Les hommes ont, tout au long de leur existence et jusqu'à tout récemment, (siècle dernier), confié leurs déchets à la nature. Tant et si bien que l'hygiène et la salubrité publiques sont devenues une vraie préoccupation pour les Etats. Avec le temps de nouvelles sources d'énergie ont surgi, les moyens de transport se sont diversifiés, la population a augmenté et s'est concentrée, les modes de vie et de consommation ont changé, et entrainé des déchets moins facilement biodégradables, avec des quantités produites de plus en plus importantes, d'où des impacts sur la santé humaine et sur l'environnement quand ils ne sont pas correctement gérés. Aussi avons-nous décrété l'urgence de la prévention des déchets afin d'en tirer parti, grâce à la réutilisation, au recyclage, et à la valorisation énergétique. Des solutions de prévention des déchets et de recyclage peuvent permettre de maîtriser ces coûts. La priorité étant de réduire leur quantité et leur nocivité. Dans ce contexte, en ce mardi 17 novembre 2020, on avait rendez-vous avec le septième webinaire de l'Institut CDG sous la thématique « Interroger le modèle national de gestion des déchets, à l'aune de l'urgence et des opportunités économiques ». Ce coup-ci la visioconférence a connu la participation des intervenants suivants, Kenza Sara El Azkem, porte-parole de l'Association Zéro Zbel (Bachelor en Science Politique à l'Université du Texas à San Antonio, Master en Développement International à la Hankuk University for Foreign Studies et Master en Management Responsable et Développement Economique Durable de l'Université pour la Paix mandatée par les Nations Unis au Costa Rica), Hassan Chouaouta, expert international en développement stratégique et durable (24 ans d'expérience)et président de l'association marocaine des experts en gestion des déchets et en environnement, Badiâa Lyoussi, professeur (PhD) à l'Université Sidi Mohamed Benabdallah de Fés et directrice du Laboratoire, Substances Naturelles, Pharmacologie, Environnement, Modélisation, et Christian Ngô Docteur ès sciences, agrégé de l'Université en Chimie. 2000 conseiller de l'administrateur général du CEA. Fondateur d'Edmonium Conseil et bien sûr Aziz Boucetta, directeur de Panorapost en tant que modérateur comme d' habitude. Au Maroc la quantité des déchets urbains a atteint 5,3 millions de tonnes en 2014 et selon les estimations environ 7 millions en 2020. Casablanca consacrera pour l'exercice 2021, à la gestion de ses déchets 1 milliard de dirhams nous dit le modérateur. Notre parterre de panélistes s'est attelé à répondre aux problématiques posées par les systèmes de gouvernance et de gestions. C'est Badiâa Lyoussi qui a ouvert la boite de pandore, technique, elle est entrée dans le vif du sujet « Lorsqu'on parle de déchets, c'est de l'environnement et la santé humaine dont on parle mais également de la politique de la gestion des déchets et ce qui en découle. L'analyse doit comporter et comptabiliser à la fois les impacts qui sont générés comme la collecte, le transport, les procédés de traitement etc. et, ceux évités comme l'économie de matière première etc », a-t-elle dit. Et dans sa lancée Badiâa Lyoussi poursuit: « Dans le cadre de l'amélioration, il faut avoir une stratification et des leviers prédominants comme, la prévention de la production des déchets. Il faut avoir au niveau du centre de stockage, au niveau du centre d'incinération des procédés très efficaces et avoir aussi une augmentation du taux de recyclage et d'emballage. Le dernier levier de l'amélioration est au niveau de la logistique, c'est-à-dire la collecte, le transport et l'usage des véhicules de collecte plus propres ainsi que l'optimisation des tournées de collectes ». « Tant qu'il y aura des hommes, il y aura des déchets » nous dira, de son côté, Christian Ngô en bon cartésien pour qui « le déchet est une substance ni utilisable ni valorisable par celui qui la produit, mais cela peut-être une matière première pour quelqu'un d'autre et ainsi de suite (recyclage). Un déchet qui n'est pas maîtrisé n'est ni plus ni moins que de la pollution, la diminuer, c'est mieux maîtriser les déchets ». Pour Kenza Sara El Azkem le plastique est le principal souci dans la gestion des déchets au Maroc comme ailleurs du reste, « l'une des études phares qu'on a faite (Zéro Zbel) en 2018, un audit de déchets, au niveau de 26 plages marocaines (atlantiques et méditerranéennes) on avait recensé plus de 36 000 unités de déchets. 85% étaient en plastique et trois grandes entreprises (dont on fera l'amitié de taire les noms pour paraphraser l'ami Boucetta) sont à l'origine de ces déchets ». Et de poursuivre, « cette année, malgré les contraintes de la pandémie un audit est fait au niveau de différents grands oueds au Maroc comme Oum Errabia, Souss, Moulouya etc., le même on observe qu'il y a des déchets partout et 70% sont en plastique, avec tous les impacts que cela produit sur la nature et l'homme. Si Christian Ngô a mis l'accent sur l'importance du tri en prenant pour exemple la France, ce n'est pas le cas de Hassan Chouaouta pour qui la sensibilisation à cela est afférente aux mentalités. Mais qu'à cela ne tienne ! en fin connaisseur il dira quant au secteur des déchets « malheureusement, il est un peu complexe, parce que à la fois il y a la dimension politique, institutionnelle, légale et réglementaire. Il y a aussi la composante technique et technologique qui pour nombre de commune ne peut être mise en place parce que trop couteuse, ainsi que le côté financier. Des solutions sont là mais à quel coût ? ». Pour ajouter: « Si nous n'avons pas de plans de solutions et stratégies adaptés on ne réussira pas la bonne gestion de la chose. Au point de vue chiffres, au Maroc (35 millions d'habitants) nous produisons par an, 7 millions de tonnes de déchets ménagers, 1,5 millions de déchets industriels, 300 000 à 350 000 t de déchets industriels dangereux et nous produisons également quelque 7 millions de gravats, des déchets agricoles, la boue puisqu'on parle de l'eau est d'environ 380 000 t et ainsi de suite ». Puis passant à la problématique sur le plan institutionnel pour ce qui est des déchets ménagers, Chouaouta nous dit « c'est que ce sont les communes qui sont en charge de leur gestion avec bien sûr l'appui du ministère de tutelle (Intérieur) et le ministère de l'Environnement. A travers le programme national des déchets ménagers on peut dire qu'à 60% les déchets ménagers urbains sont enfouis dans des décharges contrôlées donc 85% en collecte ce qui est déjà un grand pas en soi bien qu'il ait énormément à faire encore ». « Notre problème c'est que l'on ne valorise pas assez les déchets alors que nous avons un potentiel de valorisation important mais malheureusement son taux n'est que de 7% », soutient-il concernant la valorisation des déchets. Il détaille: « Pour le plastique par exemple le recyclage n'est que de 10% alors qu'en France il est de 24%, 38% en Allemagne. Donc nous ne pouvons pas parler d'une vraie politique de valorisation et ce sans parler des autres filières pneus usagés. Le tri a été malheureusement abandonné dans nombre de villes au Maroc. On ne peut demander aux gens de trier si après on collecte le tout et on l'enfouit mélangé dans des décharges, c'est aberrant !« . Comme de coutume depuis sept sessions déjà, le webinaire de l'Institut CDG a tenu toutes ses promesses, ses adeptes sauront où le visionner auquel cas ils auront raté cette séance.