Le ministre de la Culture Mehdi Bensaid a assuré dimanche que le riad Ibn Khaldoun, au cœur d'une polémique depuis une semaine concernant sa mise en vente, n'a pas été habité par le savant arabe. Des propos corroborés par l'association des guides touristiques de la région. Le sujet fait polémique depuis une semaine sur les réseaux sociaux. Un riad, où aurait habité Ibn Khaldoun lors de son passage à Fès, aurait été mis en vente récemment, suscitant l'incompréhension des internautes. «La maison d'Ibn Khaldoun, le fondateur de la sociologie, est à vendre à Fès, et le pire, c'est que le ministère de la Culture s'en moque malgré l'importance historique de cette personnalité», déplorait notamment le compte Histoire du Maroc sur Twitter. منزل ابن خلدون مؤسس علم الاجتماع معرض للبيع بمدينة فاس، والأسوء في الأمر أن وزارة الثقافة لا تهتم بالأمر رغم أهمية الشخصية تاريخيا مثل هذه المعالم التاريخية يجب الاهتمام بها . pic.twitter.com/go89T9ZZxW — Histoire Du Maroc (@histoire_maroc) October 18, 2021 Mais à en croire le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, l'historien n'a en réalité pas habité ce riad. « Cela fait une semaine que le sujet fait débat sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes m'ont envoyé cette photo. Nous avons demandé à la direction régionale de la Culture de faire une enquête sur la maison en question. Un premier rapport a été réalisé démontrant que cette maison n'est pas celle de Ibn Khaldoun et qu'elle a été plutôt construite dans le 19e siècle. C'est une époque de la dynastie alaouite alors que Ibn Khaldoun a vécu du temps des Mérinides », a expliqué Mehdi Bensaid, dimanche soir, sur 2M. Selon le ministre, un second rapport ordonné a abouti aux mêmes conclusions. «En même temps, nous avons demandé aux responsables de conserver la beauté de ce riad de la médina de Fès, même s'il n'est pas celui de Ibnu khaldoun », a fait savoir Mehdi Bensaid. المهدي بنسعيد ، وزير الشباب والثقافة والتواصل يوضح في برنامج #مع_الرمضاني حقيقة قصة « بيع منزل ابن خلدون » والتدابير المتخذة من لدن الوزارة pic.twitter.com/Ph9Lg1LPbs — 2M.ma (@2MInteractive) October 24, 2021 Né 1332 à Tunis et mort à en 1406 au Cair, Ibn Khaldoun, historien, économiste, géographe, démographe est surtout considéré comme le précurseur de la sociologie moderne. Selon le géographe français et natif de Fès Yves Lacoste (auteur de Ibn Khaldoun. Naissance de l'Histoire, passé du tiers monde) et l'ancien ministre et professeur algérien Smail Goumeziane (auteur de Ibn Khaldoun (1332-1406) – Un génie maghrébin), le célèbre savant serait venu à Fès entre 1354 et 1355 sur une invitation du sultan Abou Inan Faris. Il devient même son secrétaire particulier. Si le riad en question date du 19e siècle, Ibn Khaldoun n'y aurait donc jamais mis les pieds. « Le ministre a raison. Toute personne qui veut donner une certaine valeur à un bien dans la médina raconte que tel l'a habitée ou utilisée », soutient Hassan Janah, président l'Association provinciale des guides touristiques de Fès. Pour ce dernier, « le passage d'Ibn Khaldoun, tout comme celui d'Ibn Battuta à Fès n'est documenté par aucune référence scientifique proprement dite. Nous savons qu'ils ont été de passage à Fès, mais il n'y a pas assez d'éléments pour nus renseigner sur leurs passages. Hassan Janah assure que plusieurs informations erronées similaires circulent en matière d'histoire. Un exemple : « Pas loin de cette maison attribuée à Ibn Khaldoun, en remontant l'allée vers Boujloud, il y a la Médersa Bou Inania (ndlr, école coranique construite entre 1350 et 1357 pour le sultan Abou Inan Faris, sous la dynastie des Mérinides). Juste en face, il y a la Magana ou la clepsydre (horloge hydraulique) et derrière, on voit une maison qu'on attribue à tort à Maimonide (rabbin, philosophe, métaphysicien et théologien) qui est mort en 1204, soit bien avant la construction de la Madérsa. En réalité, Il n'y a jamais habité ». Autre exemple à Tanger : « De ce que l'on sait, Ibn Battuta est enterré à Fès. Mais un ami associatif m'a signalé qu'à Tanger, il y a une tombe avec le nom Ibn Battuta écrit dessus », regrette encore Hassan Janah.