C'est le retour aux sources pour Mouna Saboni. La photographe franco-marocaine consacre son premier projet de résidence à son pays d'origine, le Maroc,. Dans « Traverser », l'artiste interroge à travers son travail une mémoire personnelle, intimement liée au territoire et en apposant sur certaines de ces images une calligraphie arabe, elle fait résonner son parcours, influencé par les deux rives de la Méditerranée. Entretien avec cet artiste qui nous dévoile un univers fait d'authenticité et de poésie. D'où vous est venue l'idée de faire cette résidence au Maroc et quel a été votre objectif en y participant? J'ai découvert la résidence Jardin Rouge de la Fondation Montresso en juin 2018 alors que j'avais déjà prévu de réaliser ce projet au Maroc. Je leur ai donc envoyé un dossier de candidature dans l'espoir de pouvoir le développer au sein de la résidence. Pour moi c'était une occasion unique car d'une part la résidence se situait à Marrakech et cela me permettait de continuer à réaliser des images sur le territoire et, d'autre part, Jardin Rouge permet de bénéficier d'un temps et d'un lieu de recherche et de travail qui m'étaient indispensables pour pouvoir mener à bien ce projet car je ne savais pas encore quelle forme finale il allait prendre avant d'entrer à la résidence, j'avais besoin d'expérimenter différents procédés. C'est le temps et surtout l'accompagnement proposé par Jardin Rouge qui m'ont permis de pouvoir présenter ce nouveau travail de manière aboutie, sous la forme que l'on peut découvrir aujourd'hui dans l'exposition. Quelles ont été vos premières impressions lors de votre périple au Maroc? Ce retour au Maroc, cette traversée du territoire du nord au sud a été très forte pour moi. Cela faisait plusieurs années que je n'étais pas venue mais surtout très longtemps que je n'avais pas traverser le territoire de cette manière, comme nous avions l'habitude de le faire en famille lorsque j'étais enfant. Cela a évidemment fait remonter des souvenirs d'enfance mais m'a également permis de réaliser plus concrètement l'importance qu'avait ce territoire dans mon histoire personnelle, de quelle manière il formait mon identité. Le fait de réaliser ce projet sur plusieurs mois m'a ensuite permis de me détacher d'un rapport au Maroc qui tenait du passé et d'en construire un nouveau, d'une certaine manière d'ouvrir un nouveau chapitre de mon histoire. Quels ont été les moments forts de ce retour aux sources ? Il y a eu beaucoup de moments forts au cours de ce voyage mais je crois que peut-être le plus marquant en a été le début. Cette traversée en bateau de la mer Méditerrannée et l'arrivée sur le territoire. Le fait de venir de France en voiture et de traverser ainsi la France et l'Espagne puis le Maroc ajoute un rapport au temps et au territoire très spécifique. Je me souviens très bien des questionnements que j'avais en tête en commençant ce projet, j'étais un peu perdue, et c'est ce sentiment que j'ai tenté de retranscrire dans les deux première images de la série: celle du détroit de Gibraltar prise depuis la mer qui semble presque disparaitre dans la brume et sur laquelle j'ai apposé, comme un tourbillon, ce texte: "Et moi je ne sais plus où je me situe. Ici. Là-bas. Ailleurs. Nulle-part." qui se répète encore et encore. Ainsi que l'image de cette jeune femme où l'on peut distinguer en arrière plan une architecture spécifique au nord du Maroc et qui cache son visage de ses deux mains. Quels sont vos projets à avenir en rapport avec le Maroc ? Jardin rouge est une résidence qui fonctionne comme un laboratoire, un tremplin qui nous permet de mener à bien un projet. Maintenant que ce projet est réalisé je souhaiterai pouvoir le montrer en dehors de la Fondation Montresso et ce serait super de pouvoir le faire dans des lieux dédiés à l'art au Maroc. Je suis actuellement entre le Maroc et la France où je développe en ce moment d'autres projets notamment à Rennes et à Paris mais cette résidence m'a donné envie de poursuivre les techniques et les idées développées avec ce projet et je crois que j'aimerai le faire au Maroc.