Santé, éducation, emploi, la femme rurale a toujours du mal à accéder aux services basiques et son intégration dans la vie économique en développement demeure toujours difficile. Ainsi, et à l'occasion de la journée internationale de la femme rurale, célébrée le 15 octobre, Bank Al-Maghrib a lancé une étude sur la situation socio-économique de cette catégorie dans le but d'explorer les pistes de son inclusion financière. De son côté l'OCP a mis en place un programme qui vise le développement de la capacité agricole et entrepreneuriale de la femme rurale, tandis que le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a fourni des données et des indicateurs relatifs à sa situation démographique et socio-économique, permettant de mettre en exergue son potentiel humain et les contraintes qui limitent son rôle dans le développement du pays. La femme rurale, un fort potentiel humain Ainsi, et selon la note du HCP où il expose une série de données, la population féminine rurale, estimée en 2019 à 6,5 millions de personnes, représente presque la moitié de la population rurale (49,2%). Elle recèle ainsi un potentiel humain important, puisque 59,4% d'entre elles sont en âge d'activité (15-59 ans), contre 29,6% âgées de moins de 15 ans et 11% de 60 ans et plus. Toujours en 2019, poursuit le HCP, la population des femmes rurales d'âge fécond (15-49 ans) s'élève à 3,3 millions de personnes, alors qu'elles sont 6,2 millions en milieu urbain et 9,5 millions au niveau national. Par ailleurs, l'espérance de vie à la naissance des femmes rurales est estimée en 2019 à 75,3 ans contre 79,6 ans pour les femmes citadines et 78,2 ans pour les femmes en moyenne nationale. La fille rurale défavorisée en matière d'accès à l'éducation Malgré les progrès réalisés en matière de scolarisation de la fille rurale ces dernières années, et les avancées qu'elle a réalisées au niveau du primaire, son accès aux autres cycles de l'enseignement demeure encore limité. En effet, selon la note du HCP, son taux net de scolarisation au primaire a atteint 101,55 % en 2017-2018, contre 96,2 % pour les filles urbaines, 98,5 % pour les filles au niveau national et 102,54 % pour les garçons ruraux. Cependant, son taux de préscolarisation était, pour la même année, de 25,4% contre 53,9% pour les filles en milieu urbain, 41,6% pour les filles au niveau national et 40,5% pour les garçons ruraux. Au niveau du collège, le taux net de scolarisation des filles rurales était de 39,73% contre 80,15% pour les filles urbaines, 62,62% pour les filles à l'échelle nationale et 40,46% pour les garçons ruraux. Au niveau du secondaire qualifiant, ce taux est de l'ordre de 12,48% contre 57,39% pour les filles urbaines, 38,1% pour les filles au niveau national et 19% pour les garçons ruraux. Ces contre-performances sont dues, entre autres, à un très fort abandon scolaire des filles rurales, notamment au niveau du collège, fait savoir le HCP. En effet, leur taux d'abandon atteint 6,9% au primaire contre 4,7% pour les citadines, 1,7% pour les filles au niveau national et 5,4% pour les garçons ruraux. Au niveau du collège, ce taux est 4 fois plus important que celui des filles urbaines et deux fois plus que celui des filles à l'échelle nationale (16,8% contre 4,8% et 8% respectivement). Par ailleurs, la population féminine rurale comptait encore, en 2014, pas moins de 60% d'analphabètes contre 31% des citadines, soit du simple au double. Accès faible aux services de santé Si le taux de mortalité maternelle a été ramené, au niveau national, à 72,6 décès pour 100.000 naissances vivantes et à 44,6 décès en milieu urbain, son niveau demeure encore élevé en milieu rural, avec 111,1 décès, rapporte le HCP. La proportion des femmes rurales ayant bénéficié des soins prénatals qualifiés est de 79,6%, contre 95,6% des femmes citadines et 88,5% au niveau national, relève le HCP, soulignant que 73,7% des accouchements en milieu rural sont effectués dans des établissements de santé, contre 96,0% en milieu urbain et 86,1% au niveau national. Le taux d'utilisation d'une méthode contraceptive s'élève à 70,3% chez les femmes rurales, contre 71,1% chez les femmes urbaines. Moins d'opportunités de participation à la vie économique Même si les indicateurs de l'emploi féminin sont relativement meilleurs en milieu rural qu'en milieu urbain, les activités professionnelles des femmes rurales restent peu valorisantes. En 2017, et selon le HCP, le taux d'activité des femmes rurales a atteint 29,6% contre 18,4% pour les femmes en milieu urbain et 22,4% pour les femmes au niveau national. En revanche, le HCP souligne dans sa note que leur taux d'emploi est de l'ordre de 28,7%, largement supérieur à celui des femmes urbaines (13,8%) et à celui des femmes au niveau national (19,2%). De même, avec 3,1%, le taux de chômage des femmes rurales reste faible par rapport aux femmes citadines (25 %) et à l'ensemble de femmes à l'échelle nationale (14%). Le HCP indique que la féminisation de l'emploi en milieu rural prend de l'importance dans les deux secteurs de « l'agriculture, forêts et pêche » et de « l'artisanat », avec un taux de 35,4 % et de 22 % respectivement. La faible valorisation de l'activité féminine en milieu rural trouve son explication dans plusieurs facteurs. Le premier facteur, fait savoir le HCP, est que la majorité des emplois féminins s'exercent dans l'agriculture (93,6 %), sachant que plus de 90% des femmes rurales employées dans ce secteur n'ont aucun diplôme, alors qu'en milieu urbain les femmes travaillent principalement dans le secteur des « services » (70,4%). Le deuxième facteur est que 32 % des femmes rurales actives occupées n'ont aucun diplôme, contre 9,6 % en milieu urbain et 20,1% au niveau national, alors que seulement 13,6 % des femmes rurales déclarent un niveau de diplôme moyen. Troisièmement, 60,3 % des femmes rurales actives occupées sont des aides familiales, et leur emploi reste en général non rémunéré, car près de 70,5% d'entre elles ne perçoivent aucune contrepartie de leur travail. Le quatrième facteur, quant à lui, relève que la femme rurale assume une charge assez consistante en termes d'heures de travail allouées aux tâches domestiques. Les résultats de l'enquête nationale sur l'Emploi du temps au Maroc menée par le HCP révèlent que le budget-temps consacré par la femme rurale aux activités domestiques dépasse cinq heures, contre quatre heures pour la femme citadine. La pauvreté et la vulnérabilité touche davantage les femmes rurales En dépit du recul observé de la pauvreté au Maroc, ce phénomène, dans sa forme monétaire, touche davantage les femmes rurales que les femmes citadines, avec respectivement un taux de 25,3% et 7,5% en 2001 et de 9,5% et 1,7% en 2014 (pour l'ensemble des femmes, ce taux est passé de 15,2 % en 2001 à 9,2% en 2007, pour se situer à moins de 5,0% en 2014), indique le HCP. De même, si la vulnérabilité a enregistré une baisse importante durant la période 2001-2014, la situation des femmes rurales reste plus vulnérable, avec un taux de 19,4% en 2014 comparé au taux de 7,8% pour les femmes citadines et de 12,4% pour l'ensemble des femmes au Maroc.