Des années durant, les 31 millions d'habitants de l'Assam, Etat de l'extrémité Est de l'Inde, frontalier du Bangladesh et du Bhoutan, ont été recensés et sommés de prouver leur citoyenneté indienne. Un Registre national de citoyenneté (RNC) vient d'être publié excluant deux millions de personnes. Pour le gouvernement local de l'Assam et le BJP, parti nationaliste hindou au pouvoir, cette politique permet de renvoyer les immigrés venus du Bangladesh, pays à majorité musulmane. Les autorités indiennes estiment que ces personnes sont étrangères, car dans l'incapacité d'établir une preuve de leur installation en Inde avant le 24 mars1971, date de la déclaration de l'indépendance du Bangladesh qui faisait alors partie du Pakistan. La guerre qui s'en était suivie avait fait fuir des millions de personnes de part et d'autre des frontières indiennes et pakistanaises. En novembre 1971, l'Inde, avec à sa tête la première ministre Indira Gandhi, s'implique dans le conflit en intervenant militairement à la suite de l'afflux de millions de réfugiés dans son pays. Le Pakistan capitule le 16 décembre 1971 et reconnaît le Bangladesh officiellement. Le RNC, qui vise officiellement doit-disant, à lutter contre l'immigration illégale, a demandé aux habitants de l'Assam de prouver leur citoyenneté indienne. À partir du mois de novembre prochain les autorités devraient permettre à ces exclus pour la plupart pauvres et illettrés d'entamer des procédures d'appel, mais les concernés sont sceptiques car ils demeurent sujets à une répression administrative sans précédent. Ils sont arrêtés pour être expulsés et au moins une dizaine de centres de détention pour étrangers sont en train d'être construits par ceux-là même, censés être expulsés et déchus de leur citoyenneté indienne. De cause à effet et conflit du Cachemire aidant, il n'y avait donc qu'un pas que l'Inde nationaliste, a vite fait de franchir. Le RNC créé à l'initiative du gouvernement assoit sa mauvaise réputation en visant la catégorie la plus vulnérable de l'Etat de l'Assam. De ses « tribunaux pour étrangers » spécialement mis en place, il sévit à tout vent. Dans une même famille, on peut trouver un ou des exclus listés. Ce sera, soit la mère soit le père, ou un ou plusieurs de leurs enfants. En outre, un rien peut conduire une personne à l'exclusion du RNC et être reconnue étrangère, par exemple une mauvaise façon d'épeler un nom. Dans l'histoire pour ces exclus au comble de leur sort, il n'est pas dit que le Bangladesh puisse les accueillir. En cas de refus ils en feraient des apatrides.