Avant cinq ans, «les autorités mozambicaines ont voulu imposer dans cette réunion [le sommet ministériel Afrique-Japon] la présence de l'entité chimérique qui n'a pas été invitée par la partie japonaise». En 2022, on peut reprendre les mêmes mots, avec un petit changement : «les autorités tunisiennes veulent imposer dans cette réunion [le sommet ministériel Afrique-Japon] la présence de l'entité chimérique qui n'a pas été invitée par la partie japonaise». Derrière cette manœuvre : un régime algérien essouflé, à bout de course, au point d'obliger le chef d'Etat tunisien à recevoir le chef malade du Polisario, Brahim Ghali, lequel a emprunté un avion algérien. Faut-il rappeler la position japonaise ? allons-y : Dans un courrier adressé à la Commission de l'Union africaine, en 2017, le Japon a non seulement refusé la présence du Polisario audit événement, mais il a rappelé que «le 'Sahara occidental' n'avait jamais été invité aux réunions passées de la Ticad, que ce soit au Japon ou en Afrique». Malgré cela, l'Algérie impose l'intrus polisarien là où il n'est jamais le bienvenu. La Tunisie prise en otage L'été 2021, le Maroc a annoncé l'envoi d'une «aide médicale d'urgence» à la Tunisie en proie à une recrudescence de la pandémie de coronavirus. Cette décision fait suite à des instructions royales après «l'aggravation de la situation épidémiologique en Tunisie (…) pays maghrébin frère», a-t-on précisé. Quelques semaines après, l'étrange abstention de la Tunisie lors du vote de la résolution 2602 du Conseil de sécurité de l'ONU prolongeant le mandat des forces d'interposition de l'ONU n'a pas fini d'interpeller. Membre non-permanent du Conseil, la Tunisie a été l'un des deux pays (avec la Russie), sur quinze participants, à se distancier d'un texte qui n'est pourtant qu'une formalité. Au cours de sa campagne électorale, en 2019, Kais Saied avait promis que l'Algérie serait sa première escale étrangère. Beaucoup ont considéré étrange qu'un président qui revendique les valeurs de la révolution de 2011 doive rencontrer en premier lieu Abdelmadjid Tebboune, mal élu lors d'un scrutin contesté, et considéré comme illégitime par le mouvement populaire inédit contre le régime en Algérie, durement maté par le régime en place en Algérie. Saied ne s'était pas rendu à la prestation de serment de M. Tebboune, mais la relation entre les deux hommes a pris une tournure s'apparentant à l'asservissement le plus total du président tunisien aux caprices de son homologue algérien. Mi-décembre 2021, le président Kaïs Saïed a ratifié par décret un protocole relatif à l'octroi par l'Algérie à la Tunisie d'«un prêt d'un montant de 300 millions de dollars», soit 266,2 millions d'euros. Selon plusieurs sources dignes de foi, la Tunisie n'a jamais eu cet argent. En quête de financements internationaux pour sortir d'une crise économique d'une grande gravité, la Tunisie est incapable de mettre en œuvre «des réformes très profondes» réclamées par le FMI alors que le pays vit «sa plus grave récession depuis l'indépendance» (en 1956). L'Algérie profite d'un voisin dont «les déficits budgétaires et une dette publique (près de 100% du PIB fin 2021) se sont aggravés» pour le mettre en coupe réglée. Les autorités algériennes profitent de plusieurs leviers pour enchaîner la Tunisie : la lutte antiterroriste, contre les groupes armés opérant dans les régions montagneuses frontalières, le gaz naturel et le commerce extérieur. Le régime algérien, qui se nourrit des malheurs de la Tunisie, a gardé ses frontières terrestres fermées avec la Tunisie, et n'ont été rouvertes que récemment. Résultat : le secteur du tourisme en Tunisie s'est effondré à la suite de cette fermeture, puisqu'avant la pandémie du coronavirus, plus de trois millions d'Algériens se rendaient annuellement en Tunisie. Un président manipulé ? La Constitution très controversée proposée le 25 juillet par le président tunisien Kaïs Saïed, auteur d'un coup de force été 2021, a été adoptée malgré les vives contestations de l'opposition. La nouvelle loi fondamentale, qui renforce nettement les prérogatives du chef de l'Etat qui gouverne désormais seul, a été approuvée par seulement 2,6 millions de personnes avec un taux faible de 30,5 %. Les défenseurs des droits de l'Homme qui ont mis en garde contre un danger de retour de la dictature avec la nouvelle Constitution omettent un seul détail : c'est le régime algérien qui a inspiré à Saied cette manœuvre. Le nouveau texte ne prévoit pas de procédure de destitution du président. Si la Tunisie officielle approuve les injonctions algériennes, cela signifierait que la Tunisie a abandonné sa position traditionnelle dite de «neutralité positive» à propos du Sahara, au risque de compromettre sa position d'acteur maghrébin aux positions réputées équilibrées.