En Tunisie, alors que le nouveau gouvernement de compétences nationales est supposé être fin prêt pour son annonce et sa soumission au vote pour l'obtention de la confiance du Parlement, les relations entre le président de la République Kais Saied et Rached Ghannouchi, le président du Parlement (l'ARP), semblent arriver à un point critique. Entre les deux hommes, les tensions sont de plus en plus palpables. Alors que Kais Saied a des idées proches du mouvement islamiste, en étant un conservateur assumé, les relations avec Rached Ghannouchi, le patron du Mouvement Ennahda, vainqueur des élections législatives, devaient être fluides à première vue. Mais, les prétentions de Rached Ghannouchi qui a pris la tête du Parlement, et qui a dirigé les négociations pour la formation du gouvernement avec les autres partis, n'ont pas été vue d'un bon œil par le président démocratiquement élu. D'ailleurs, ce dernier n'a pas attendu pour faire part de sa méfiance, sans nommer Ennahda et Ghannouchi, à ces forces « obscures », qui tentent de comploter contre lui et contre le peuple tunisien. Kais Saied, en homme réputé pour son intégrité s'était exprimé à l'occasion de sa visite à Sidi Bouzid, ville dans laquelle Tarek Bouazizi, le vendeur ambulant s'était immolé, déclenchant la Révolution du jasmin. Et connaissant la stabilité et la neutralité de la Tunisie dans la région, ce pays qui n'a relativement pas d'ennemis, les déclarations du président semblent donc se diriger plus vers un ennemi interne plutôt qu'externe. Le signe le plus évocateur de cette rupture entre les deux figures du pouvoir en Tunisie reste toutefois la dernière claque qu'a infligée Rached Ghannouchi au chef de l'Etat en refusant son initiative de réconciliation avec les autres partis pour favoriser la formation d'un gouvernement. Ce refus a été vu comme un acte irrespectueux envers la personne du président de la République et ce dernier s'est montré ferme en répondant par le silence à la demande de rendez-vous de Habib Jemli, le chef du gouvernement désigné, mandaté par Rached Ghannouchi. En outre, Kais Saied a refusé de donner les noms des deux ministres des Affaires étrangères et de la Défense à Habib Jemli, lui indiquant de se contenter de lui présenter sa liste. Une preuve de plus de l'état de froid des relations entre Ghannouchi et Saied.