Le Rapport Général sur le Nouveau modèle de développement (NMD), dont la copie a été présentée à SM le Roi Mohammed VI le 25 mai courant, présente ses recommendations pour améliorer l'enseignement supérieur et la recherche scientifique au Maroc à l'horizon 2035. Pour ce faire, il prévoit son projet Pari du Savoir, tout autant un levier pour l'égalité des chances et une rupture majeure avec la représentation de l'enseignement supérieur et de l'éducation, de façon plus générale, comme facteur de reproduction des inégalités. En voici l'essentiel : Le diagnostic du CSMD sur la situation de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique "L'enseignement supérieur et la recherche scientifique souffrent d'une stratégie nationale illisible, conçue dans une optique top-down, sans vision claire, et souffrant d'un manque de cohérence de l'action des nombreuses parties prenantes, ce qui alimente souvent les résistances aux réformes envisagées", lit-on dans le rapport du CSMD. Les ressources humaines dans les établissements universitaires sont très insuffisantes, à la fois en agilité et en autonomie déplore le CSMD. De plus, le budget alloué à l'enseignement supérieur et à la recherche est très insuffisant, puisqu'il représente à peine 1 % du PIB (environ 11 milliards MAD en 2019), dont 81 % sont dédiés au fonctionnement (dont plus de 60 % à la masse salariale) et 19 % à l'investissement. Et d'ajouter que du fait de son manque de valorisation, la formation professionnelle continue de pâtir d'une représentation négative L'ambition du NMD L'ambition est de faire de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique un véritable levier de développement, en résorbant, à brève échéance, ses principales lacunes et dysfonctionnements. A moyen-long terme, l'ambition est de positionner le Maroc comme hub régional puis international de l'enseignement supérieur (universitaire et professionnel), de la recherche scientifique (y compris l'innovation). Pour atteindre cet objectif, le CSMD propose le projet "Pari du Savoir", dont les objectifs sont les suivants : 1. Objectifs directs * Réaliser l'ambition du Maroc de devenir un hub régional, mesurable à travers la concentration de campus intégrés, ouverts sur l'international, portés par des universités marocaines : 12 à horizon 2030 * Attirer les étudiants marocains enclins à quitter le pays pour poursuivre leurs études à l'étranger suite au baccalauréat en leur proposant une formation de qualité et des perspectives d'emploi dans des domaines de l'avenir et offrir des formations professionnalisantes de qualité à ceux qui ont suivi des parcours hors université * Augmenter le nombre d'étudiants étrangers au Maroc, particulièrement africains, avec un passage d'une proportion d'environ 2 % de l'effectif actuel à 20 % à horizon 2030.
2. Objectifs indirects : * Améliorer la qualité de l'enseignement supérieur marocain, qui pourrait être reflétée par le classement de 2 universités marocaines dans le top 100 du Classement Shanghai, 4 dans le top 200 et 5 dans le top 300, à horizon 2035 ; * Intégrer l'enseignement supérieur (universitaire et professionnel) et la recherche comme leviers de développement du capital humain (national et continental) et de renforcement de capacités entre pays africains. Deux orientations stratégiques pour atteindre le Pari du Savoir: 1 - Concevoir et déployer un nouveau modèle d'établissements de l'enseignement supérieur : * Déployer un nouveau modèle d'établissements de l'enseignement supérieur, ouverts sur leur environnement et sur le monde, visant la capacitation de leurs étudiants, et capitalisant sur des expériences nationales réussies. * Accorder une attention particulière au numérique et à l'enseignement des langues, particulièrement l'anglais, tout en renforçant le français et l'arabe * Organiser ces nouveaux établissements autour de douze Pôles d'Excellence Régionaux (PER) conçus comme des plateformes régionales d'innovation. Ils seront composés de trois maillons interdépendants : (i) un groupement entre université(s) et écoles, regroupant une diversité de spécialités (ingénierie, sciences humaines, sciences sociales, etc.) ; (ii) des centres d'excellence dédiés à la recherche (scientifique, sociale, économique, etc.) dans des thématiques liées directement aux besoins de la région et de son tissu économique, (iii) d'autres structures organisationnelles au fonctionnement plus souple, permettant de s'ouvrir plus facilement sur l'extérieur et d'avoir l'agilité nécessaire pour le développement de la recherche et de l'innovation (incubateurs, laboratoires, centres d'études, instituts, FABLAB). Une opération pilote consisterait à déployer le premier Pôle d'Excellence Régional au niveau de la région de Rabat-Kenitra, focalisé dans un premier temps sur la recherche scientifique et technologique, qui rassemblerait : (i) l'Ecole Mohammedia des Ingénieurs et les universités (puis progressivement d'autres écoles, à titre d'exemple, l'ENSIAS, l'INPT et l'INSEA) ; (ii) un centre d'excellence pluridisciplinaire et (iii) un écosystème d'innovation et d'entrepreneuriat (Fablab, incubateur). * Favoriser les partenariats publics-privés, afin de créer de nouveaux établissements à but non lucratif et d'ouvrir des filières payantes et sélectives dans les domaines de pointe, tout en instaurant un système de bourses pour ne pas pénaliser les étudiants candidats marocains les moins aisés. 2 - Un nouveau modèle d'évaluation et de financement de la recherche a) Plateforme de financement de la recherche scientifique et de l'innovation * Créer un fonds de financement de la recherche et de l'innovation géré directement par un conseil scientifique indépendant et orienté directement vers les inventeurs et les chercheurs. Ce conseil sera constitué de sommités mondiales, arbitrant les thématiques de R&D à l'échelle nationale en se basant uniquement sur l'excellence, et en y intégrant les représentants des secteurs industriels marocains, avec au moins 2 millions MAD sur cinq ans par professeur. * Sélectionner des projets de recherche proposés par des chercheurs et de les financer sur plusieurs années. * Créer un lien fort entre ce dispositif et la diplomatie marocaine. Une telle approche contribuerait à promouvoir le rayonnement du Maroc auprès de ses partenaires africains et occidentaux ainsi qu'à doter l'enseignement supérieur marocain de visibilité à l'international.
b) Reconstruire le dispositif de formation des formateurs par la mise en place d'un plan stratégique de formation de docteurs aux standards internationaux * Mettre en place un plan stratégique de formation de docteurs pour reconstituer les effectifs des enseignants-chercheurs suite aux départs massifs à la retraite, en formant un total de 6.000 étudiants-doctorants par an en régime permanent, à raison de 2000 par promotion par an sur un cursus de 3 ans. * Pendant leur cursus les étudiants-doctorants devront suivre des formations certifiantes aux métiers et outils de la pédagogie et de l'enseignement ainsi qu'aux langues étrangères - langue anglaise en particulier - en parallèle à leurs travaux de recherche. * Encourager ceux d'entre eux qui le désirent, à la fin de leur doctorat, de mener des projets ou de créer des entreprises exploitant les résultats de leur recherche. À ce titre, la refonte du statut de l'enseignant-chercheur est une condition sine qua none pour établir le cadre juridique propice à la création de synergies entre secteur privé et monde universitaire