Si Emmanuel Macron avait pensé une seconde qu'il plongerait le pays dans une situation aussi délicate, qu'il subirait ce piège institutionnel de devoir sacrer le vainqueur de ces élections anticipées, il aurait tourné sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de prononcer l'oracle de la dissolution. Celle-ci lui revient aujourd'hui avec une série de défis et de complications qui rogne son pouvoir et son aura. Et pour cause. Une vérité française est criante aujourd'hui. Et si le semblant de blocage et le sentiment d'impasse qui caractérise actuellement la vie politique française était en fin de compte le fruit de la célèbre maxime du président Emmanuel Macron « Ni droite Ni gauche » appliquée aux nouveaux rapports de force issus des élections législatives anticipées. Après une période de silence et d'observation, le locataire de l'Élysée a fait son choix. Il ne veut voir au gouvernement ni Rassemblement National, de toute façon incapable de décrocher une majorité absolue, ni La France insoumise de Jean Luc Mélenchon qui, au sein de Nouveau Front Populaire, s'est imposée comme la premier groupe parlementaire de la nouvelle assemblée. Traditionnellement, le Président de la République, garant du bon fonctionnement des institutions, choisit parmi ce groupe arrivé en tête une personnalité et la charge de former un gouvernement. Arrivé à ce stade, Macron bloque comme un cheval devant un saut d'obstacles. Non seulement il refuse de répondre favorablement aux demandes de la gauche qui se perçoit victorieuse de ces élections et qui se dit prête à proposer une personnalité de ses rangs pour succéder à Gabriel Attal, il écrit une lettre distribuée aux Français alors qu'il survolait l'Atlantique pour participer au sommet de l'OTAN à Washington. Dans cette lettre, il fait le constat que personne n'a réellement gagné pour justifier le non recours à la gauche pour former le prochain gouvernement et somme les partis politiques représentés au parlement de négocier une majorité solide pour lui proposer un casting gouvernemental dans lequel il ne veut voir en aucune manière participer La France insoumise. Macron ne l'a pas dit de façon aussi tranchée même si avec les élections, il avait l'occasion d'affirmer qu'il ne gouvernera pas avec des membres de LFI. Mais en ciblant le centre, la droite et une partie de la gauche, il espère créer un choc politique qui ferait que les extrêmes seraient marginalisés au profit des partis dits de gouvernement. Pour que le souhait d'Emmanuel Macron se réalise, il faudrait un assemblage d'une grande variété, composé de ce qui s'appelait majorité présidentielle (Renaissance, Modem, Horizons), couplé aux Républicains qui n'ont pas suivi Éric Ciotti dans son alliance avec le RN, additionné à quelques membres du Parti socialiste, communiste et verts qui auraient un appétit quelconque à participer au gouvernement. Le souhait présidentiel est déjà contrarié par trois facteurs qui semblent agir comme des freins à cette ambitions. Le premier est son incapacité à provoquer des fissures au sein de cette nouvelle alliance de gauche, avec ce message adressé à l'Elysée : Nous avons gagné ensemble, nous gouvernerons ensemble. La mission de séparer LFI des autres composantes de la gauche a pour le moment échoué même si cette gauche peine à se mettre d'accord sur le nom qu'elle présentera à Macron pour le charger de former le futur gouvernement. Le second facteur est la décision surprise des Républicains de refuser de gouverner avec une coalition dirigée par Macron. Les responsables de ce parti font le calcul des présidentielles de 2027. Ils ne semblent pas vouloir rendre service à Macron, lui qui a longtemps refusé un pacte de gouvernement avec eux pendant l'ancienne législature. Le troisième facteur, plus inattendu que les autres, touche les tensions dans la propre équipe de Macron. Des tiraillements entre des tendances, ceux qui désiraient et inspiraient la dissolution comme Gérald Darmanin et ceux qui se sont opposés d'abord en silence, ensuite de manière presque affichée comme l'actuel premier ministre, Gabriel Attal. Un camp qui voyait dans la dissolution une chance de clarification et un autre qui y voyait un hara-kiri politique. Aujourd'hui, Emmanuel Macron affronte la possibilité de ne pas parvenir à former le gouvernement de ses souhaits. En refusant de céder à la gauche son droit d'accéder à Matignon, il court le risque d'entraîner le pays dans une impasse qui jetterait l'huile sur le feu des dynamiques de contestations politiques économiques et sociales. Si la gauche se sent privée de sa victoire, elle s'arrangera pour compliquer la vie à n'importe quel casting gouvernemental qui aurait pris sa place. Ce qui risque de faire en sorte que le reste du second mandat d'Emmanuel Macron puisse être une longe et indéterminable série de grondements et de secousses sociales à forte tonalité politique.