Un mois après leur dernière grève, les infirmiers et techniciens de santé du Royaume ont à nouveau observé un débrayage de 48h, les 9 et 10 décembre, accompagné de sit-in régionaux devant les directions régionales du ministère de la Santé. Une grève qui s'ajoute aux précédentes pour cause notamment du « vide juridique » dont pâtit leur profession et qui a mené à plusieurs arrestations dans leurs rangs. Le taux de participation a atteint 82%, selon le mouvement des infirmiers et techniciens de santé du Maroc (MITSM). Les détails. Ils sont près de 30.000 (infirmiers, sages-femmes, techniciens de santé, assistants sociaux et kinésithérapeute), à faire valoir, depuis deux années déjà, 6 revendications principales notamment l'élaboration du référentiel d'emploi et de compétences (REC) et la création de l'ordre des infirmiers et techniciens de santé. Selon Youness. J, infirmier et membre du MITSM, « les discussions entre les représentants du mouvement et la tutelle durent depuis 2 ans déjà, sans pour autant trouver une solution, alors que la création du REC et de l'ordre est devenue une urgence ». Dans une déclaration à Hespresse FR, le membre du MITSM a souligné que les deux sages-femmes arrêtées à Larache récemment dans l'affaire de la patiente décédée en cours d'accouchement, ont écopé de 2 mois et demi de prison ferme pour l'une et 3 mois de prison ferme pour la seconde. Pour lui, « le problème ne se pose pas au niveau des arrestations et poursuites judiciaires, si elles sont légitimes et accompagnées d'une loi propre aux infirmiers, mais par rapport au vide juridique qui donne suite à ses poursuites ». « Aujourd'hui, les infirmiers et techniciens de santé n'ont aucune loi qui régit leur fonction de manière claire. Dans quel cas doivent-ils intervenir ou pas ? Après, s'ils n'interviennent pas, ils sont poursuivis pour manquement, et s'ils interviennent, en cas d'incident, ils n'ont aucune couverture légale! Et on peut résumer la situation au fait qu'il y a un conflit de compétences entre médecins et infirmiers », explique Youness. J. En mentionnant les tâches qui relèvent des attributions du médecin ou de l'infirmier et techniciens de santé, notre interlocuteur rappelle que « dans les régions enclavées du Royaume, des fois, il n'y a pas de médecins. Soit il est en astreinte soit il n'y a carrément pas de médecins, il n'y a que l'infirmier. Et par conséquent, ce dernier se trouve dans l'obligation d'aider le patient devant lui. S'il ne le fait pas, il est poursuivi pour non-assistance à personne en danger conformément au Code pénal, s'il intervient et qu'il y a problème, il est accusé d'interférer dans les compétences du médecin». Et d'ajouter dans ce sens que« cette responsabilité, c'est au ministère de la Santé de l'assumer et non l'infirmier et le technicien de santé, parce que c'est la tutelle qui ne souhaite pas mettre en place le REC et nous laisser créer notre Ordre, et d'ailleurs, on se demande bien pourquoi et à qui profite ce vide juridique ». Il est évident que la formation d'infirmiers et de techniciens de santé est totalement différente avec la formation de médecin, et il en va de même pour les tâches que chacun doit accomplir. Mais, notre interlocuteur soutient que les études et la formation des infirmiers et techniciens de santé « n'ont rien à voir avec ce qui se passe sur le terrain et les lois qui y règnent. Sur le terrain, il n'y a pas de référentiel qui montre exactement à l'infirmier quoi faire, ou ne pas faire, surtout avec le manque de personnel ». Autre exemple avancé par ce membre du MITSM : « dans un dispensaire d'un village ou d'un patelin, le ministère de la Santé donne à l'infirmier la dotation des médicaments. Cela veut dire que c'est à l'infirmier de prescrire les médicaments au patient en cas de douleur et des fois même diagnostiquer la maladie parce qu'il est le seul cadre de santé sur place, il n'y a pas de médecins. Pourquoi donc le ministère lui donne cette tâche, qui ne relève pas normalement de ses fonctions? ». Ainsi, le MITSM exige-t-il la « création de l'Ordre des infirmiers et technicien de santé puisqu'il aura la capacité de chapeauter la mise en place des lois et du REC ». Pour rappel, outre la mise en place du REC, le dossier revendicatif des infirmiers et techniciens de santé comprend également « l'augmentation de la prime de risque, l'instauration de formations de base et de formations continues adaptées aux besoins réels afin de revoir le rythme d'avancement de l'infirmier, l'augmentation des effectifs en embauchant les lauréats infirmiers pour soulager les effectifs en exercice, l'égalité des chances en matière de promotion professionnelle à l'instar des autres catégories (ingénieurs, pharmaciens, médecins et autres fonctions publiques) ».