Le journaliste algérien Rabah Karèche, a été condamné jeudi à un an de prison dont huit mois ferme, par le tribunal de Tamanrasset dans le sud du pays. Le pouvoir algérien mène une répression contre toute voix critique dans ses provinces du sud. Le journaliste Rabah Karèche s'est vu infliger une lourde condamnation pour avoir écrit un article qui concerne sa région, Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie, où les manifestations des habitants se sont multipliées ces derniers mois. Les habitants du Sud algérien se sont soulevés contre leur exclusion, le manque d'investissements dans leur région, la sécheresse, les coupures d'électricité, et le rationnement de l'eau potable qu'ils ne peuvent utiliser qu'à certaines heures précises de la journée, en plus du niveau élevé de chômage. Les autorités algériennes mènent une politique dure contre les journalistes dans la région pour éviter qu'elle ne s'insurge face aux disparités sociales entre les différentes régions. Le Sud algérien a toujours été un sujet tabou dans la presse, surtout que les habitants de ces vastes territoires se sentent lésés par rapport aux séparatistes sahraouis du Maroc qui se voient octroyer privilèges et train de vie fastueux. Le journaliste correspondant du journal Liberté Algérie a été condamné à un an de prison, dont huit mois fermes. Le 5 août, le parquet avait requis une peine de trois ans de prison ferme et une amende de 100 000 dinars algériens (plus de 6500 dirhams). Pour son dernier article pour lequel il a été inculpé, le journaliste, respecté et expérimenté avait rapporté que les habitants de cette région dénonçaient « l'expropriation de leurs terres » lors d'un nouveau découpage territorial décidé par les autorités. Rabah Karèche avait été incarcéré le 19 avril après avoir publié le compte-rendu d'un mouvement de protestation des Touaregs, minorité berbère locale, qui dénonçait sa marginalisation à tous les niveaux. Il était poursuivi pour plusieurs chefs d'inculpation, notamment « administration d'un compte électronique consacré à la diffusion d'informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société », « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d'attenter à l'ordre public » et « usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et à l'unité nationales ». « Après avoir été interrogé par le juge et le procureur de la République sur notamment ses +intentions+ à travers la publication de ses articles, plusieurs témoins, des citoyens dont un ancien député de Tamanrasset, cités dans les comptes rendus de presse de Rabah Karèche, traitant de manifestations dans la région, ont été convoqués à la barre », indique Liberté Algérie. « Ils ont tous affirmé avoir tenu les propos rapportés par le journaliste et ont témoigné du professionnalisme du correspondant de Liberté », ajoute le journal indiquant que le dossier contre le journaliste était « vide ». Le journaliste a été condamné en vertu d'une nouvelle loi mise en place l'année dernière visant à faciliter l'emprisonnement des journalistes et blogueurs critiques du pouvoir. Le président algérien qui a qualifié le journaliste de « pyromane » dans une interview au Point avait également condamné un autre journaliste avant lui, Khaled Drareni, en estimant qu'il n'était pas un journaliste. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune a lancé une véritable chasse aux sorcières, visant à faire taire les médias et les journalistes. Depuis son accession controversée au pouvoir, dans des circonstances qui ont été vivement critiquées par la presse, le président livre une bataille acharnée contre toute voix dissidente. Ainsi, les manifestants du Hirak, les politiques, les chefs de partis, les associations et organisations non gouvernementales, ont tous été visés d'une manière ou d'une autre pour des accusations d' « atteinte à la souveraineté », d'« atteinte à l'ordre public », d'« atteinte à la sécurité de l'Etat » ainsi que d'autres graves accusations. Dernier fait en date, l'Algérie et la France ont signé un accord de coopération judiciaire qui permettra l'extradition des criminels d'une part et de l'autre. Cet accord intervient après que le président Tebboune ait classé deux organisations dissidentes comme « terroristes », et de la modification du Code pénal permettant de juger les citoyens pour leurs écrits et publications sur internet. Selon les journalistes algériens, ces nouveaux dénouements, qui font également suite au blocage d'internet et de la censure de plusieurs médias électroniques, sont une nouvelle dérive du pouvoir autoritaire qui vise des blogueurs et journaliste critique du pouvoir, installés à l'étranger.