La trajectoire actuelle des prix des commodités, conjuguée à d'autres facteurs annoncent-ils un nouveau super cycle des matières premières ? Une palette d'experts, présents au webinaire organisé récemment par le Policy Center for the New South, ont apporté des éléments de réponse édifiants… Sommes-nous face à l'amorce d'un super cycle des matières premières ? Cette question, qui, dont la réponse conditionne à bien des égards la conjoncture mondiale nécessite d'être appréhendée avec beaucoup de prudence, recommandent à ce titre les experts. En tout cas, ceux qui étaient réunis pour le webinaire du Policy Center for the New South, le 7 juillet dernier, sont de cet avis. Il s'agissait, en l'occurrence de Marie-Louise Djigbenou Kre, économiste chercheur, Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ; Helyette Geman, Senior Fellow, Policy Center for the New South; Abdellah Mouttaqi, Secrétaire Général, ONHYM; membre du CESE; Francis Perrin, Senior Fellow au PCNS et spécialiste en matières premières énergétique et Isabelle Tsakok, Senior Fellow au PCNS et spécialiste en matières premières agricoles. Une reprise sous tension Tous les experts étaient unanimes: certes une flambée générale des cours des matières premières est constatée tous azimuts. Néanmoins, il serait prématuré de trancher qu'un super cycle est en train de se profiler, ont-ils estimé. Cette flambée, justement, est la résultante d'une reprise économique rapide après un choc sans précédent, ont-ils rappelé, alors que le constat d'un super cycle nécessite une hausse prolongée dans le temps, « au moins une décennie », soulignent-ils, ajoutant que cela impliquerait une dynamique qui traduirait la capacité pour la demande de soutenir cette hausse. Or, signalent ces experts, ladite hausse est soutenue par les plans de relance avec des politiques monétaires et budgétaires accommodantes. C'est dire, selon eux, que « la notion du super cycle doit être prise avec un grain de sel, car il s'agirait peut-être d'une période de réajustement ou d'une externalité de la crise sanitaire ». Dans leur analyses, ces experts des matières premières ont notamment passé en revue la demande sur les métaux et les minerais. Celle-ci, expliquent-ils, sera « tirée par des phénomènes et tendances mondiaux comme la transition écologique, la croissance démographique, l'urbanisation, et l'industrialisation au sens large ». Quid alors de l'offre ? La donne, ici, reste conditionnée par la concentration géographique des grandes mines ainsi que le monopole des grands opérateurs. C'est ainsi que pour les prévisions des experts tablent sur une sensibilité des cours vis-à-vis de l'accès à de nouvelles réserves et l'émergences de nouvelles zones de production. « L'agriculture connaîtra une demande croissante, tout en subissant les effets du changement climatique, ainsi que les effets d'une concurrence entre les productions alimentaires et vivrières et une nouvelle agriculture à des fins non alimentaires (production de biocarburants), ce qui pourrait entraîner un renchérissement des produits agricoles alimentaires », alertent-ils par ailleurs. Autre donnée-clé : la transition énergétique sera « longue et coûteuse et nécessitera une énergie dite de transition car le monde a encore des besoins énergétiques énormes du fait de la croissance économique et démographique ». D'ailleurs, ces analystes ne perdent pas de vue le fait que la reprise demeure fragile et « pourrait se heurter à des facteurs baissiers ». Selon eux, les risques encore présents sont d'abord de nature géopolitique et sanitaire, du fait de l'inégalité d'accès au vaccin et d'une reprise inégale ; et une situation économique marquée par l'accélération de l'endettement, et la nécessité de maintenir un équilibre entre relance économique et investissement dans le future d'une part, et contrôle d'inflation d'autre part. Sami Nemli / Les Inspirations Eco