Les dépenses fiscales engendrent un manque à gagner qui tourne autour dun milliard de dirhams. Lutilité de certaines mesures dérogatoires est sujette à discussion, au regard notamment du manque dévaluation. La fiscalité dérogatoire est-elle un enjeu ou une contrainte ? La question mérite en effet dêtre posée à lheure où foisonnent les exceptions aux règles de droit commun. Quelles soient sous forme dexonérations, déductions, taux préférentiels ou encore crédits dimpôts, les mesures dallègements fiscaux posent indéniablement les problèmes liés à la maîtrise des finances publiques et à la simplification fiscale. Ces mesures considérées comme "dépenses fiscales» entraînent des contraintes budgétaires importantes suivant leur volume. Ces dépenses fiscales sont actuellement déclinées en deux catégories distinctes : celles liées aux allègements structurels et qui font partie intégrante de léquilibre général de limpôt, et celles directement liées à la politique économique avec des objectifs de nature non exclusivement fiscale. Cette dernière catégorie sensible, où lon retrouve les mesures dincitation à lépargne et à linvestissement qui jouent un rôle pour le moins essentiel, intéresse davantage les analystes, notamment ceux du Centre marocain de conjoncture. Ces derniers estiment à ce titre que cette catégorie retient dautant plus lattention «quelle déroge à la structure fiscale de référence et quelle est associée à des objectifs déterminés de politique économique». Et dajouter que «le terme de dépenses fiscales utilisé dans ce cas se justifie par le fait que les mesures dallègement sont censées produire, théoriquement, des effets similaires au même montant de subventions accordé aux contribuables concernés par la mesure dérogatoire». Il savère néanmoins que les dépenses fiscales ont un impact tant économique que financier. Sur le plan économique, précise le CMC, «les dépenses conditionnent la formation des revenus de différentes catégories dagents et influencent directement le processus dallocation des ressources à travers la modification des prix relatifs». Dun point de vue financier, «la fiscalité dérogatoire a un coût direct correspondant au manque à gagner en termes de recettes budgétaires et qui sapparente à une subvention accordée à la catégorie de contribuables visés». Il est intéressant de noter, à ce titre, que pour la seule année 2004, la Loi de Finances a prévu une vingtaine de mesures dallègements fiscaux sous forme dexonérations, réductions de taux ou quotités affectant les principaux impôts, en particulier lIGR, la TVA, lIS et les droits denregistrement. Il apparaît ainsi que le coût de ces mesures avoisinerait un milliard de dirhams; ce qui peut paraître insignifiant comparé à la France où la moins-value constatée en 2003 sélevait à quelque 9 milliards deuros. Néanmoins, dans le contexte actuel du Maroc où la rigueur budgétaire est dactualité et où les finances publiques sont souvent plombées par limpact de facteurs exogènes (facture énergétique, catastrophes naturelles ), les dépenses fiscales constituent un sérieux manque à gagner pour lEtat. «Comparé au déficit budgétaire retenu au niveau de la Loi de Finances de la même année, ce manque à gagner atteint la proportion de 8 à 9%», soulignent les analystes du CMC. Incohérence et incertitude Au-delà même de limpact financier, les contours de la fiscalité dérogatoire sont très mal circonscrits, dans la mesure où, outre la complexité et linefficacité de certaines mesures, il nest jamais procédé à une évaluation effective des portées des dépenses fiscales. «On ne peut apprécier la portée dune politique si on ne lévalue pas a posteriori», nous précise un économiste qui estime que «le manque dévaluation entretient le doute sur lintérêt effectif de la majeure partie des mesures dallègements fiscaux, surtout que certaines dentre elles semblent être en contradiction avec les objectifs poursuivis pas le Maroc, notamment en termes de simplification et déquité fiscales». Sil savère indispensable, au regard des contraintes budgétaires du Royaume, dopérer une profonde cure de redéfinition des régimes dérogatoires actuellement en cours afin dinstaurer un système fiscal équitable, moins complexe et surtout cohérent, il importe tout autant dy aller en faisant preuve de beaucoup de discernement. Autrement dit, il sagira, entre autres, de remodeler les dispositifs dérogatoires assortis de coûts de gestion élevés et dont limpact est insignifiant et de faire fi des mesures dallègement à caractère structurel qui appartiennent à léquilibre général de limpôt.