La trajectoire actuelle des prix des commodités, conjuguée à d'autres facteurs confluents, y compris une croissance mondiale élevée, ainsi que des politiques monétaires et budgétaires accommodantes, annoncent-ils un nouveau super cycle des matières premières ? C'est la question principale d'un webinaire organisé récemment par le Policy Center for the New South (PCNS). Lors de cette rencontre, autour de « Prix des matières premières : vers un nouveau super cycle ? », et modérée par Yves Jégourel, spécialiste de l'économie et de la finance des matières premières et Senior Fellow au PCNS, cinq experts de matières premières, à savoir Marie-Louise Djigbenou Kre, économiste chercheur, Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ; Helyette Geman, Senior Fellow, Policy Center for the New South; Abdellah Mouttaqi, Secrétaire Général, ONHYM; membre du CESE ; Francis Perrin, Senior Fellow au PCNS et spécialiste en matières premières énergétiques ; et finalement Isabelle Tsakok, Senior Fellow au PCNS et spécialiste en matières premières agricoles, ont été unanies à estimer que que « bien qu'on assiste effectivement à une flambée de prix générale des matières premières (énergétiques, agricoles, métaux et minerais) du fait d'une reprise économique rapide après un choc sans précédent, un super cycle suppose toutefois une hausse prolongée dans le temps – d'au moins une décennie – et cela impliquerait une dynamique qui traduirait la capacité pour la demande de soutenir cette hausse. Aujourd'hui, celle-ci bénéficie toujours du soutien des plans de relance, avec des politiques monétaires et budgétaires accommodantes. Donc la notion du super cycle doit être prise avec un grain de sel, car il s'agirait peut-être d'une période de réajustement ou d'une externalité de la crise sanitaire. Pour ce qui est des marchés des matières premières, la demande des métaux et minerais va être tirée par des phénomènes et tendances mondiaux comme la transition écologique, la croissance démographique, l'urbanisation, et l'industrialisation au sens large. Quant à l'offre, elle reste conditionnée par la concentration géographique des grandes mines ainsi que le monopole des grands opérateurs. Les cours vont être influencés par l'accès à de nouvelles réserves et l'émergences de nouvelles zones de production. L'agriculture connaîtra une demande croissante, tout en subissant les effets du changement climatique, ainsi que les effets d'une concurrence entre les productions alimentaires et vivrières et une nouvelle agriculture à des fins non alimentaires (production de biocarburants), ce qui pourrait entraîner un renchérissement des produits agricoles alimentaires. Enfin, la transition énergétique sera longue et coûteuse et nécessitera une énergie dite « de transition » car le monde a encore des besoins énergétiques énormes du fait de la croissance économique et démographique. Le gaz naturel, en tant qu'énergie fossile la moins polluante, jouera un rôle essentiel dans cette transition à condition que l'industrie réduise ses externalités. De fait, la reprise est toujours fragile et pourrait se heurter à des facteurs baissiers. Les risques encore présents aujourd'hui sont d'abord de nature géopolitique et sanitaire, du fait de l'inégalité d'accès au vaccin et d'une reprise inégale ; et une situation économique marquée par l'accélération de l'endettement, et la nécessité de maintenir un équilibre entre relance économique et investissement dans le future d'une part, et contrôle d'inflation d'autre part.