Il a tissé sa toile au sein de l'Union africaine, a avalé des couleuvres à n'en plus finir, Ramtane Lamamra, 69 ans, dont d'aucuns disaient la carrière à rallonge était terminée, a refait surface au sein du gouvernement algérien, une énième fois. Portrait de cet anti-marocain invétéré qui a mené l'essentiel de sa carrière à tenter de brouiller les cercles d'influence. Ramtane Lamamra a toujours occupé des postes de responsabilités dans les gouvernements algériens, il est l'un des hauts responsables algériens les plus connus à l'étranger et surtout en Afrique, un vieux roublard chauvin qui a cultivé sa carrière professionnelle en étant aux ordres de l'armée. Très proche de l'ancien Abdelaziz Bouteflika, Lamamra a occupé des fonctions diplomatiques au niveau africain mais aussi aux Nations unies, tantôt en étant ministre des Affaires Etrangères, tantôt en étant la voie de la chancellerie algérienne dans les autres pays et institutions. Diplomate confirmé, il a été membre du Haut Comité consultatif de l'ONU chargé de la médiation internationale, et est considéré comme faisant partie des 50 africains les plus influents. Un classement de Jeune Afrique en 2018 le classait à la 30ème place. Dans les hautes sphères diplomatiques internationales, Lamamra a cultivé des relations avec plusieurs dirigeants et a l'oreille de dirigeants à l'Union africaine mais aussi à l'ONU, il est au four et au moulin, accumule les fonctions servant toujours le même dessein. Malgré sa fonction de diplomate, il ne cache pas sa politique résolument anti-marocaine comme le souhaite l'institution militaire algérienne. D'ailleurs, sa mission principale, tout au long de sa carrière a eu pour maitre mot d'instiguer une culture anti-marocaine dans le dossier du Sahara pour servir l'agenda algérien. On lui prête entre autre, les tentatives infructueuses de faire élargir le mandat de la mission d'observation de l'ONU au Sahara aux droits de l'Homme en 2013, et les blocages pour réintégration du Maroc à l'Union africaine en 2016. La carrière de Ramtane Lamamra n'a pas été un long fleuve tranquille, l'homme a subi plusieurs camouflets, a dû ravaler sa fierté et s'assoir sur son égo plus d'une fois. Les ennuis commencent pour lui dès 2015, il accumule les humiliations, même en étant hissé à des fonctions supérieures de l'Etat algérien. Il s'est vu subir l'une de ses plus grandes humiliations, lorsque le président Bouteflika, réputé pour être son ami, l'a défait de certaines prérogatives pour les donner à son ennemi juré, Abdelkader Messahel. Il se retrouve obligé de partager le département des Affaires Etrangères avec l'homme qu'il déteste le plus avant qu'il ne donne sa démission au président qui la lui refuse. Quelques jours plus tard, Bouteflika répare son égo et le nomme ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, garde Messahel qui dirige le département des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe. Les deux hommes ont continué d'être les deux têtes de la diplomatie algérienne pendant deux ans, avant que Lamamra ne soit limogé par téléphone en 2017 et son poste transféré aux mains d'un autre anti-marocain, son ennemi. Début 2019, c'est l'embellie pour le diplomate, un poste lui a été créé sur mesure par l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, celui de « vice Premier-ministre » en plus de ses fonctions de chef de la diplomatie, il a été appelé à la rescousse, il s'était aussitôt envolé pour la Russie, l'Italie et l'Allemagne pour plaider la cause de son gouvernement et rassurer les partenaires étrangers. Mais au plus fort de la crise populaire du mouvement Hirak anti-système, les ruses et les stratagèmes du diplomate n'ont pas convaincu, en mars, il fut remplacé par Sabri Boukadoum. Sa carrière était terminée selon plusieurs voix, surtout après son dernier échec, en 2020, à devenir l'émissaire pour la Libye en remplacement de Ghassane Salamé, démissionnaire du poste. Les Etats-Unis n'avaient pas validé sa candidature à cause de son manque de neutralité. Plusieurs pays arabes et africains avaient alerté sur son parti pris. En février, il refait surface avec une nouvelle invective dirigée contre le Maroc. « Il est inquiétant de voir des pays comme le Soudan du Sud, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Mali et la Libye continuent à être témoins de niveaux persistants de conflit armé, et le conflit de décolonisation au Sahara occidental n'a pas été résolu pendant si longtemps », avait-il écrit dans une contribution publiée par le Centre africain pour l'arbitrage constructif des conflits (Accord). Jeudi, lors de sa prise de fonctions, encore une fois, il n'a pas nié le rôle déstabilisateur de l'Algérie dans le conflit du Sahara. « Les engagements de l'Algérie sont connus de tous », a-t-il déclaré à ce propos, tout en se livrant à discours habituel des responsables algériens, tout à fait à l'opposé des actions sur le terrain. « Nous poursuivrons notre action dans la région à laquelle nous appartenons et qui ne se porte pas aussi bien que nous le souhaitons, une région qui avance à pas sûrs vers l'unité et l'intégration. Mais, les conflits existants, en l'occurrence celui du Sahara occidental et la crise libyenne, influent sur l'action d'unification des rangs et le bond vers l'intégration et l'unité escomptées », a-t-il déclaré en faisant référence au conflit du Sahara, toujours miné par les ingérences algériennes en faveur des milices séparatistes sahraouies du polisario contre l'intégrité territoriale du Maroc. Ces dernières années, alors qu'il était tombé aux oubliettes de la diplomatie algérienne, l' »ancien » continuait d'entretenir ses relations avec les chefs des milices du polisario en jouant le rôle de conseiller officieux de l'organisation séparatiste afin de soigner son image en vue de reprendre service pour les généraux algériens. Cela en dépit des fonctions prestigieuses qu'il occupait, notamment celle de haut représentant de l'UA « pour faire taire les armes à feu en Afrique d'ici 2020 », son rôle de membre du Conseil consultatif du Secrétaire général des Nations unies (Antonio Guterres) sur la médiation, et en 2020 son intégration du conseil d'administration de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) le think thank suédois spécialisé dans les questions d'armement. Lamamra ne perdait pas de vue son retour aux sources, et s'il est désormais aux commandes de la diplomatie algérienne pour la énième fois, il reste attendu au tournant par la rue algérienne qui rejette les anciennes figures du pouvoir.