En Algérie, en cette fin de semaine, les forces de l'ordre et tribunaux ne sont pas restés les bras croisés et plus particulièrement dans la capitale Alger et dans les villes algériennes bastions de la contestation populaire. La traque judiciaire s'est intensifiée comme jamais, histoire de désamorcer les tentatives d'un retour dans la rue, des manifestants du Hirak (suspendu le 13 mars dernier en raison de la pandémie) avec le début du déconfinement. Le pouvoir craignant effectivement une reprise des manifestations née en février 2019 d'un immense ras-le-bol. Depuis, 56 vendredis de rébellion ont marqué l'Algérie provoquant le départ du président Abdelaziz Bouteflika après vingt ans au pouvoir. La contestation réclame le changement du « système boumeddienniste » en place depuis l'indépendance et plus que jamais représenté par celui actuel que préside le mal élu Abdelmadjid Tebboune. Aussi, force est de constater, qu'arrestations, harcèlements judiciaires, répression sont le lot quotidien en Algérie à la sortie d'un confinement annoncée. Depuis samedi plusieurs activistes pro-Hirak ont été arrêtés à Béjaia, Bouira ainsi qu'à Alger. Certains d'entre eux, ont vu la confirmation de leurs comparutions immédiates. Le fondateur du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) et militant Hakim Addad a été arrêté, ce dimanche 14 juin, par des policiers en civil, à Alger. Il avait déjà été arrêté une première fois le 4 octobre 2019 et incarcéré à la prison d'El Harrach, avant d'être libéré en janvier 2020. Quatre des membres du comité de RAJ et une centaine d'autres militants de ce mouvement populaire avait également bénéficié d'une libération le cadre d'un « geste symbolique » du nouveau gouvernement en signe d'apaisement. Parmi les figures emblématiques du Hirak interpelées, citons l'ancien journaliste-écrivain Fodil Boumala. Il a été arrêté dimanche. A titre de rappel Fodil Boumala avait déjà passé cinq mois en détention, à la prison d'El Harrach. Arrêté en septembre 2019, il était alors poursuivi pour « atteinte à l'unité nationale » avant d'être acquitté, en mars 2020, par le tribunal de Dar El Beïda (Alger). Il attend son procès en appel, le parquet ayant interjeté la décision. La Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LADDH) a confirmé que « Hakim Addad et Fodil Boumala se trouvaient au niveau de la Brigade de la gendarmerie de Bab-Jdid ». « Aucune information n'a filtré sur les motifs de l'arrestation des deux activistes », commente un journal en ligne plutôt proche des officines présidentielles. A Bouira, dans le sud-est d'Alger, à la suite d'une mobilisation populaire qui a bravé les interdictions de rassemblement pour dénoncer la « hogra » (humiliation, abus de pouvoir) et le sous-développement de la région, il a été enregistré une vague d'arrestations parmi les manifestants. Entre autres, on compte le journaliste Marzoug Touati et les deux activistes Yanis Adjila, et Amer Berri. Ils sont placés en garde à vue suite à leur arrestation sous les chefs d'inculpation de « incitation à attroupement, publication et distribution de publications pouvant porter atteinte à l'unité nationale, mettre la vie d'autrui (des autres personnes) en danger durant la période du confinement ». A Oran, sommé par les forces de l'ordre de remballer sa marchandise un marchand ambulant Rachid Boudjelal s'est immolé par le feu, dimanche 14 juin, sur le légendaire marché de la « Bastille », dans le centre de la ville. Autres arrestations, celles de blogueurs, d'administrateurs de page Facebook, de hirakistes sous surveillance, à Alger, à l'intérieur et dans le sud du pays. Parmi les villes ou wilayas bastions de la rébellion deux, Béjaïa et Bouira (Kabylie, Est) sont principalement prises pour cible par les forces de répression algériennes. Les tentatives de rassemblement sont durement réprimées et les militants connus, ciblés et placés sous mandat de dépôt pour des comparutions express sous de lourdes accusations « incitation à attroupement non armé, atteinte à l'unité nationale, exposition de la santé d'autrui durant le confinement, outrage à corps constitué et atteinte à l'image du président ». Comme pour mieux marquer cet acharnement répressif, les juges isolent les grandes figures du soulèvement. Pour le Hirak l'objectif du pouvoir incarné par Abdelmadjid Tebboune, ne fait plus de doutes ce n'est ni plus ni moins qu'une répression aveugle pour mettre au pas la mobilisation populaire qui secoue l'Algérie depuis plus de quinze mois et mettre fin aux vendredis de la contestation. Le président intronisé chef de l'Etat le 19 décembre 2019, après une élection au forceps avec un taux de participation d'à peine un peu plus d'un tiers des électeurs s'y est engagé, soutenu en cela par le courant fort de l'armée. Véritable danger pour la Nation algérienne, Abdelmadjid Tebboune a profité de la crise sanitaire pour mieux instaurer un système « boumeddienniste » de nature ultra-répressive afin de mâter un mouvement populaire qui paradoxalement et ironie du sort l'a pourtant mené au pouvoir où il trône actuellement.