* La corruption coûte entre 0,5 et 2% du PIB, selon la Banque mondiale, et participe au développement de l'informel. * Le grand besoin qui se fait ressentir aujourd'hui est la mise en place d'une stratégie nationale globale de lutte. * Entretien avec Abdesselam Aboudrar, président de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption. - Finances News Hebdo : Comme on aime bien les chiffres, peut-on savoir quel est le coût économique et social de la corruption au Maroc? - Abdesselam Aboudrar : La corruption est un phénomène complexe d'où la difficulté de le mesurer et de le quantifier. La corruption a des répercussions négatives au niveau social et économique. A titre d'exemple, sur le plan économique, la corruption réduit les investissements et nuit à la qualité des travaux, objet de marchés publics. La corruption participe également au développement de l'économie informelle, notamment la contrebande, et coûterait approximativement entre 0,5 et 2% du PIB, selon les estimations de la Banque mondiale. Sur le plan social, elle limite l'accès aux services de base (santé, enseignement...), aggrave la pauvreté et participe à l'augmentation du taux de chômage. La corruption engendre d'autres phénomènes à savoir la drogue, le crime organisé, le terrorisme - F. N. H. : Quelles sont les grandes lignes du projet de loi de protection des victimes, des témoins et des dénonciateurs de la corruption? Quelles en sont par ailleurs les attentes, en terme d'encouragement à dénoncer des actes ou des tentatives de corruption ? - A. A. : L'ICPC a préparé une plate-forme relative à la protection des témoins, dénonciateurs, experts et victimes menacés. Cette plate-forme se propose de contribuer au débat sur la nécessité de combler cette importante lacune de notre système juridique et de répondre ainsi à l'une des exigences de la Convention des Nations Unies contre la corruption. De fait, les dispositions actuelles du Code de procédure pénal sur la protection des témoins et des experts, en général, et celles relatives à l'excuse absolutoire figurant dans le code pénal, gagneraient à être complétées pour encourager les citoyens à témoigner et à dénoncer les actes de corruption. Comme vous le savez, la corruption étant par définition un acte secret, le témoignage et la dénonciation revêtent une importance particulière, car ils constituent l'un des rares moyens d'avoir une véritable remontée d'information. Dans ce cadre, l'ICPC organise un atelier les 21 et 22 octobre en collaboration avec SIGMA. Cet atelier regroupera des experts internationaux et nationaux en vue de partager les bonnes pratiques en la matière et d'enrichir ainsi la plate-forme proposée. - F. N. H. : Concernant le Système national d'intégrité, avez-vous actuellement l'adhésion de toutes les parties prenantes à ce projet ? Et quelles sont vos attentes, à court et moyen termes, pour la mise en place d'un tel système? - A. A. : Bâtir le Système national d'intégrité est un travail de longue haleine, qui nécessite l'implication de toutes les parties prenantes. Pour ce qui est de l'adhésion des différents intervenants, on constate, durant cette dernière décennie, une dynamique de prévention et de lutte contre la corruption, qui s'est traduite par une volonté politique exprimée au sommet de l'Etat, par des plaidoyers de la société civile, des réformes institutionnelles, économiques, politiques et sociales et par l'adoption par le gouvernement d'un plan d'action de lutte contre la corruption. Le grand besoin qui se fait ressentir aujourd'hui est la mise en place d'une stratégie nationale, qui engloberait les différents programmes sectoriels et pérenniserait l'ensemble de la démarche, d'ailleurs, il s'agit là d'une des principales recommandations faites au gouvernement par l'Instance, dans son rapport annuel. - F. N. H. : Enfin, dans quelle mesure la corruption met-elle le Maroc dans l'embarras, vu qu'il est signataire de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la corruption ? - A. A. : Le Maroc a fourni des efforts appréciables en matière de prévention de la corruption, notamment aux niveaux institutionnel et juridique. Pour consolider lesdits efforts, l'ICPC, en tant que force de proposition, a recommandé dans son premier rapport annuel 113 actions opérationnelles qui s'articulent autour de huit orientions stratégiques (voir site : www.icpc.ma). Le plan d'action gouvernemental de lutte contre la corruption a intégré plusieurs actions inspirées de ce rapport. Le Maroc n'a pas à avoir de complexe dans la mesure où il s'engage résolument dans la mise en uvre de la Convention des Nations Unies. A cet égard, il s'apprête à être examiné dans les prochaines semaines par des experts de Slovaquie et d'Afrique du Sud. De même qu'il se prépare pour accueillir en octobre 2011 la 4ème Conférence des Etats parties à cette même Convention.