Le déficit pluviométrique enregistré au cours des premiers mois de cette année a mis en exergue l'importance de la mobilisation des ressources en eau non conventionnelles pour couvrir les besoins des grandes villes de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui ne cessent d'augmenter au fil des années, à la faveur de la dynamique de développement que connait la région. Depuis plusieurs années, les agglomérations urbaines de Tanger et Tétouan se sont engagées dans une nouvelle approche consistant à réutiliser les eaux usées traitées pour l'arrosage des espaces verts, des terrains de golf et des arbres en bord de routes, puisqu'il ne s'agit pas d'un luxe, mais plutôt d'un besoin urgent de préserver les ressources en eau potable, afin de couvrir les besoins domestiques en premier lieu, puis ceux des unités industrielles. Grâce à cette prise de conscience précoce de l'importance de l'économie dans la consommation d'eau, la région est devenue un leader national et continental dans la réutilisation des eaux usées épurées pour l'arrosage des espaces verts, que ce soit au niveau de l'agglomération urbaine de Tétouan et M'diq-Fnideq, ou dans celle du Grand Tanger (communes de Tanger et Gzenaya). Au niveau de la région de Tanger, le directeur général de la société délégataire de la distribution d'eau potable et d'électricité, et d'assainissement liquide « Amendis Tanger », Jean Marc Thomas, a souligné que la valorisation des eaux usées traitées fait partie du programme Tanger Métropole, dont la réalisation est passée par trois phases majeures, à savoir la réhabilitation de la première station d'épuration de Boukhalef (STEP Boukhalef 1) d'une capacité d'environ 11.000 m3 par jour, la réalisation et mise en service de la STEP Boukhalef 2 d'une capacité de plus de 32.000 m3/j, et l'extension du réseau d'arrosage des espaces verts sur un linéaire d'environ 69 km. Il a précisé que la première phase, qui a commencé en 2016, a permis d'arroser 135 hectares d'espaces verts, tandis que la deuxième phase d'extension du réseau permettra l'arrosage de 150 ha d'espaces verts supplémentaires, notant que la réutilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage des espaces verts a permis d'économiser plus de 6,3 millions de m3 d'eau entre 2016 et 2021. En vertu de la convention relative à la deuxième tranche de ce projet stratégique, dont l'importance écologique s'est révélée avec la baisse des précipitations enregistrée cette année, le coût des travaux s'élève à 124 millions de dirhams (MDH), mobilisés en partenariat entre le Conseil de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (34 MDH) et les communes de Tanger et Gzenaya (20 MDH chacune), tandis que les 50 MDH restants ont été débloqués par les partenaires du programme national d'assainissement liquide et d'épuration des eaux usées. Pour sa part, le directeur opérationnel adjoint d'Amendis Tanger, Abdelaziz Belhaj, a indiqué que l'utilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage des espaces verts fait partie des solutions innovantes visant à préserver les ressources en eau, notamment à la lumière des changements climatiques. Le responsable a fait savoir que les deux tranches du projet permettent actuellement la réutilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage de 285 ha d'espaces verts de Tanger et Gzenaya, notant qu'il s'agit de plus de 75 % de la surface totale des espaces verts de ces deux communes, ce qui constitue un chiffre important aux niveaux national et continental. Il a précisé que ce projet a nécessité la mobilisation par les partenaires de plus de 415 MDH d'investissements, répartis sur 214 MDH pour la mise en service de la station d'épuration tertiaire de Boukhalef, 77 MDH pour la réalisation de la première tranche, et 124 MDH pour la 2è tranche, ajoutant « quel que soit le volume des investissements, les coûts financier et environnemental restent inférieurs à ceux liés à l'utilisation des ressources en eau potable, outre le fait que le prix du m3 d'eau traitée est inférieur à celui de l'eau potable ». Concernant le traitement des boues, Amendis a fait savoir qu'elles sont acheminées vers deux centrifugeuses puis destinées à être envoyées à la décharge publique, en plus du traitement chimique des odeurs, afin de respecter les normes de qualité des eaux destinées à l'irrigation. « La réutilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage d'espaces verts a permis d'économiser l'eau potable, et partant rationaliser l'utilisation de l'eau et réduire la consommation », a affirmé, quant à lui, le directeur Eau et assainissement d'Amendis Tanger, Thomas Fer, estimant que cette mesure permet de préserver l'environnement et de réduire la facture d'eau des communes concernées. Il a assuré que les partenaires sont déterminés à poursuivre la mise en œuvre de cette stratégie d'envergure au cours de la période 2023-2024, à travers l'extension du réseau, et le lancement du projet de construction d'une troisième station d'épuration dans la localité de Bougdour, avec une capacité d'environ 18.000 m3/j. La stratégie de réutilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage des espaces verts semble arriver à point nommé, compte tenu de la situation de stress hydrique que connait la région, afin de répondre à de véritables enjeux économiques et écologiques. Cette réutilisation vise à économiser 2,8 millions de m3 d'eau à partir de 2023, équivalent à une alimentation en eau potable d'une ville de 55.000 habitants, d'où l'importance de cette ressource en eau non conventionnelle dans la protection de l'environnement et la préservation des ressources en eau.