Bruce Maddy-Weitzman est historien et politologue spécialiste des régions du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Professeur à l'université de Tel-Aviv, il commente pour H24Info la visite, une première, du chef d'état-major de l'armée israélienne, au Maroc. H24Info: Quelle lecture faites-vous de la visite du chef d'état-major de l'armée israélienne au Maroc, une première? Bruce Maddy-Weitzman: Cette visite marque une nouvelle étape dans l'histoire des relations entre le Maroc et Israël. Elle constitue une confirmation claire et publique du saut qualitatif de ces relations qui se sont développées au-delà de toutes les espérances au cours de l'année dernière. Ce n'est un secret pour personne que les deux pays collaborent en matière de défense et de sécurité depuis des décennies. Mais, maintenant, la visite de Kovachi au Maroc n'est pas juste pour le show. Les liens entre les deux pays vont être consolidés et étendus à de nouveaux domaines. Certains analystes font le lien entre cette visite au Maroc et l'axe USA-Israël contre l'Iran, qu'en est-il d'après vous? Là aussi, tout le monde sait que le Maroc s'oppose aux ambitions régionales de l'Iran et dans ce sens il rejoint Israël et d'autres partenaires parmi les pays arabes en plus des Etats-Unis. Cela dit, cette visite est importante par elle-même et ne saurait être directement liée aux menaces que fait peser Téhéran sur la région. Lire aussi. Le chef d'état-major de l'armée israélienne attendu au Maroc ce lundi 18 juillet De toutes les manières, le Maroc évite tout engagement militaire qui n'implique pas son environnement immédiat et on l'a vu quand le Royaume a refusé de répondre à l'appel de l'Arabie Saoudite pour combattre les Houthis au Yémen, soutenus par l'Iran. Il est aussi question du début d'une industrie militaire et de la défense au Maroc. Quel pourrait être l'apport d'Israël dans ce sens? Il est d'abord certain qu'Israël peut apporter son expertise dans l'amélioration des systèmes déjà existants et opérationnels. Le Maroc, évidemment, est intéressé par le développement d'une industrie militaire et le transfert du savoir-faire israélien. L'Algérie, pays voisin, regarde toujours d'un mauvais œil les visites d'officiels israéliens au Maroc. Pourquoi à votre avis? L'Algérie s'est engagée, et sans relâche pendant un demi-siècle, dans une guerre géopolitique et idéologique contre le Maroc. Israël s'est rangé du côté du Maroc avec un précieux appui depuis la Guerre des sables en 1963. Tout ce qui apporte un plus pour la puissance militaire du Maroc est considéré comme étant dommageable pour l'Algérie. Ce pays a depuis toujours soutenu la ligne dure des nationalistes arabes contre Israël. Lire aussi. Maroc-Israël: Tel-Aviv remercie les USA pour leur rôle dans les Accords d'Abraham Actuellement, le régime algérien souffre d'un grand déficit de légitimité comme cela a été démontré par les protestations massives du Hirak en 2019. L'une des dérobades de ce régime pour gérer son manque de légitimité est justement de gonfler les supposées menaces que représenterait le rapprochement entre le Maroc et Israël. Le régime algérien n'est-il pas allé jusqu'à accuser les militants Kabyles de connivence avec Israël? C'est de cette manière aussi que ce régime essaie de justifier sa politique de répression en essayant en même temps d'arracher un semblant de soutien populaire.