Incompréhension à Tunis après l'invitation officielle par le président Kais Saïed de Brahim Ghali, chef du Polisario, à participer au 8e Sommet de la TICAD (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique) qui se tient en Tunisie les 27 et 28 août. Le Maroc a ainsi retiré sa participation et rappelé son ambassadeur à Tunis, dénonçant une attitude « hostile » à son égard. Un jugement partagé par l'opinion tunisienne qui dénonce également un « grave incident diplomatique ». « Fallait-il inviter avec tant de légèreté et d'inconséquence le Polisario à la 8e Ticad à Tunis alors que le Sahara occidental n'est pas un Etat indépendant reconnu par l'Onu? Pourquoi jeter un tel pavé dans les préparatifs de la conférence et blesser inutilement le peuple marocain et ses dirigeants tout en mettant le Japon dans une position inconfortable alors qu'il avait exprimé d'avance son désaccord quant à cette initiative? », s'interroge la diplomate tunisienne Sémia Zouari, dans une chronique pour le site local Kapitalis. Une « douche froide », « trop d'amateurisme » qualifie encore la diplomate qui mentionne que le président tunisien n'est est pas à son premier « couac » en termes de politique étrangère actuelle: « Allons-nous nous aliéner tous nos alliés traditionnels en multipliant les impairs voire les déclarations excessives et inconsidérées? ». Lire aussi : Brahim Ghali reçu par Kaïs Sayed, le Maroc annule sa participation au sommet de la TICAD « Si tous les Tunisiens sont fiers de l'amitié et de la solidarité entre la Tunisie et l'Algérie ils sont également convaincus qu'elles doivent être préservées, dans le cadre du respect mutuel et non induire une satellisation de la Tunisie aux dépens de ses relations avec un autre pays frère », martèle Zouari, appelant urgemment « à rectifier le tir (…) pour sauver notre pays et pour sauver Kaïs Saïed de lui même ». De son côté, l'homme politique tunisien Mohsen Marzouk a réagi sobrement sur sa page Facebook par ses quelques mots: » une faute grave qui n'était pas nécessaire ». « Des relations historiques saccagées », regrette de son côté le juriste tunisien Chedly Mamoghli dans une chronique pour le même média cité plus haut. « En invitant le chef du front Polisario pour prendre part au Ticad 8 (…), et en lui réservant un accueil présidentiel, le président Kaïs Saïed a mis fin à la neutralité historique de la Tunisie sur le très sensible dossier du Sahara occidental, opposant le Maroc et l'Algérie, deux pays frères et voisins de la Tunisie, et provoqué par là même un nouvel incident diplomatique dont notre pays, qui traverse une grave crise et a besoin de l'amitié de tous, se serait bien volontiers passé », analyse le juriste. Lire aussi : Sahara: Tunis rappelle à son tour son ambassadeur au Maroc Et de réitérer: « De quel droit se permet-il de mettre fin à la neutralité historique du très sensible dossier du Sahara occidental et ainsi de saccager une tendance lourde de notre politique étrangère? Et en plus, en agissant de la sorte, il fait de la Tunisie un vassal de l'Algérie. (…) L'Algérie est un pays frère et ça doit le rester mais hors de question d'être son vassal. Et le Maroc aussi est pays frère! ». Il conclue en rappelant que le royaume a d'autant plus toujours fait preuve de soutien et de fidélité à la Tunisie ces dernières années (délégations officielles marocaines envoyées à plusieurs reprises, pont aérien pendant la crise du covid pour aménager à Manouba un hôpital de campagne avec l'armée marocaine, plusieurs visites du souverain) ainsi qu'à l'époque de feu Hassan II. Ce dernier avait ainsi déclaré dans une interview que si la Tunisie était attaquée, le Maroc s'engagerait militairement à ses côtés.