Le parquet algérien a réclamé jeudi une peine de trois ans de prison ferme contre le journaliste Rabah Karèche détenu depuis 109 jours à la prison de Tamanrasset, notamment pour diffusion de «fausses nouvelles», selon différentes ONG. «Le procureur requiert trois ans de prison ferme et 100.000 dinars (625 euros) d'amende à l'encontre du journaliste Rabah Karèche», a tweeté Amnesty Algérie, réclamant sa libération. Le verdict sera prononcé le 12 août. Accusé de «provoquer la ségrégation et la haine» Rabah Karèche, correspondant à Tamanrasset du quotidien francophone Liberté, est notamment accusé de «diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d'attenter à l'ordre public», selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Il lui est également reproché la «création d'un compte électronique consacré à la diffusion d'informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société» et d'avoir porté «atteinte à la sûreté et l'unité nationale». La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) «demande l'abandon de toutes les charges retenues contre le journaliste et sa libération inconditionnelle», s'est insurgé Saïd Salhi, vice-président de cette ONG. «Rabah Karèche est poursuivi pour délit de presse, pourtant abrogé par la loi», a-t-il affirmé. Le journaliste avait été inculpé et écroué le 19 avril après avoir publié le compte-rendu d'un mouvement de protestation des Touaregs, minorité berbère locale. Il avait rapporté que les habitants historiques de la région de Tamanrasset dénonçaient «l'expropriation de leurs terres au profit» des wilayas (préfectures) de Djanet et d'Illizi, nouvellement créées. Une réforme du Code pénal en cause La détention prolongée de Rabah Karèche a suscité la colère de ses collègues et des avocats après que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a qualifié le journaliste de «pyromane», dans un entretien à l'hebdomadaire français Le Point. Ses avocats ont dénoncé «une violation de la présomption d'innocence» et une «tentative d'influencer la justice». Une réforme du code pénal adoptée l'année dernière criminalise désormais la diffusion de «fausses informations» portant «atteinte à l'ordre public». Leurs auteurs sont passibles d'un à trois ans de prison, voire le double en cas de récidive, selon ce nouveau texte critiqué par les défenseurs de la liberté de la presse. L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par l'ONG Reporters sans frontières (RSF), comme en 2020. Mais le pays a perdu 27 places depuis 2015.