Rien ne va plus au sein de l'industrie de la conserve de poisson. Une baisse sans précédent de la ressource, une hausse vertigineuse des prix des intrants en l'absence de subvention et des répercussions fatales de la pandémie ont acculé les professionnels à pousser un cri de détresse demandant à la tutelle d'agir pour limiter les dégâts. Après quelques années d'irrégularité des approvisionnements, la pandémie est venue asséner un coup dur à la profession qui s'est accentué avec une flambée vertigineusement historique. Alors que le plan stratégique « Halieutis » avait fixé il y a plus de dix ans, un approvisionnement de 80% à l'horizon 2020, la profession n'arrive même pas aujourd'hui à maintenir le cap. Le secteur qui tournait avant la pandémie autour de 50% de sa capacité n'arrive même pas à maintenir ce niveau aujourd'hui. La ressource devient de plus en plus rare. Alors que le secteur recevait 430.000 tonnes pour une capacité de près de 900.000 tonnes, voire plus, il peine à maintenir ce niveau-là. Pis, à cause d'une surexploitation des ressources halieutiques, notamment la sardine, les unités ne fonctionnent plus comme auparavant et leur régime normal réduisant ainsi le nombre de jours de travail. A l'heure où on devait prétendre au plein emploi grâce audit plan, le secteur fait face à un florilège de contraintes qui n'ont pas permis aux professionnels de continuer à prendre leur mal en patience comme ils l'ont fait pendant des années. Les professionnels broient du noir Dans un inhabituel et rare communiqué, les industriels de la conserve de poisson viennent d'exprimer leur ras-le-bol face à une situation intenable. L'industrie de la conserve de poisson, une des plus vielles dans le pays, qui était l'une des plus contributrices à l'absorption du Chômage, avec 30.000 emplois directs et plus de 80.000 emplois indirects, est en train de tourner à moins de la moitié de ses capacités. « Les gens veulent travailler..., mais en l'absence de la ressource les heures de travail connaissant une baisse de 40% », a confié une source proche du dossier sous le sceau de l'anonymat. La filière qui contribue depuis 2009 à hauteur de 11 milliards de dirhams au PIB et qui a su accroître sa contribution à l'économie en augmentant les valeurs des exportations à plus de 11 % des exportations agroalimentaires du Royaume, selon un communiqué de l'Union nationale de l'industrie de la conserve de poisson (Unicop), vit ses pires jours. Et comme un mal ne vient jamais seul, la rareté de la ressource conjuguée à la crise sanitaire a lourdement pesé sur ses performances. « Les chaînes d'approvisionnement ont été perturbées à cause de la concurrence interfilière et du manque structurel de la ressource », déplore l'Unicop. Outre l'effet de la pandémie, le secteur tourné à 80% vers l'export souffre d'une chute de la demande. « Les contrats clients ne sont pas respectés affectant ainsi le positionnement stratégique du Royaume et réduisant les quantités des exportations qui sont de -25 % en volume comparées à 2020 et prévisibles à -40 % pour la fin de l'année », regrette l'Unicop dans son communiqué. La conserve de poisson endure la surexploitation de la ressource De mal en pis, les industriels ont vu les prix des intrants accroître de manière inédite, surtout après la flambée des prix du transport à l'international. « Le prix des huiles végétales : Soja- Tournesol et de l'huile d'olive ont connu des flambées vertigineuses dépassant parfois 100 % d'augmentation », déplore l'Unicop en soulignant que la hausse concerne également les prix de la boîte métallique et les emballages en carton. Ces derniers « n'ont cessé depuis plusieurs mois d'afficher des augmentations périodiques et historiques non planifiées générant un désarroi général, non seulement des industriels, mais aussi des clients », fustige l'Unicop. D'après un industriel qui a requis l'anonymat, les augmentations des prix sont dues à des situations de monopole auxquelles l'Etat doit faire face afin de préserver ce secteur pourvoyeur de devises. Ceci étant, les industriels qui évitent dans leur communiqué de désigner par le nom les responsables de la surexploitation de la ressource, qui de l'avis d'un professionnel, la cause la plus importante de cette situation, plaident pour un soutien financier de la part de l'Etat. « Outre l'application d'un repos biologique on ne peut plus nécessaire, nous voulons que la tutelle ait un droit de regard sur les prix intrants et sur la situation monopolistique de quelques fournisseurs de l'industrie de la conserve de poisson, mais aussi qu'elle instaure des subventions d'aide à l'export, d'aide logistique, des subventions sur les intrants qui sont légitimes », a affirmé un professionnel dans une déclaration à Hespress FR. « Il faut d'abord appliquer les recommandations des scientifiques comme en ce qui concerne le repos biologique et il faut qu'il soit général et pas partiel avec un cahier de charge rigoureux précisant le milling et le zoning à appliquer et par la suite subventionner ce secteur vital pour l'économie marocaine qui ne profite pas de subvention alors que d'autres en profitent en amont et en aval », a-t-il conclut.