Doter de Capital Humain qualifié les douze régions du Royaume dans différents secteurs d'activité, c'est ce que promet le chantier des "Cités des Métiers et des Compétences" (CMC). Ces nouveaux espaces de formation professionnelle, implantés au niveau régional ouvriront leurs portes aux premières inscriptions dès la rentrée 2021. De quoi redorer le blason de ce secteur, souvent considéré comme une voie de secours et non d'avenir. Cheffe de clan de cette réforme, Loubna Tricha, Directrice Générale de l'Office de la Formation professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT) répond à nos questions. La nouvelle offre de formation professionnelle engage plusieurs parties prenantes. Comment expliquez-vous cette nouvelle structuration ? Le point où le tripartisme apparaît est plutôt au niveau du Conseil d'Administration des "Cités des Métiers et des Compétences". Celles-ci sont dotées du statut de sociétés anonymes filiales de l'Office de la Formation professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT). Ces unités seront gérées par un conseil d'administration effectivement tripartite (professionnels, région, Etat) et présidé par un professionnel. La présidence est confiée au professionnel ayant le quota majoritaire de la carte de formation; les cités étant par définition multisectorielles, et de ce fait comprenant plusieurs professions au sein de la même cité. Quelle place pour le Digital dans les cursus dispensés ? Le digital est le secteur qui s'est confirmé comme « besoin » au niveau de toutes les régions. Toutefois, nous distinguons dans chacune des cités trois familles de métiers. Un socle traditionnel transverse comprenant les filières conventionnelles confirmées comme besoin dans le passé mais qui ne sont pas mortes aujourd'hui et dont le besoin continue à être présent aussi bien à court qu'au moyen terme, à savoir l'industrie de base, le génie mécanique et électrique, les métiers du BTP avec les différentes filières de gros œuvre et de second œuvre. La nouveauté à travers les CMC se manifeste dans l'offre de formation. Ces métiers traditionnels bénéficieront d'une restructuration en matière d'ingénierie de formation afin de les adapter à l'évolution du marché du travail. Les métiers de l'Industrie, à titre d'exemple, seront repensés dans un esprit de développement durable, les BTP obéiront aux exigences de l'efficacité énergétique, etc. Le 2e groupe de famille de métiers répond pour sa part aux spécifiés régionales. On a plus adressé chacune des régions (agricole, touristique) et essayé de réunir les besoins spécifiques au développement des écosystèmes économiques de ces dernières à travers une offre garantie par la cité. Le 3e groupe est consacré aux métiers de demain, au parchemin des deux dernières familles. Ces métiers représentent à la fois un besoin régional mais aussi un nouveau métier. L'exemple le plus parlant est encore une fois le digital, un segment où l'OFPPT n'était pas positionné auparavant. Les cursus proposés se cantonnaient au développement informatique, qui n'est qu'une sous famille des métiers du digital. Aujourd'hui, l'idée est d'adresser tous les métiers du digital avec les trois grandes familles de conception web, du web marketing et du développement web. Les métiers de la santé représentent également de nouveaux métiers. L'offre de la Formation Professionnelle n'adressait pas ce segment-là. Il est à souligner que les filières proprement dites n'ont pas encore été clairement arrêtées. Le déploiement n'est pas exhaustif sachant que l'offre des cités viendra compléter le dispositif d'ores et déjà existant. Le choix des filières reposerait par ailleurs sur les principes précités à savoir ceux relatifs aux spécificités régionales, d'une part, et à l'équilibre d'offre globale, d'autre part. Quel intérêt de rallonger le cursus au-delà de 2 ans ? Nos parcours vont jusqu'à 2 ans de formation. Aujourd'hui, dans le cadre de cette nouvelle feuille de route, nous avons choisi d'étendre cette période à 2 ans et 6 mois, voire 7 mois pour certains secteurs spécifiques, qui se caractérisent par une exigence haute en terme de compétences linguistiques et de soft skills, notamment le tourisme et les métiers de services tertiaires. Les Techniciens Spécialisés dans ces secteurs verront ainsi leurs parcours étalés afin de combler les lacunes en langue et en soft skills. L'image plutôt ternie de la formation professionnelle, considérée par certains comme une orientation de seconde zone, sera-t-elle redorée grâce aux CMC ? L'idée n'est pas de faire revivre un secteur mort. Aujourd'hui, c'est tout le Maroc qui entame une nouvelle ère. La formation professionnelle (FP) va devoir suivre. Il faut tenir compte de toutes les avancées réalisées depuis les années 80. La Formation Professionnelle a accompagné la première industrialisation du Maroc depuis sa création en 1974. Nous ne pouvons pas nier tout le chemin parcouru rien qu'en terme d'industrialisation et de développement des infrastructures. C'est forcément le fruit de la Formation Professionnelle. 70 % de la pyramide RH de toute entreprise étant faite des lauréats de la FP. Si ce chemin a été fait c'est que des efforts considérables ont été fournis. Quelles sont les mesures à mettre en place afin d'accompagner cet essor ? Nous avons accompli le premier cycle de développement, avec un objectif tracé de massification de l'offre de formation pour arriver à un dispositif qui offre actuellement 1 demi-million de places pédagogiques annuellement. Aujourd'hui, au vu des défis de développement que connait notre pays, il y a besoin de suivre la tendance en inaugurant une nouvelle ère de développement où le focus sera porté sur la qualité de la formation comme critère, tenant compte de la haute exigence des métiers d'avenir et aux besoins de les anticiper dès maintenant. Nous nous attelons à mettre l'accent sur l'apprentissage des langues et de soft skills, l'attention sera également portée sur des concepts pédagogiques modernisées à savoir le learning by doing, tout en faisant de l'acte de formation plus ludique et agréable pour l'apprenant, en adoptant des nouvelles technologies, via le recours au e-learning, aux entreprises virtuelles. C'est la convergence de tous ses atouts qui nous mènera vers de nouveaux standards d'apprentissage. Pour rappel, SM le Roi Mohammed VI a présidé, jeudi 04 avril 2019 au Palais Royal à Rabat, une séance de présentation de la feuille de route relative au développement de la formation professionnelle et à la création des "Cités des Métiers et des Compétences" dans chaque région du Royaume. Visant à valoriser les acquis du secteur de la formation professionnelle, à mettre à niveau l'offre du secteur et à restructurer les filières en fonction de leur pertinence sur le marché de l'emploi, cette nouvelle feuille de route relative au développement de la formation professionnelle et du projet de création des «Cités des Métiers et des Compétences» prévoit la création d'une nouvelle génération de Centres de formation et la modernisation des méthodes pédagogiques, outre l'amélioration de l'employabilité des jeunes à travers des formations qualifiantes de courtes durées.