Créée en juin 2016, Zero Waste Skhirate fait partie de ces associations de nouvelle génération, très portée sur les actions à caractère citoyen et pédagogique. Son coeur d'action: la sensibilisation au respect de l'environnement dans la ville de Skhirat et de sa célèbre plage labellisée «Pavillon bleu» . Mais son président fondateur, Nadir Sinaceur, n'hésite pas à partager les bonnes pratiques de l'association partout dans le pays. Dernier exemple en date, lors de l'amarrage du Blue Panda à Tanger. Interview découverte. En novembre dernier, le voilier du WWF faisait une dernière escale dans la marina de la ville du Détroit, après un périple de plusieurs mois autour de la méditerranée. A cette occasion, Hespress FR a rencontré le président fondateur de Zero Waste Skhirat, Nadir Sinaceur. Dans son stand, l'acteur associatif propose aux visiteurs un ensemble d'activités qui touchent la préservation de l'espace et de la biodiversité marine. Il nous parle du lancement de ses actions éco-citoyennes, mais aussi des efforts consentis pour que la jeune génération puisse prendre conscience du danger que représente la pollution des eaux de mer. Hespress FR: D'où est venue l'idée de créer une association qui s'engage dans la sensibilisation au tri des déchets et au recyclage ? Nadir Sinaceur: Tout a commencé en juin 2014, sachant que des actions se faisaient au niveau de la plage de Skhirate avant cette date, dans le cadre d'un simple collectif de citoyens. En fait, il y a eu deux déclics en début d'année 2016, partant d'un acte réel. Je travaille dans un milieu assez stressant et je devais déjeuner très rapidement. J'ai pris une boite de sardines, et en l'ouvrant, je retrouve une bille de plastique mangée par la sardine. Je me suis alors dis que si ça m'est arrivé, c'est que ça peut toucher concrètement tout le monde. Certainement qu'en mangeant du poisson, nous avalons du plastic sans le sentir. C'est le résultat des déchets que nous jetons sans nous rendre compte des répercussions de nos actes. J'ai donc commencé à faire des recherches et je suis tombé sur le mouvement Zero Waste, très actif dans des blogs partout dans le monde, et qui plaide pour la diminution, de la consommation. A notre niveau, on essaye d'introduire le débat sur le principe écologiste des quatre R: Réduire, Réutiliser, Réparer et Recycler, qui est un concept à l'international. A l'époque, il n'y avait pas une organisation à laquelle on pouvait s'adresser. Tout se faisait par e-mails et newsletters. Donc l'idée était de créer une association que j'ai appelé localement Zero Waste Skhirate. Et l'association Zero Zbel dans le cadre de l'opération Zero Mika s'est crée à peu prés au même moment, alors que le Maroc se préparait à accueillir la COP22 à Marrakech. C'était le deuxième déclic. Quel type de manifestations organisez-vous dans le cadre de votre contribution pour un Maroc sans déchets ? En août 2016, nous avons organisé le 1er festival Zero Waste à Skhirat. Nous avons pu avoir une exposition avec un vrai Eco village sur la plage de Skhirat. Nous avons tenu en parallèle une conférence au Palais des congrès de Skhirate avec plusieurs intervenants, un hackathon… le tout dans un seul week-end et en nous appuyant sur nos fonds propres. C'était réussi et pour la bonne cause. Nous avons décidé d'avancer pour être présents à la Pré-COP22, à la COP22, aux Journées du climat. Il y a eu donc pas mal d'activités au cours de notre première année. En 2017, nous avons reprogrammé l'Eco village avec Redal et la commune de Skhirate pendant un mois pour sensibiliser les enfants. Et pour 2018 et 2019, nous avons fait le premier ploging au Maroc. C'est une contraction entre jogging et plog qui veut dire « nettoyage » en finlandais. Il s'agit d'une course avec des gants et un sac de déchets où l'on court tout en nettoyant la plage. L'ex sélectionneur national Hervé Renard était avec nous. Le concept c'est que ce n'est pas celui qui arrive en premier qui gagne, car à la fin, on pèse les déchets ramassés durant le parcours pour faire une pondération. Aujourd'hui, cette pratique a fait des émules, à Casablanca notamment où plusieurs associations organisent ce type de courses. Un mot sur le Recycl'Art exposé dans le cadre de l'arrivée du Blue Panda à Tanger ? Ce sont d'abord des objets utiles ou décoratifs, fait à partir de déchets ramassés à la plage. Nous avons là la meilleure façon d'interpeller et retenir l'attention des enfants, et en même temps qu'ils ne soient pas lassés. Nul doute que la présence d'artistes est décisive, car ces derniers arrivent très bien à accrocher les enfants. Nous nous sommes alors concentrés sur le Recycl'Art. On invite des artistes spécialisés en différentes matières comme le plastique, les métaux, les tissus, dans des ateliers ludiques de peinture et d'origami. Le feedback positif que nous avons eu nous encourage à reprendre cette expérience cet été. De plus que des volontaires qui nous ont aidé ont commencé eux même à fabriquer eux même des objets. Certains se sont spécialisé dans la conception de chevaux à partir des matériaux ramassés. Des oeuvres qu'ils ont pu exposer au Salon du cheval d'El Jadida en ayant droit à un stand. C'est uniquement du matériel ramassé dans les plages ? C'est d'abord pour donner l'exemple. Pour un artiste, même s'il a peut-être pris du nouveau, c'est pour montrer que lorsqu'un enfant trouve quelque chose, il pourra la recycler. L'idée c'est qu'il sache quoi faire avec. Du coup, l'enfant voudra garder la matière. N'oublions pas que nous, les Africains, sommes habiles dans l'art de tout recycler. Mais pourquoi pensez vous que nous continuons à jeter des bouteilles en plastique par exemple ? Je pense qu'il faut inculquer le principe de valorisation des choses. Pour un marocain, la bouteille vide de plastique ne vaut rien. Ce qui est faux car le Maroc est un pays importateur de pétrole. Au minimum, c'est 20 centimes de DH la bouteille. Ce sera une grande avancée si l'on sensibilise les Marocains, et les enfants surtout, à la valeur de cet objet que nous jetons. Ce qu'on propose au sein de Zero Waste Skhirat, c'est de remettre une consigne en vert sur les bouteille, invitant le consommateur à remettre les bouteilles vides aux épiciers. Les chineurs cherchent dans des poubelles pour ramasser du plastique. Il les ramassent et les compressent. C'est envoyé ensuite à des grossistes qui l'envoient en Europe pour être recyclés. C'est tout un gâchis. Comment avez-vous accompagné les activités organisés en présence du Blue Panda à Tanger ? Nous avons amené des artistes, organisé des animations, et montré au public notre concept en parallèle à l'arrivée du Blue Panda. En même temps, nous avons fait un nettoyage de plage. Un stand a également été mis à notre disposition, avec un labyrinthe pour enfants, toujours dans le souci de les sensibiliser sur la préservation de l'environnement. Ils passent en regardant comment on peut tricoter du plastic et faire des oeuvres utiles ou décoratifs, puis par une exposition pour voir le Blue Panda et les poissons. Ensuite, ils rejoignent nos artistes. Nous avons mis en plein milieu de l'espace qui nous a été consacré à la marina de Tanger ce que nous avons ramassé à la plage. Les gens étaient interpellés parce que c'est moche et pas du tout beau à voir. On explique dés lors que c'est ce que nous avons pu ramasser en une journée: 27 kilogrammes pour 6 bénévoles. C'est une moyenne de 4 kilos par personne dans une plage régulièrement nettoyée. Toute notre volonté est de semer les graines en ces enfants pour les inciter à penser au future. On ne va pas définitivement régler le problème, mais on fait notre part. C'est la fameuse légende du Colibri qui nous inspire. Nous faisons tout ce que nous pouvons au niveau local, en espérant que chacun fasse sa part, dans les plages, les quartiers ou en montagne.