Le Kawkab de Marrakech est relégué en troisième division après avoir terminé lanterne rouge de la Botola 2. Comment le cinquième club le plus titré du royaume en est arrivé là? Flashback. Lundi 13 juin, des dizaines de membres des « Crazy boys », nom donné aux ultras du Kawkab de Marrakech, organisent un sit-in devant le siège du KACM situé dans le stade d'El Harti en plein centre de la ville ocre. « Nous demandons à ce que nos pseudo-dirigeants démissionnent maintenant», crie à tue-tête le capo du groupe devant les acclamations de la foule gonflée à bloc après que leur club de cœur aie fini la saison à la dernière place du classement de la Botola 2, synonyme de relégation en troisième division. Du jamais vu pour ce que club considéré comme un monument du football marocain. Le Kawkab de Marrakech n'a pu totalisé que vingt-quatre points en trente journées de championnat, finissant à dix point du TAS de Casablanca, quinzième. Un bilan révélateur de la situation dans laquelle se trouve le club, qui souffre depuis une quinzaine d'années d'une mauvaise gestion aussi bien financière que sportive de la part de ses dirigeants. Incompétence des dirigeants « Le Kawkab a surtout souffert d'un problème de management. Les hommes qui ont dirigé le club durant ces dernières années sont incompétents, manquant de vision à long et moyen-terme et ont tendance à privilégier leurs intérêts personnels au détriment de ceux du club », estime le spécialiste en politiques sportives Moncef El Yazghri. Même constat de la part de l'ancien entraineur du club Abdelkader Youmi, pour qui la direction du KACM était dépourvue d'un projet sportif clair. «Alors que le club dispose d'une académie, les dirigeants préfèrent acheter des joueurs en provenance d'autres clubs qui coûtent beaucoup d'argent à la trésorerie. Idem concernant les entraineurs, ces derniers ne terminent jamais leur mandat comme prévu dans leurs contrat, ce qui oblige le club à leur verser d'énormes indemnités», explique celui qui a mené le Kawkab au sacre continental en 1996. Lire aussi: Le Kawkab de Marrakech, club au riche palmarès, relégué en troisième division Le Kawab est en effet un club bardé de trophées. C'est le cinquième club le plus titré du royaume. Fondé en 1947, le KACM est né à une époque où le Maroc vivait sous protectorat franco-espagnol. Sans jamais cacher ses idéaux nationalistes, le KACM a brillé footballistiquement « bien avant l'indépendance puisqu'il a longtemps évolué en première division sous l'occupation française », rappelle Moncef El Yazghi, qui ajoute que « c'est le seul club à avoir ensuite remporté trois Coupes du trône d'affilée » dans les années 1960. Un exploit jamais réédité depuis. Le club brillera de nouveaux à partir des années 80, avec l'arrivée à sa tête de Mohammed Mediouri, qui fera passer le Kawkab dans une autre dimension. Mediouri, les années fastes Nous sommes en 1984, Marrakech est le théâtre de violentes émeutes initiées par la jeunesse. C'est alors que le pouvoir se rend compte de l'importance d'occuper une jeunesse rongée par le chômage et l'absence de perspectives. Hajj Mohammed Mediouri, alors chef de la sécurité du roi Hassan II, est propulsé à la tête du Kawkab de Marrakech. Le club va alors vivre ses années les plus fastes. Réduire l'éclosion du KACM des années 1980-1990 à la seule influence politique qu'aurait pu avoir Mohammed Mediouri n'est en réalité pas vrai. Car ce proche du roi Hassan II a révolutionné son club en le dotant d'une vision long-termiste. Un club qu'il a managé comme une entreprise. « Sous Mediouri, le KACM était le premier club à faire appel au sponsoring sur les maillots de l'équipe. Je me souviens qu'en 1986, alors que les joueurs de l'équipe jouaient un match de première division avec leur sponsor affiché sur le maillot, l'arbitre de la rencontre avait failli faire annuler le match ne sachant si l'affichage des sponsors sur les tuniques était autorisé », se souvient Moncef El Yazghi, qui estime que le KACM avait entamé son virage vers le professionnalisme bien avant que cela ne devienne la règle. « Sous Mediouri, le club s'était doté d'une véritable stratégie financière. La direction avait souhaité créer une marque KACM en ouvrant des boutiques aux abords du stade El Harti pour vendre maillots et autres drapeaux estampillés Kawkab », abonde Abdeklader Youmir. Côté sportif, le Kawkab vivait ses années les plus fastes (si l'on excepte la période allant de la création du club aux années 1960). Une période marquée notamment par la victoire pour la bande à Tahar Lakhlej de la Coupe de la CAF, en 1996, face à la meilleure équipe africaine de l'époque, l'Etoile sportive du Sahel. « Il faut savoir qu'à l'époque, l'Etoile sportive du Sahel était l'équipe de Slim Chiboub, un homme très proche du président tunisien de l'époque, Zinelabidine Benali », rappelle Youmir, qui se souvient comment ses poulains avaient renversé la tendance alors qu'ils avaient perdu 3 à 1 à l'aller avant de l'emporter par deux buts à zéro sur la pelouse du stade El Harti. Ahmed El Bahja, Tahar Lakhlej, Hicham Dmii, Adil Ramzi, El Hardoumi, Youssef Mariana. Le Kawkab de Marrakech regorgeait de pépites, qui pour la plupart étaient des Marrakchis de naissance. Ces joueurs étaient le miroir de la jeunesse de la ville qui se projetait dans les exploits de leurs idoles. « C'est dommage que le club ne fasse plus confiance aux jeunes de la ville et s'entête à recruter des joueurs de 34, 35 ans en provenance d'autres villes », se désole Moulay Mamoun Boufares, ancien gouverneur de Marrakech. Ce dernier, grand amoureux du « Koukab », en veut particulièrement aux dirigeants « qui n'ont pas fait confiance aux jeunes ». « C'est triste aujourd'hui pour une ville aussi importante que Marrakech de ne pas briller en première division. Ce club est très populaire auprès de la jeunesse de la ville. C'est vraiment un gâchis », déplore-t-il. Ce ne sont pas les « Crazy boys » qui diront le contraire. Palmarès du Kawkab De Marrakech * Champion de 1ère division (1958, 1992) * Vice-champion de 1ère division (1955, 1957, 1963, 1987, 1988, 1998 et 1999) * Vainqueur de la Coupe du Trône (1963, 1964, 1965, 1987, 1991 et 1993) * Finaliste de la Coupe du Trône (1962, 1997) * Vainqueur de la Coupe de la CAF (1996) *