La procureure générale de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la Croate Tamara Carpeta, a entériné, jeudi, deux positions antagonistes sur la légalité des accords conclus entre le Maroc et l'Union européenne. D'un côté, elle a jugé légal l'accord commercial de l'Union avec le Royaume, et d'un autre, a appuyé l'arrêt de la justice européenne concernant l'accord de pêche. Pour rappel, le premier verdict de la justice européenne avait estimé que le polisario aurait dû approuver l'accord en tant que supposé représentant du peuple Sahraoui, ce à quoi la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne se sont opposés et ont fait appel devant la CJUE, la plus haute instance judiciaire. La procureure conseille d'annuler l'accord de pêche Concernant l'accord de pêche, qui est au coeur des crispations entre le Conseil de l'Union européenne (qui représente les gouvernements des 27 membres, ndlr), la Commission européenne et la justice européenne, la procureure générale Tamara Capeta, estime que les 27 n'ont pas respecté le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara lors de la conclusion de l'accord en 2019. Elle avance des arguments différents de ceux exprimés par l'arrêt de la justice européenne tout en étant « pour » cette décision. Premièrement, elle estime que le polisario (qui a demandé l'annulation de l'accord en se présentant comme le seul représentant du peuple sahraoui, ndlr), ne pouvait pas être considéré comme le représentant officiel ou reconnu du Sahara. Le polisario doit être considéré comme « exprimant les intérêts et les souhaits d'une partie (au moins) du peuple du Sahara », a-t-elle ajouté. Ainsi, si l'on suit cette logique, le polisario n'aurait pas la qualité pour s'opposer à un tel accord, puisqu'il ne peut pas parler au nom de Tout le peuple sahraoui. De ce fait, sa demande d'annulation de l'accord devrait être non recevable et la décision de la justice caduque. Estimant que le peuple du Sahara « n'a pas de représentant officiel ou reconnu qui puisse présenter un appel en son nom », la procureure générale considère que l'accord de pêche et le protocole d'application « ignorent l'exigence selon laquelle le territoire du Sahara occidental doit être considéré comme séparé et distinct » de celui du Maroc. Carpeta soulève ainsi, une importante donnée, puisqu'il est question pour l'Union européenne d'harmoniser sa position entre les accords de pêche et commerciaux qui incluent le Sahara comme faisant partie du Maroc alors que les 27 ne reconnaissent pas encore officiellement la souveraineté marocaine sur ce territoire. Si la conclusion de ces accords entre le Maroc et l'Union européenne est une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine sur son Sahara, les 27 devraient expliciter cette position afin d'éviter cette situation dans le futur. Malgré l'illégalité du recours du polisario, qui n'est pas le représentant du peuple du Sahara et encore moins du Sahara, chose que la procureure admet, elle propose néanmoins de valider l'arrêt de la Cour de Justice et d'annuler les appels de l'UE et de la Commission européenne. Elle conseille le maintien de l'accord commercial La Croate a eu un avis différent concernant l'accord commercial conclu entre le Maroc et l'Union européenne, en jugeant cette fois que le Tribunal général de l'UE (TGUE), l'organe judiciaire de première instance, a eu tort d'accepter le recours en annulation présenté par le polisario. Elle a estimé que l'accord commercial était « légal » contrairement à la décision du tribunal européen de première instance, qui a donné raison au polisario en se prononçant pour l'annulation. La Procureure est revenue sur la même théorie que le peuple sahraoui ne disposerait pas de représentant officiel ou reconnu qui puisse faire appel en son nom, et estime que le Maroc, qui est perçu comme « puissance administrante » pouvait conclure un accord international au nom d'un territoire jugé comme « non autonome » selon le droit public international. A noter que le Sahara est considéré comme territoire non autonome par la communauté internationale seulement parce qu'il fait l'objet d'une consultation au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU. Tamara Carpeta considère que l'accord commercial traite le Sahara occidental comme un territoire différent et séparé du Maroc, en demandant à ce que les produits issus du Sahara soient étiquetés avec une mention du « pays d'origine » qui refléterait leur origine de ce territoire et non du Maroc. Or, en n'étant ni un territoire autonome, ni indépendant, et sans être reconnu comme un Etat par les Nations Unies, le Sahara ne peut être présenté comme un « pays » sur une étiquette.