C'est une année exceptionnelle. Le changement climatique est une réalité largement admise. La température et les modèles météorologiques subissent des variations à long terme. Et en tant que pays d'Afrique du Nord qui se situe entre deux zones climatiques, le Maroc subit de plein fouet le réchauffement planétaire. Eclairage. Le Maroc suffoque. Les premières manifestations du changement climatique sont déjà visibles et se matérialisent par une perturbation du régime des précipitations moyennes et par l'augmentation de la température moyenne. Alors que les températures atteignent des records depuis plusieurs jours sur la quasi-totalité des régions du pays, la vague de chaleur va durer encore plusieurs jours. La raison est simple. Le royaume est situé dans l'une des régions les plus arides de la planète qui subissent de plus en plus l'amplification et l'augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes (sécheresses et inondations), la dégradation des écosystèmes, la raréfaction des ressources en eau, le développement de maladies émergentes ou, encore, la migration forcée des populations. Un climat qui change « En 2022 au Maroc, la température a augmenté de 1,5°C par rapport à la normale en moyenne si nous comptant l'ensemble des régions du pays. Mais le chiffre varie en fonction de la ville en question. Ceci impacte l'approvisionnement en eau potable qui a à son tour affecte la biodiversité, etc.», explique Mohamed Benabbou, climatologue et expert en développement durable. Pire, la situation ne semble pas vouloir prendre fin dans les jours à venir. Car selon le climatologue, les dernières études du GIEC prévoient une augmentation considérable de la température à l'horizon 2100, selon les régions. Par exemple dans les zones oasiennes, la hausse sera de l'ordre de 1 à 2,2°C, avec une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur estivales de 15 à 25 jours par an. « Avant, les vagues de chaleur avaient lieu occasionnellement et ne dépassaient pas généralement les trois jours. Aujourd'hui, c'est plus récurent et ça touche aussi les villes se trouvant dans la montagne qui normalement sont censées être plus au moins froides », explique l'expert. Lire aussi. Les abeilles souffrent du changement climatique, avertissent les professionnels français Le record des températures affiché au mois de juillet 2021 est atteint par la vague actuelle : entre 45°C et 48°C. Mais, au-delà de ces périodes, la tendance est à la hausse. Dans les villes les plus touchées, les températures ont dépassé la moyenne mensuelle de 5 à 12 degrés. La direction de la météorologie a ainsi annoncé des pics de chaleur atteignant 45 °C à Sidi Slimane et Marrakech en début de cette semaine. Durant le week-end de l'Aïd, les températures dépassaient même 48 °C à Taroudant et Es-Smara. Pareillement, le dernier rapport du GIEC du mois de juin dernier, avait souligné que le bassin méditerranéen comprenant plusieurs pays qui s'y trouvent, dont le Maroc, fait face à un ensemble de changements climatiques dépassant de 20% la dérégulation climatique au Pôle nord, à l'instar de la multiplication des feus de forêts. « La rareté de l'eau ou le stress hydrique auxquels fait face le royaume touche aussi l'Espagne, l'Italie, la France, l'Algérie, la Tunisie ou encore le Portugal. Ces pays du pourtour méditerranée ont les mêmes spécificités géographiques que le Maroc. La même canicule les touche donc tous en ce moment aussi », fait savoir Mohammed Benabbou. Une contribution humaine Vers la fin des années 1970, la diminution des précipitations a commencé à être constatée au niveau de l'Afrique du Nord, de l'Afrique de l'Ouest et de l'Europe du Sud-Ouest. Cette diminution a commencé au Sahel vers les années 1975-1980, avant de se déplacer en Afrique du Nord, et de s'installer aussi au Sud de l'Europe vers le milieu des années 1980, principalement en Europe du Sud-Ouest. En 1988, et depuis la création du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ndlr.), les rapports ont démontré qu'il s'agissait plutôt d'une période de réchauffement climatique mondiale et que l'être humain y est pour beaucoup. Les activités humaines sont responsables du réchauffement climatique, ce qui a pour conséquence de démultiplier l'effet de serre, en particulier à cause de l'utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Celles-ci provoquent artificiellement l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et, par conséquent, accentuent le réchauffement de notre planète. Lire aussi. Même les cactus redoutent le réchauffement climatique « Depuis 1992, lorsque la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), aussi connue sous le nom de Sommet Planète Terre a eu lieu à Rio de Janeiro, avec la succession des différents Sommets et Cop sur l'environnement, plusieurs conférences ont prouvé que le réchauffement climatique est bel bien présent. Il est principalement causé par les humains et son activité industrielle, comprenant les six principaux gaz à effet de serre », détaille Mohammed Benabbou. Ainsi, le Maroc s'est inscrit dans l'effort international visant la lutte contre le changement climatique par la signature en 1992 et la ratification en 1995 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Il a aussi ratifié le Protocole de Kyoto en 2002 et l'Accord de Paris en 2016. Le Maroc se prononce ainsi pour la poursuite conséquente de la mise en œuvre de l'Accord de Paris qui a prévu dans son Article 4, la communication d'une Contribution Déterminée au niveau National (CDN) tous les cinq ans à partir de 2020. Et en 2020, il a entamé la révision de sa (CDN) présentée au Secrétariat de la (CCNUCC) le 19 septembre 2016. Cette dernière comprend la planification climatique. Au niveau national, le Maroc a déjà élaboré son Plan Climat National 2020-2030 (PCN) qui vise à asseoir les fondamentaux d'un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique alors que le Plan National d'Adaptation (PNA) est en cours de finalisation. Et dans le cadre de la déclinaison de sa politique climatique au niveau territorial, le Ministère de l'Energie, des Mines et de l'Environnement est en train de doter toutes les régions des Plans Climats Régionaux (PCR) tout en capitalisant sur le processus de la régionalisation avancée. En 2020, des études pour l'élaboration de 7 Plans Climats Régionaux ont été lancées au profit de plusieurs régions du Maroc. Un avenir pas très radieux « Selon les experts en climatologie, la part d'eau pour chaque citoyen est en constante recrudescence. Avec seulement 600 mètres cubes d'eau par habitant et par an, le Maroc se situe largement sous le seuil de la pénurie hydrique. À titre de comparaison, la disponibilité en eau était quatre fois supérieure à 2 600 m3 dans les années 1960 », révèle Mohammed Benabbou. D'après l'expert, les différents climats des villes du Maroc (un peu plus humide dans le Nord, etc.) changeront dans les années à venir et ne seront plus le même. Lire aussi. Environnement: bientôt cinq stations de traitement des eaux usées à Casablanca D'après les propos de notre interlocuteur, cette année annonce d'ores et déjà la couleur. L'émission des gaz à effet de serre dont le CO2 a dépassé dans le monde le seuil 400 ppm. Les experts du GIEC estiment qu'avec cette teneur et au-delà, l'élévation de la température de la Terre ne pourra sans doute pas être limitée à 2°C à la fin du siècle, à cause de l'effet de serre associé à ce gaz. « La montée des eaux marines n'est quant à elle pas très constatée au Maroc mais est déjà palpable dans d'autres endroits, puisque nombre d'îles devraient disparaître dans les années à venir », alerte le climatologue. Mais les facteurs qui déterminent le climat sont très nombreux et variés, ne se limitant pas au simple effet de serre. Ils s'influencent souvent les uns les autres, ce qui rend la modélisation du climat d'une grande complexité et donc les prévisions encore imprécises. « Cependant, tous les scénarios développés prévoient à l'horizon de la fin du siècle une augmentation de la température de 1,4 à 6 °C, ce qui posera de nombreux problèmes à l'Humanité et affectera toute la biosphère », déclare l'expert en climatologie. La limitation de l'émission desdits gaz dans l'atmosphère, en particulier par l'abandon des combustibles fossiles, devrait être un impératif qui malheureusement semble très loin d'être réalisé au vu de l'échec des grandes conférences internationales sur le climat. « Le continent africain en entier ne dégage que 4% des gaz à effet de serre. Même si le Maroc n'en émet que 0,7% comparé à la Chine (30%) ou aux Etats-Unis (15%), il a tout de même fait partie des 49 pays à travers le monde ayant contribué aux plans internationaux sur le climat », explique notre source. Pour lui, l'optimisation reste possible, surtout au regard de la panoplie d'options d'adaptation disponibles. Il s'agit notamment de la diversité économique, l'agriculture économe en eau, l'agroforesterie, une gestion appropriée des ressources en eau et surtout la sensibilisation. Il ajoute que le Maroc ne doit pas dépendre uniquement des pluies puisque la projection médiane des changements de précipitations annuelles totales montre une baisse de 25% d'ici 2100, avec des variations allant de moins 48% à 10%. Lire aussi. La COP26, « dernier espoir » de limiter le réchauffement à +1,5°C « Le royaume œuvre au sens de l'énergie renouvelable. Lorsque nous voyons la station de dessalement des eaux de Chtouka fonctionner avec l'énergie éolienne, ceci ne peut que nous réjouir. C'est déjà un grand pas. Car si nous voulons combattre le réchauffement climatique, il faut s'ouvrir aux énergies renouvelables et faire baisser davantage (soit plus que ce que 45%) de notre production desdits gaz », conclut l'expert.