Le Maroc s'est lancé dans une aventure prometteuse avec la légalisation du cannabis, mais les défis sont nombreux. Les obstacles réglementaires, les coûts de production élevés et les conditions climatiques difficiles représentent des défis de taille. Cependant, les opportunités économiques sont tout aussi importantes. Dès lors que les obstacles pourront être surmontés, le Royaume deviendrait un acteur majeur sur le marché mondial du cannabis, transformant cet « or vert » en une véritable richesse économique. Pour la première fois, le Maroc a exporté du cannabis cultivé légalement sur son sol. Avec un prix oscillant de 1 400 à 1 800 euros le kilo, un quintal de résine à faible teneur en THC (moins de 1 %) a pris la route de la Suisse lors du deuxième trimestre de cette année. Bien que les volumes restent symboliques, cette exportation reflète l'espoir des acteurs privés marocains pour ce nouveau marché. La France, en plus d'être un marché cible, collabore également avec le Maroc à travers des entreprises françaises impliquées dans des groupements d'intérêt locaux, tels que la coopérative Bio Cannat qui a transformé justement, une partie du cannabis exporté vers la Suisse. Industrie en plein essor Cette coopérative a enregistré une dizaine de produits avec l'aide de laboratoires marocains et prévoit d'en enregistrer une trentaine de plus, principalement des compléments alimentaires et des cosmétiques à base de cannabidiol (CBD) sans THC. Depuis l'adoption de la loi en 2021 autorisant l'usage licite du cannabis à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles, les investisseurs voient grand. Environ 200 opérateurs se sont déjà positionnés, faisant du Maroc un nouvel acteur dans un marché mondial dont la valeur pourrait dépasser les 50 milliards de dollars d'ici à 2028, selon le fonds d'investissement américain Insight Partners. La loi de 2021 vise également à reconvertir les cultures illicites en activités légales. Les surfaces de culture autorisées ont augmenté, passant de moins de 300 hectares en 2023 à approximativement 3 000 hectares cette année, essentiellement dans les provinces d'Al-Hoceima, Chefchaouen et Taounate. Le nombre d'agriculteurs agréés a par ailleurs grimpé, atteignant près de 3 300, soit sept fois plus qu'il y a un an. L'Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) indique que le prix payé aux producteurs pour un kilo de cannabis licite est de 75 dirhams, bien supérieur aux 10 à 20 dirhams pour le cannabis illicite. L'apport réglementaire L'Agence affiche un optimisme mesuré, selon Le Monde : « Avec le cannabis, nous pouvons réaliser ce qui a été fait avec l'industrie automobile », aurait-on affirmé l'ANRAC, espérant que le cannabis devienne une nouvelle success story pour le Maroc. L'ANRAC recense de nombreux secteurs potentiels pour l'utilisation du cannabis marocain, surnommé « or vert » : médecine, aéronautique, agroalimentaire, construction, hygiène, papier, plastique, textile... Des marchés de niche sont déjà explorés, comme les traitements au CBD pour les chevaux et les animaux domestiques, dont les revenus mondiaux ont explosé ces deux dernières années. La Fédération marocaine de l'industrie et de l'innovation pharmaceutiques (FMIIP) espère générer de 4,2 à 6,3 milliards de dirhams (400 à 600 millions d'euros) de revenus annuels d'ici à quatre ans. Pour atteindre cet objectif, le Maroc vise une part de marché européenne de 10 % à 15 %, misant sur la vague de légalisations du cannabis médical dans l'Union européenne. L'Union européenne, qui compte 21 pays membres ayant déjà autorisé le cannabis médical, représente un marché prometteur pour les producteurs marocains. Le laboratoire pharmaceutique Sothema, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 230 millions d'euros en 2023, a déjà développé une quinzaine de médicaments à base de cannabis à forte teneur en THC. Ces médicaments, destinés à traiter des pathologies douloureuses comme le cancer, la sclérose en plaques et l'épilepsie, pourraient être commercialisés d'ici à 2025. Les marchés ciblés incluent le Maroc et plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, le Danemark, la Suisse, l'Italie et la France. Enjeux climatiques et compétitifs La première récolte de cannabis licite en 2023 a été marquée par des vagues de chaleur extrême, entraînant une perte de 20 % des cultures. Les cultures de plein air sont vulnérables aux conditions climatiques, contrairement aux productions européennes majoritairement sous serre. La compétitivité du Maroc est en jeu dans ce marché fortement concurrentiel, où chaque détail compte. Les Nations unies rapportent que 23 000 tonnes (t) d'herbe et 800 t de résine ont été produites au Maroc en 2021, faisant du Royaume l'un des principaux fournisseurs de cannabis dans le monde. En comparaison, la première récolte de cannabis légal n'a fourni en 2023 que 296 tonnes. Toutes les semences – plus de 2 millions de graines – ont été importées d'Europe, mais les semis ont eu lieu en juin et juillet, à une période marquée par des vagues de chaleur extrême, réduisant les taux de germination et de levée des plants. Dans cet esprit, l'ANRAC plaide pour l'utilisation de la variété locale de cannabis, la « beldiya », moins consommatrice d'eau. En collaboration avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) du Maroc, l'agence espère rendre cette variété disponible aux cultivateurs dès 2025. La « beldiya », une variété précoce de cannabis local, pourrait réduire la dépendance aux conditions climatiques et aux semences importées, offrant ainsi une solution durable aux producteurs marocains.