Ces dernières années, les relations maroco-néerlandaises ont connu des tensions diplomatiques dues à divers dossiers et plus particulièrement, le dossier des détenus du Hirak du Rif, le dossier Saïd Chaou, la question des demandeurs d'asile déboutés ou encore des binationaux bloqués dans le Royaume pendant la période d'urgence sanitaire. Hespress a interviewé l'ambassadeur des Pays-Bas au Maroc, Jeroen Roodenburg, concernant Steve Blok, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, a fait des déclarations positives concernant l'opération Guerguerat, qui a réouvert le passage commercial entre le Maroc et la Mauritanie. Une positon qui a satisfait la partie marocaine. Ainsi, les relations maroco-néerlandaises ont su dépasser quelques «malentendus», et la coopération entre les deux pays se poursuit sur diverses questions, notamment celles concernant la sécurité, le terrorisme et les domaines agricole. A cet égard, Jeroen Roodenburg, l'ambassadeur des Pays-Bas accrédité auprès du Royaume du Maroc, arrivé il y a quelques mois à Rabat, a confirmé que les relations entre les deux pays ne sont pas nouvelles, mais s'étendent plutôt sur quatre siècles, ajoutant que Rabat et Amsterdam ont pu « nouer des relations très fortes d'amitié et de coopération pour faire du Maroc un partenaire important pour les Pays-Bas ». Dans une interview accordée à Hespress, l'ambassadeur des Pays-Bas a indiqué qu'« à la tête de ces liens viennent les relations humaines car les Pays-Bas comptent l'une des communautés d'origine marocaine des plus importantes d'Europe », soulignant qu'il travaillera pour surmonter les «malentendus», renforcer la coopération et investir dans des dénominateurs communs pour un développement conjoint des relations entre les deux pays à l'avenir. Lors de sa première sortie médiatique, l'ambassadeur des Pays-Bas a souligné que les deux pays pourraient encore renforcer leur coopération dans la lutte contre le terrorisme, la coopération contre la cybercriminalité et la coopération dans la lutte contre le changement climatique. Voici l'interview intégrale réalisée par notre confrère de Hespress, Abderahim El Asri : Hespress: Pourriez- vous vous introduire brièvement ? Je suis Jeroen Roodenburg, juriste de formation et diplomate de carrière depuis 1992. J'ai occupé divers postes au sein du ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas et à l'étranger notamment à New York et à New Delhi. J'ai également été directeur du département de développement économique durable et précédemment ambassadeur en Colombie et en Iraq. La diplomatie est un métier merveilleux : elle permet de représenter son pays, de contribuer modestement à un monde meilleur tout en apprenant à connaître d'autres cultures. Dans mon temps libre, j'aime faire du vélo de course. J'ai déjà constaté que le Maroc dispose de belles pistes à découvrir. Vous êtes arrivées au Maroc au mois d'octobre, comment se sont passées vos premières semaines ? Quelle est votre première impression sur le Maroc ? Les premiers mois se sont très bien déroulés. Dès notre arrivée, ma femme et moi avons été accueillis à bras ouverts. Le Maroc a beaucoup à offrir : opportunités professionnelles, culture, nature et hospitalité. De plus, l'esprit d'entreprise y est très présent, et l'infrastructure est excellente. Notre voyage à Tanger à bord du Boraq, le mois passé, en est un bon exemple. Bien entendu, la pandémie, comme ailleurs dans le monde, impose des restrictions à notre liberté de mouvement. Nécessaire mais dommage, car dans notre travail, le contact personnel vaut de l'or. Néanmoins, dans le respect total des réglementations liées à l'état d'urgence sanitaire, j'ai pu avoir mes premiers rendez-vous et visites, avec mes interlocuteurs du ministère des Affaires Etrangères, mais aussi avec un nombre d'organisations clefs avec lesquelles les Pays-Bas souhaitent renforcer leurs liens, telles que MASEN, CGEM, l'ONEE et la Chambre de Commerce et d' Industrie de Tanger. Parmi mes rencontres les plus marquante est ma visite à Benguerir, où j'étais accueilli chaleureusement par l'Université Mohammed VI Polytechnique, IRESEN et OCP. La combinaison de connaissances, d'innovations et d'esprit entrepreneurial m'a impressionné. J'ai également pu effectuer un certain nombre de visites aux entreprises néerlandaises dans le secteur agricole et de l'industrie textile. Durant les dernières années, les relations entre les deux pays ont connu quelques tensions, comment voyez-vous votre travail au Maroc pour éliminer ces tensions ? Les relations entre le Maroc et les Pays-Bas ne datent pas d'hier ! Ces relations couvrent plus de quatre siècles. Pendant ces quatre siècles, nos deux pays ont pu tisser des liens très solides d'amitié et de coopération, faisant du Maroc un partenaire important pour les Pays-Bas. A la tête de ces liens viennent les relations humaines, les Pays-Bas comptent l'une des communautés d'origine marocaine des plus importantes d'Europe. Comme dans toute relation, il y a toujours des hauts et des bas, mais je suis convaincu qu'avec une attitude ouverte et sincère, nous pouvons renforcer notre coopération et réaliser une appréciation mutuelle. Les Pays-Bas et le Maroc ont beaucoup de points en commun, nous travaillerons ensemble pour en faire un levier dans nos relations futures. Quelles sont à votre avis les meilleures opportunités que les Pays-Bas et le Maroc pourraient saisir pour de meilleures relations bilatérales, considérant l'importante communauté d'origine marocaine aux Pays-Bas? Il existe certainement plusieurs opportunités que le Maroc et les Pays-Bas pourraient explorer ensemble dans les années à venir afin de consolider leurs relations. Je peux citer ci-après quelques domaines : Dans le domaine politique, le Maroc et les Pays-Bas se retrouvent dans leur défense du multilatéralisme. Les deux pays ont eu, à titre d'exemple, une coopération très réussie dans le cadre de leur co-présidence du GCTF (le forum global contre le terrorisme) entre 2016 et 2019. J'espère que cette coopération continue dans le futur sous d'autres formes, comme par exemple la coopération contre la cybercriminalité et celle dans la lutte contre le changement climatique. Dans les domaines économique et agricole, les Pays-Bas entretiennent des relations étroites avec le Maroc. Plusieurs entreprises néerlandaises telles que Philips, The Makers, Signify, Shell, Akzo-Nobel, Unilever, Van Oers, Messem et Klaas Puul sont implantées dans différentes régions du Maroc. Elles emploient des milliers de salariés dans différents secteurs. Pour les prochaines années, l'ambassade est engagée à promouvoir les échanges commerciaux et les investissements dans le domaine de l'agriculture, l'eau, l'énergie durable et la logistique. Je profite de cette opportunité pour annoncer la mission virtuelle sur l'eau que nous organisons du 19 au 22 avril qui réunira des spécialistes marocains et néerlandais du secteur. Nous œuvrons également à la promotion d'un esprit entrepreneurial parmi les jeunes à travers plusieurs programmes dont notre initiative phare : la Caravane Orange Corners, qui soutient et finance des Start-ups. D'ailleurs, un partenariat nous lie avec l'incubateur social Bidaya, pour la mise en œuvre de ladite caravane, qui fera escale dans 4 régions du Maroc. Le domaine culturel présente en outre, des opportunités de coopération entre le Maroc et les Pays- Bas. Les deux pays peuvent se vanter de patrimoines culturels extrêmement riches. Nous espérons développer plus de partenariats dans ce secteur et à différentes échelles afin d' instaurer des échanges culturels égalitaires et fructueux. De plus, depuis plus de 35 ans nous avons un partenariat académique sérieux et continue avec les universités marocaines. Cette coopération est renforcée par la présence du NIMAR, l'Institut néerlandais au Maroc. Chaque année, un groupe de 30 étudiants néerlandais motivés vient au Maroc pour apprendre davantage sur sa culture via un programme proposé par l'Université de Leyde. C'est très intéressant d'avoir cet échange entre étudiants néerlandais et marocains, de voir qu'ils apprennent les uns des autres et qu'ils s'épanouissent dans l'interculturalité. De nombreux étudiants néerlandais retournent souvent au Maroc après avoir participé à ce programme. Le Ministre des Affaires Etrangères des Pays-Bas a exprimé son soutien à l'opération menée par le Maroc à Guerguerat, que pourriez-vous nous en dire? Tel que mon ministre l'a déclaré, les actions de l'armée marocaine le 13 novembre 2020 étaient une réaction au blocus du passage frontalier entre le Sahara occidental et la Mauritanie, près de Guerguerat. Les développements récents dans la bande tampon sont préoccupants. Nous avons appelé au respect du cessez-le-feu, à la préservation de la liberté de mouvement et du commerce transfrontalier dans la région d'El Guerguerat et au retour au processus mené par l'ONU. Auriez-vous un commentaire sur la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël ? Les Pays-Bas saluent la normalisation entre le Maroc et Israël, ce qui représente une étape importante dans la normalisation entre Israël et le monde arabe. Avez-vous un message pour les Marocains qui liront cet article? A l'ambassade des Pays-Bas à Rabat et dans nos consulats à Casablanca et à Nador, nous essayons de véhiculer ce que les Pays-Bas représentent: l'inclusion, la créativité et l'ouverture. Les médias sociaux nous permettent de montrer ce que cela signifie et ce que nous faisons sur le terrain. Au-delà de la représentation, je suis aussi à l'écoute, une compétence trop souvent sous-estimée. C'est pourquoi j'aimerais inviter les lecteurs de cet article à me faire part de leurs commentaires, interrogations ou suggestions. Je m'engage à inviter les dix premiers lecteurs qui manifesteront leur intérêt pour les écouter, pour apprendre et pour dialoguer. Reportage photographique réalisé par Mounir Mehimdate