Un rapport de Human Rights Watch révèle que des soldats birmans ont pratiqué des viols systématiques, souvent collectifs, depuis le mois d'août mais aussi d'octobre à décembre 2016. Assurant qu'il s'agit de crimes contre l'humanité, l'ONG demande des sanctions internationales contre la Birmanie. Les forces de sécurité birmanes ont violé des centaines de femmes et filles rohingyas, selon un rapport de Human Rights Watch publié ce jeudi. Depuis août 2017, l'armée birmane a poussé plus de 600.000 personnes de cette minorité musulmane à fuir l'Etat de Rakhine vers le Bangladesh voisin. «Le viol a été un outil important et dévastateur dans la campagne de nettoyage ethnique de l'armée birmane contre les Rohingyas», a dénoncé Skye Wheeler, auteur du rapport. Les auteurs du rapport intitulé «Mon corps n'était plus que douleur»: Violences sexuelles systématiques contre les femmes et filles rohingyas en Birmanie», se sont entretenus avec plus de 200 personnes (survivants, témoins et humanitaires). Ils ont documenté deux vagues d'attaques des forces birmanes contre des Rohingyas entre le 9 octobre et le mois de décembre 2016, et à partir du 25 août 2017. Les organisations humanitaires qui travaillent sur place ont fait état de centaines de victimes de viol par des soldats et policiers birmans. Mais elles seraient bien plus nombreuses. Une part des victimes qui ont parlé «ont ensuite été tuées». Pour les autres, un «sentiment de honte», des «salles d'urgences de cliniques surpeuplées et offrant très peu d'intimité», les empêche de se livrer. «Les deux tiers des victimes de viol interrogées n'avaient pas informé les autorités ou les organisations humanitaires de leur viol», précise le rapport. À une seule exception près, tous les viols qui ont été signalés à Human Rights Watch étaient collectifs. Les victimes affirment qu'elles ont été réparties en plusieurs groupes, puis violées. Certaines ont même décrit avoir assisté aux meurtres de leurs enfants, époux ou parents par des militaires, avant de subir un viol. Les conséquences sont dévastatrices pour ces femmes qui «souffrent de profonds traumatismes psychiques et psychologiques», affirme Skye Wheeler, chercheuse sur les situations d'urgence auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch, et auteure du rapport. Violée par dix militaires, une mineure de 15 ans raconte que, quand ils l'ont retrouvé, son frère et sa soeur ont cru qu'elle était morte. Les victimes «ne reçoivent pas les soins médicaux dont elles ont besoin», pointe le rapport. En conséquence, elles souffrent notamment d'infections vaginales très graves qui pourraient même conduire à leur mort. Les autorités birmanes ont déjà rejeté les accusations de viols. En septembre, le ministre de la sécurité des frontières de l'Etat de Rakhine avait démenti ces informations: «Où sont les preuves? Regardez-les ces femmes qui portent ces accusations – est-ce que quiconque aurait envie de les violer?». Fin 2016 déjà, le gouvernement birman avait rejeté les preuves de viols généralisés fournis par Human Rights Watch, assurant qu'il s'agissait de «faux viols». Par ailleurs, «de nombreuses enquêtes partiales et mal conduites dans l'Etat de Rakhine leur ont permis de rejeter dans une large mesure les allégations concernant ces abus», précise le rapport. Une «campagne de nettoyage ethnique» Fin septembre, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, réuni pour évoquer la situation dans l'ouest de la Birmanie, le secrétaire général, Antonio Guterres, avait qualifié l'exode des Rohingyas de «cauchemar humanitaire». Depuis, la situation ne s'est pas améliorée. Le Bangladesh réfléchit même à une campagne de stérilisations volontaires pour limiter l'explosion démographique dans les camps, où s'entassent près d'un million de réfugiés. Quelque 20.000 femmes rohingyas seraient actuellement enceintes et 600 auraient accouché depuis leur arrivée au Bangladesh, selon un décompte des autorités. Par ailleurs, les Rohingyas sont également devenus les proies de trafiquants et certaines femmes sont droguées et vendues comme prostituées, selon l'Organisation internationale pour les migrations. Human Rights Watch a constaté que les meurtres, viols, arrestations arbitraires et destructions d'habitations équivalaient à des crimes contre l'humanité au regard du droit international. Par ailleurs, les preuves que ces actes représentent un «génocide contre la population rohingya ne cessent de s'accumuler», est-il écrit dans le rapport, qui fait notamment état de victimes égorgées ou brûlées vivantes. Human Rights Watch demande au Conseil de sécurité de l'ONU, et aux gouvernements que cette situation préoccupe, d'imposer un «embargo total sur les armes à destination de la Birmanie». Elle réclame également que soit saisie la Cour pénale internationale.