Des militaires en uniforme ont annoncé, lundi soir à la télévision nationale, avoir pris le pouvoir au Burkina Faso, en s'engageant au « retour à un ordre constitutionnel » dans « un délai raisonnable ». Des militaires réunis au sein du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), ont indiqué avoir renversé le président Roch Kaboré, à cause de son «incapacité manifeste à faire face efficacement à la dégradation de la situation sécuritaire». Selon un communiqué lu lundi en début de soirée sur la télévision nationale par le capitaine Sidsoré Kader Ouédraogo au nom du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, «le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui regroupe toutes les composantes des Forces de défense et de sécurité (FDS), a décidé de mettre fin au pouvoir de Monsieur Roch Marc Christian Kaboré, ce 24 janvier 2022», a rapporté l'Agence d'information du Burkina (AIB). Cette décision a été «prise dans le seul but de permettre au Burkina Faso de se remettre sur le bon chemin et de rassembler toutes ses forces, afin de lutter pour son intégrité territoriale, son redressement et sa souveraineté», ajoute le communiqué. Le MPSR a affirmé que les opérations se sont déroulées « sans effusion de sang et violence », ajoutant que les personnes arrêtées sont détenues dans un lieu sûr, dans le respect de leur dignité. Il a promis de «continuer à respecter ses engagements nationaux et internationaux, notamment en matière de droits de l'homme» et s'est engagé «à proposer dans un délai raisonnable, après consultation des Forces vives, un calendrier de retour à un ordre constitutionnel accepté de tous». Les nouvelles autorités ont annoncé plusieurs mesures dont la suspension de la Constitution et les dissolutions du gouvernement et de l'Assemblée nationale, indique AIB. Elles ont également décidé l'instauration d'un couvre-feu allant de 21h à 5h du matin et la fermeture des frontières aériennes et terrestres à compter de ce lundi 24 janvier 2022 à 00h Au pouvoir depuis 2015, Roch Marc Christian Kaboré a été réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte anti-jihadiste sa priorité. Le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait en près de sept ans plus de 2.000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers. Des manifestations ont été organisées samedi dans plusieurs villes du Burkina Faso pour dénoncer la dégradation de la situation sécuritaire, suivies le lendemain, de mutineries dans des casernes. Des soldats se sont mutinés dimanche dans plusieurs casernes du Burkina Faso, dont celles de Sangoulé Lamizana et de Baba Sy, pour réclamer le départ des chefs de l'armée et des « moyens adaptés » à la lutte contre les jihadistes. Des mutineries ont également eu lieu à la base aérienne de Ouagadougou, ainsi qu'à Kaya et Ouahigouya, dans le nord du Burkina où sont en majorité concentrées les attaques jihadistes. L'agence d'information du Burkina avait indiqué auparavant, en citant des sources concordantes, que le président Roch Marc Christian Kaboré a « été mis aux arrêts et placé en isolement». Cette prise de pouvoir par l'armée a suscité une série de réaction à travers le monde. Ainsi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a « condamné fermement » lundi dans un communiqué le « coup d'Etat » militaire commis au Burkina Faso, appelant leurs auteurs « à déposer les armes » et à protéger « l'intégrité physique » du président Roch Marc Kaboré. De son côté, le haut représentant de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a rappelé lundi l'attachement de l'UE au respect des institutions républicaines et de l'ordre constitutionnel au Burkina Faso, après « les informations faisant état de menaces contre le Président Roch Marc Christian Kaboré par des éléments des forces armées ». Aussi, l'Union africaine a «condamné fermement la tentative de coup d'État contre le président démocratiquement élu» au Burkina Faso. Dans un communiqué publié lundi, le Président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat affirme suivre avec «vive préoccupation la situation très grave au Burkina Faso» et «condamne fermement la tentative de coup d'État contre le président démocratiquement élu». La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a affirmé, quant à elle, qu'elle « suit avec une grande préoccupation l'évolution de la situation politique et sécuritaire au Burkina Faso caractérisée depuis le dimanche 23 janvier 2022 par une tentative de coup d'Etat ». Dans un communiqué publié sur son site officiel, la CEDEAO « condamne cet acte d'une extrême gravité qui ne saurait être toléré au regard des dispositions règlementaires pertinentes ».