Depuis le 16 mars dernier, le ministère de l'éducation nationale a décidé d'adopter l'enseignement à distance, suite à la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19. Une mesure qui vise à protéger les étudiants contre la pandémie, mais en même temps ne pas les priver de l'apprentissage et gâcher ainsi leur année. Cela dit, et malgré que la mesure soit applaudie d'une part, les critiques se sont également abattues sur le MEN quant à la gestion de l'enseignement à distance, surtout pour les familles vulnérables ne possédant pas les outils nécessaires pour accéder aux plateformes web mises en place par la tutelle, ou encore les difficultés qu'ont rencontrées les enfants du milieu rural. Pour Dr. Jaouad Mabrouki, expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe et psychiatre, et mis à part l'aspect pédagogique de la chose, il y a un énorme impact de l'enseignement à distance sur la santé physique et psychique des étudiants, mais aussi des parents et des enseignants. Le spécialiste est tout simplement « contre l'enseignement à distance pendant la période de confinement » car cela crée selon lui « beaucoup de stress pour les étudiants, les enseignants et les parents », met en avant que que « l'anxiété chronique, à son tour, génère clairement des troubles mentaux et physiques ». Dans son analyse, Dr. Mabrouki estime que « l'enseignement à distance est un choix délibéré des parents et des adultes pour des raisons idéologiques ou géographiques. En revanche, l'imposition de l'enseignement à distance en période de confinement ne peut être sans conséquences psychologiques néfastes pour les enfants et la relation entre parents et enfants ». En ce qui concerne les élèves du cycle primaire, « les conséquences sont extrêmement néfastes », avance le spécialiste, et se présentent selon lui, sous forme « d'anxiété sévère, des troubles du sommeil et de l'alimentation et des troubles du comportement tel que l'insomnie motrice, ou encore les disputes entre frères et sœurs ». La situation se complique encore plus lorsque les parents obligent les enfants à suivre les cours à distance et à faire leurs devoirs, poursuit Dr. Mabrouki, notant que l'apprentissage devient à ce moment-là un sujet de conflit. « Il ne faut surtout pas oublier que l'éducation marocaine est violente en temps normal, alors j'imagine combien cette violence va augmenter pendant cette quarantaine à cause notamment de l'enseignement à distance », dit-il. Toujours dans le même contexte, Dr. Mabrouki indique que « l'enfant a déjà du mal à assimiler l'épidémie et le confinement et ne comprend pas pourquoi il a été +kidnappé+ de son école et est devenu otage à la maison », notant que « même l'adulte lui-même ne réalise pas vraiment le rôle du confinement dans la lutte contre l'épidémie en ne respectant pas les conditions de prévention ». Tout en s'interrogeant « comment voulons-nous que l'enfant s'acclimate à cette nouvelle situation? », le psychologue relève qu' »avec l'enseignement à distance, nous risquons de détruire l'enfant, et il détestera l'école, les enseignants et l'apprentissage. Avec ce plan, nous créons une nouvelle génération qui ne sera pas détruite par le Covid-19, mais nous la détruirons psychologiquement par nous-mêmes! ». D'autre part, Dr. Mabrouki estime que « les enfants du primaire devaient être dispensés de l'enseignement à distance, et que la priorité soit donnée aux jeux ou encore au renforcement de la relation émotionnelle entre parents et enfants ». Et c'est là où le psychologue se pose plusieurs questions à savoir: « le Covid-19 nous enseigne-t-il une grande leçon de vie? N'est-il pas en train d'arrêter cette course effrénée, d'inciter à s'asseoir et s'interroger sur notre mode de vie qui s'accélère au quotidien ? L'éducation est-elle une fabrique de cerveaux et doit donc faire des bénéfices financiers ? Que se passerait-il si un étudiant manquait un an, deux ou plus dans sa carrière universitaire ? Cherchons-nous à créer une génération de robots ou une génération mentalement équilibrée qui aime son pays et cherche à servir sa société? ». Etudiants universitaires Dans son analyse, Dr. Mabrouki évoque les nombreux retours qu'il a reçus de plusieurs étudiants universitaires sur l'impact de l'enseignement à distance sur leur santé psychique. « De nombreux étudiants deviennent déprimés suite aux cours à distance, sans qu'il n'y ait aucune motivation. Ils n'ont aucune vision sur l'avenir et ne savent pas s'ils vont reprendre les cours ou pas, ou s'il y aura des examens de fin d'année ou non, raison pour laquelle ils étudient avec fatigue et anxiété », dit-il. Et d'ajouter que même ceux qui décident de ne pas suivre les cours ressentent une certaine culpabilité. « Plusieurs étudiants m'ont rapporté qu'ils ont du mal à dormir, ils mangent de manière désordonnée et déséquilibrée et ont beaucoup de difficultés à se réveiller à temps pour leurs cours du matin, avec notamment des difficultés de concentration », explique-t-il. Le pire dans cette situation, souligne Dr. Mabrouki, est que « personne n'a de contrôle sur l'avenir et ne connait pas le jour de la fin de cette épidémie ni même comment elle se développera ». « Raison pour laquelle, analyse-t-il, ces étudiants plongent dans le doute et le danger sachant que la plupart d'entre eux étudiaient avant même l'épidémie sans avoir la certitude qu'ils obtiendraient facilement un travail honorable et voient se profiler un avenir sombre devant eux ». In fine, Dr. Mabrouki insiste encore une fois sur « année blanche » en faveur des élèves et étudiants, chose qu'il estime « bénéfique » pour eux, car selon lui, « ils ont le temps de vivre, de se reposer et de penser à l'avenir. Et c'est également une occasion spéciale pour l'étudiant de prendre le contrôle de sa vie et de choisir sa propre voie! ».