immeuble dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, tuant une femme et deux enfants, et blessant au moins 74 personnes. Le Hezbollah n'a pas confirmé la mort de Chokr, qualifiant l'attaque de « vicieuse et criminelle ». Le premier ministre libanais, Najib Mikati, a dénoncé une « agression flagrante ». Ces événements illustrent la capacité d'Israël à frapper avec précision ses ennemis, même dans des zones considérées comme des bastions sécurisés. La mort de hauts responsables du Hamas et du Hezbollah pourrait temporairement affaiblir ces mouvements. Cependant, elle risque également de provoquer des représailles violentes et de pousser la région vers un cycle de violence accru. Frappes ciblées et répercussions Israël a affirmé avoir éliminé celui qu'il considère comme le « bras droit » de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, impliqué dans des projets de missiles de précision et responsable d'une attaque contre Majdal Shams, sur le plateau du Golan, qui a causé la mort de 12 enfants. L'élimination de hauts dignitaires du Hezbollah et du Hamas était un scénario redouté par les chancelleries occidentales, qui y voyaient un signe annonciateur d'une escalade imminente. Frapper Beyrouth représentait, en revanche, une ligne rouge tracée par le Hezbollah. Israël n'avait visé la banlieue sud de la capitale libanaise qu'une seule fois depuis octobre, lors d'une tentative d'élimination de Saleh Al-Arouri, le numéro deux du bureau politique du Hamas, le 2 janvier. Depuis samedi, Washington s'efforce, en vain, de dissuader Israël de frapper la capitale libanaise, redoutant une perte de contrôle de la situation. Brandissant la menace d'une frappe en retour contre Tel-Aviv, le Hezbollah a joué la carte de la dissuasion en affirmant avoir déployé des missiles téléguidés à cette fin. D'autres villes israéliennes pourraient également être visées par le Hezbollah, qui, en concentrant ses missiles et roquettes, pourrait saturer les systèmes antiaériens israéliens. « L'ennemi israélien a commis un acte irréfléchi par son ampleur, son timing et ses circonstances en ciblant une zone entièrement civile », a déclaré un responsable du Hezbollah, « L'ennemi israélien en paiera le prix tôt ou tard. » Au sein du Hezbollah, nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux une escalade. Téhéran en ligne de mire Quelques heures plus tard, à Téhéran, Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, a été tué dans une frappe. L'Iran, qui n'a pas revendiqué l'attaque, a confirmé la mort de Haniyeh et d'un de ses gardes du corps. Cet assassinat, survenu après l'investiture du nouveau président iranien Masoud Pezeshkian, marque un coup dur pour le Hamas et un camouflet pour l'Iran, dont Téhéran est depuis longtemps un théâtre d'opérations israéliennes visant des responsables associés au programme nucléaire. Les Gardiens de la révolution, armée idéologique de Téhéran, ont annoncé par communiqué qu'Ismaïl Haniyeh et un de ses gardes du corps avaient été tués lors d'une attaque dans une résidence de la capitale iranienne. Depuis une dizaine d'années, l'Iran est devenu le terrain de jeu préféré d'Israël pour ses campagnes d'assassinats ciblés, touchant particulièrement les scientifiques et responsables liés au programme nucléaire de Téhéran. Le Chef du Hamas : "dead man walking" pour Israël Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, était depuis longtemps considéré par Israël comme un « mort en sursis ». Son élimination en plein cœur de Téhéran constitue un coup dur pour le mouvement islamiste palestinien. Cette frappe est également une humiliation pour l'Iran, où Haniyeh assistait à la cérémonie d'investiture de Masoud Pezeshkian, en compagnie d'autres figures emblématiques de l' »axe de la résistance » à Israël, dont Naïm Qassem, le secrétaire général adjoint du Hezbollah libanais. La présence de responsables des groupes de « l'axe de la résistance » lors de l'investiture de Pezeshkian souligne l'interconnexion des conflits régionaux et les risques d'embrasement. Cet assassinat « pourrait plonger la région dans le chaos et compromettre les chances de paix », avertit le ministère des Affaires étrangères du Qatar, où Haniyeh résidait partiellement. Enjeu géopolitique complexe Ces éliminations successives risquent de transformer de manière imprévisible la situation au Proche-Orient. La frappe à Beyrouth, avec son bilan humain lourd, pourrait précipiter une escalade entre Israël et le Hezbollah, malgré les tentatives de ce dernier de minimiser sa responsabilité dans les récentes hostilités. L'assassinat d'Ismaïl Haniyeh à Téhéran constitue un affront direct à l'Iran et pourrait avoir des répercussions profondes sur la politique régionale, notamment en exacerbant les tensions entre Israël et les groupes soutenus par l'Iran. La situation au Proche et Moyen-Orient reste extrêmement volatile, chaque action militaire pouvant déclencher une réaction en chaîne. La stratégie israélienne de frappes ciblées qui vise à affaiblir les structures de commandement de ses ennemis, n'est pas la solution idoine qui éviterait de déclencher un conflit régional majeur, bien au contraire. Dans ce contexte, la diplomatie et les négociations restent des outils indispensables pour éviter une catastrophe humanitaire et sécuritaire dans une région déjà en proie à de profondes turbulences. Mais, à qui le dire en Israël ?