12h30 dans la commune d'Al Azhar, à une dizaine de kilomètres de Sidi Slimane (région de Rabat-Salé-Kénitra), des élèves du collège Al Khansaa déjeunent dans un joyeux brouhaha dans la cafétéria de l'internat de l'établissement scolaire. Ils déjeunent copieusement après une matinée de cours. Puis ils s'empressent d'aller dans les chambres dans un petit immeuble à quelques mètres en face de la cafétéria. Quatre lits superposés avec des draps bleu roi, un couloir jaune et pas de portes. Les collégiens vaquent à leurs occupations, certains révisent, d'autres se reposent. L'internat dans lesquels ils se trouvent est récent. Le bâtiment a été ouvert lors de l'année scolaire 2017/2018. 90 élèves ont pu avoir un toit sur la tête à deux pas de leurs cours. Pour certains, ça a changé le cours de leur vie. Les distances lointaines de certains douars et les routes dans un piteux état menaient à l'abandon scolaire dans cette petite commune au paysage vert parsemé de montagnes. "Certains parents préfèrent mettre leurs élèves à l'internat plutôt que de les garder à la maison pour qu'ils puissent manger", confie à Hespress FR une employée du collège. La femme, proche des élèves raconte qu'une des filles de l'internat est tellement pauvre que son uniforme est entièrement recousu de toutes parts. L'internat a une capacité d'accueil de 90 élèves, pour l'année scolaire 2018/2019, "100 élèves en sont bénéficiaires", déclare à Hespress FR, Ali El Bradii, directeur du collège Al Khansaa. Le responsable précise que depuis que l'internat a ouvert ses portes, l'abandon scolaire et les absences "ont drastiquement chuté" et les résultats des collégiens sont "encourageants". "Nous avons eu un taux de réussite de 74% chez les élèves l'année dernière", confie avec fierté le directeur de l'établissement. Un quotidien qui a totalement changé Hassan, un collégien âgé de 16 ans est l'un de ces cas qui étaient désespérés. Après trois années de redoublement, il a pu enfin réussir son année. En cause de son échec, ses nombreuses absences, vu qu'il habite à douar Ouled Youssef à 20 kilomètres du collège. "J'étais tellement fatigué le soir après la route que je m'endormais directement après la longue route que je devais parcourir pour aller à l'école", confie d'une traite à Hespress FR, l'adolescent. Dorénavant, il se sent armé pour pouvoir "évoluer et étudier". Il fait partie de la première promotion à avoir bénéficié des services de l'internat et le collégien avoue avoir plus de temps et d'énergie pour réviser. Hassan, un adolescent de 16 ans. / Ph. Anass Almou – Hespress FR Mehdi, son voisin de chambre est frêle, avec un regard plein de malice, à peine âgé de 12 ans et originaire du même douar que son "cochambre". Pour venir à l'école, il devait prendre sa bicyclette ou marcher. "Une fois mes roues ont crevé et je n'ai pas pu aller à l'école", poursuit-il. Dans sa chambre, il raconte une histoire qui fait froid dans le dos. Un de ses amis, un collégien du même établissement est mort, lors d'une tempête car une voiture ne l'a pas vu traverser. "Trois jours après l'accident, il est mort", souligne-t-il avec un regard empli de larmes. Ses amis acquiescent, le regard sombre. Quelques minutes après, il se dévoile davantage quand il parle de sa grande soeur, une ancienne bénéficiaire de l'internat. "Elle a quitté l'école, elle ne veut plus étudier. Elle ne veut pas galérer dans les études. Maintenant elle est à la maison avec maman, après avoir passé seulement un an à l'internat", déclare l'adolescent. "Moi par contre, je veux continuer mes études, je ne veux pas que mon avenir soit gâché", déclare-t-il déterminé. Mehdi, un adolescent de 12 ans. / Ph. Anass Almou – Hespress FR "Je veux devenir médecin" Dans l'aile réservée aux filles, Ikrame, une adolescente de 13 ans, fuit notre regard quand on l'approche. Timide, elle sourit et parle à demi-mots. Petit à petit, elle commence à se dévoiler. La jeune fille est originaire de douar Ouled Youssef et a une ambition sans limites. Les entraves du quotidien avant son arrivée à l'internat ne la décourageaient pas, au contraire. "J'habitais loin, j'avais des difficultés pour venir à l'école, mais malgré ça, je persévérais. Même sans internat j'aurai continué d'aller à l'école", déclare-t-elle à Hespress FR avec un grand sourire. Son rêve est de devenir médecin "pour guérir les malades". "J'ai toutes les conditions pour aller de l'avant et continuer mes études", précise-t-elle. Ikrame, une adolescente de 13 ans. /Ph. Anass Almou – Hespress FR Mehdi veut devenir policier. Il déclare, avec un regard pétillant de malice, vouloir "arrêter les gens qui mettent la pagaille dans notre pays". Le collégien est confiant en sa capacité à arriver à ses fins. "Je veux défendre mon pays", souffle-t-il imprégné d'un patriotisme vibrant. Son ami Hassan a d'autres ambitions, l'adolescent de 16 ans se voit déjà professeur de mathématiques. L'internat du collège Al Khansaa est entièrement gratuit. Tous les bénéficiaires disposent d'une bourse pour pouvoir gérer les aléas du quotidien et les dépenses scolaires, indique à Hespress FR Mustapha Ouchrif, directeur provincial de Sidi Slimane au sein de l'Académie de l'éducation nationale de la région.