La situation dans les prisons marocaines est « catastrophique ». C'est le constat livré par le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, Mustapha Ramid, lors de la séance des questions orales à la chambre des conseillers. Ramid a de même indiqué que le taux de surpeuplement dans les prisons a atteint 138% avec un espace de 1.89 mètre pour chaque détenu, ce qui est « est incompatible avec ce que toute institution pénitentiaire respectant les droits des prisonniers devrait avoir ». Cet encombrement est dû, entre autres, au nombre de détenus dans les prisons du Royaume qui s'est élevé de 70.758 en 2012 à 83.757 en 2018, a fait savoir Mustapha Ramid, qui estime que face à cette situation, « la politique pénale du Maroc, par le biais du projet de code pénal soumis à la Chambre des représentants, verra un grand nombre de changements radicaux , outre le projet de loi sur la procédure civile, qui prévoit des peines alternatives, à même d'atténuer le phénomène de la surpopulation carcérale ». Dans ce même registre, le Délégué général de l'administration pénitentiaire et de l'insertion, Mohamed Saleh Tamek, a indiqué lors de la présentation du budget 2020 de son département, qu'à la date de septembre 2019, le nombre des détenus dans les prisons du Royaume avait atteint 85.767, dont près de la moitié (46.46%) sont en détention provisoire, soulignant ainsi que « les ressources financières et humaines destinées à gérer » son département, « ne suivent pas le rythme de l'augmentation alarmante de la population carcérale ». Un problème qui en induit un autre En réponse aux chiffres dévoilés par le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, le président de l'association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), Aziz Ghali, a déclaré à Hespress Fr, que ces 138% représentent une moyenne, car «il y a des prisons qui ont atteint 200% ». Selon ce militant des droits de l'Homme, l'encombrement dans les prisons mène à d'autres problèmes graves comme « ceux liés à la santé, au harcèlement sexuel, au viol ». « Tout ça, dit-il, est dû au surpeuplement carcéral. Et quand il y a surpeuplement, même les mineurs sont des fois détenus dans la même cellule que des adultes ». Notre interlocuteur est également revenu sur les 4.600 prisonniers ayant des maladies mentales et qui sont détenus en prison, soulignant dans un premier temps que ces derniers doivent être dans un hôpital psychiatrique, et qu'« il y en a qui ont commencé à avoir des troubles mentaux à cause de cet encombrement au sein des prisons, parce qu'il y a des profils de détenus qui sont psychiquement fragiles, et on les met dans une cellule encombrée de prisonniers de tout genre, et c'est à ce moment-là qu'ils ont ce déclic ». De même, Ghali nous explique que le fait d'avoir 46% de détenus provisoires est en lui-même un problème auquel il faut remédier. « En supprimant ces 46%, au moins il n'y aura plus ce problème d'encombrement. Et c'est là où vient le développement des nouveaux outils pour remédier à cette situation». « Des fois, des personnes se retrouvent en détention provisoire pour un simple délit. Et quand elles sortent, elles font face à des séquelles psychologiques graves. Pare qu'elles n'ont jamais pensé qu'un jour elle iront en prison, parce que pour elles ont toujours été des citoyens tranquilles, mais un jour, pour un chèque sans provisions par exemple, elles se retrouvent en détention. Ou encore une personne au volant de sa voiture, qui s'est retrouvée derrière les barreaux pour une longue durée, parce qu'elle a renversé un motocycliste ou un piéton qui a surgi de nulle part. Et c'est des cas de personnes qu'on a rencontrées au sein de l'AMDH », nous raconte le Président de l'AMDH. En effet, pour Aziz Ghali, il est temps de mettre en place des mécanismes alternatifs, pour ce type de détenus, donnant ainsi l'exemple d'un citoyen qui travaille, qui a un foyer et « qui se trouve après en prison pour un chèque, alors qu'il n'a jamais vu la une cellule de sa vie et n'a jamais commis de crime. On peut lui proposer par exemple de lui accorder un délai pour trouver l'argent, ou lui imposer un travail d'utilité publique ». Peines alternatives « Il faut qu'il y ait des méthodes disciplinaires alternatives à la prison. Donner trois mois de prison à une personne qui peut payer une amende d'une somme importante, cela peut s'avérer une sanction plus lourde pour lui que les trois mois de prison. Comme le système anglo-saxon qui est plus basé sur les amendes que les peines de prison. D'un côté on diminue le surpeuplement carcéral, et d'un autre on trouve des solutions alternatives », fait valoir notre interlocuteur. Ainsi, selon Aziz Rhali, il existe plusieurs solutions pour lutter contre le surpeuplement carcéral. Il rappelle qu'au moment des discussions sur la réforme du code pénal, nombre de propositions sur des peines alternatives à la prison ont été avancées, mais « sont restées lettre-morte, sans jamais être appliquées ». Dans ce sens, le militant propose la mise en place du bracelet électronique, pour limiter les déplacements des personnes, ou encore la confiscation de passeport ou le travail civil obligatoire. « Il faut donc développer ces outils mis en place dans le système anglo-saxon. Au Brésil, par exemple, ils ont instauré un autre système pour lutter contre le surpeuplement: Si un déteu lit un livre en une semaine, il voit sa peine allégée d'une semaine, une procédure également utilisée en Arabie Saoudite, om les détenus qui apprennent des versets du Saint Coran peuvent contribuer à l'allègement de leur peine». À cet effet, notre interlocuteur nous indique « qu'il y a énormément de solutions alternatives à la prison, il faut juste que les responsables se mettent à table avec la société civile, et l'écoutent, parce qu'elle a beaucoup à proposer et peut aider. Et dans le cas de problèmes de cette ampleur, il faut ouvrir un débat sociétal. Il ne faut pas limiter cela à des techniciens qui se contentent de donner des peines derrière un bureau ».