l Les décisions et actions publiques en matière de développement doivent être soumises à l'évaluation. l Cet outil permet d'avoir un meilleur pilotage de l'action publique et une bonne allocation des ressources budgétaires. l L'évaluation est indissociable de la gestion axée sur le résultat qui n'est pas le fort des établissements publics. l L'ambition de la Semaine de l'évaluation est de l'ériger en bien commun. LAssociation Marocaine de l'Evaluation organise, du 18 au 22 octobre, la Semaine marocaine de l'Evaluation. La SME10 organisée en partenariat avec l'UNICEF, l'ONDH et l'INAU, porte sur l'évaluation des politiques publiques de développement au Maroc et dans le monde en présence d'experts marocains et étrangers. Le choix du thème est dicté par le constat que les décisions publiques en matière de développement ne sauraient échapper à la nécessité de leur évaluation par le débat public. Mais entre ce qui devrait se faire et ce qui est, existe un large pan. D'où cette rencontre qui cherche à contribuer à la compréhension de la fonction de l'évaluation en tant qu'approche de gestion des résultats de développement. Cette Semaine propose également des ateliers et des formations aux critères et standards pour une bonne pratique de l'évaluation de développement. L'objectif étant d'ériger l'évaluation en bien commun car elle concerne directement la vie des citoyens. L'avantage d'une telle institutionnalisation est d'avoir un meilleur pilotage de l'action publique et une bonne allocation des ressources budgétaires, particulièrement en période de crise. Au Maroc, l'évaluation des politiques publiques de développement est devenue, depuis le rapport de la Banque mondiale en 1995 sur l'état du Maroc, une préoccupation régulièrement rappelée par les gouvernants pour donner une visibilité à l'action publique. Plusieurs énoncés politiques sur l'institutionnalisation de l'évaluation au Maroc ont été ainsi émis ces dernières années par plusieurs acteurs politiques, particulièrement par SM le Roi. D'abord, les différents énoncés politiques de l'Etat exprimés par SM le Roi dans plusieurs discours royaux, particulièrement les discours du Trône, soulignant l'importance de l'évaluation des politiques publiques au Maroc et la nécessité de mettre en place des instances et mécanismes de suivi, de contrôle et d'évaluation. Ensuite, le programme de l'action gouvernementale du 30 juin 2008 a annoncé que le gouvernement du Maroc « adoptera la planification stratégique dans l'ensemble de ses programmes d'action. Cette stratégie sera renforcée par la mise en place de mécanismes de suivi, de contrôle et d'évaluation dans le cadre de la bonne gouvernance ». Enfin, le rapport du cinquantenaire de l'Indépendance du Maroc a constaté explicitement que « les politiques publiques des gouvernants et des élus n'ont pas toujours été évaluées, ni réajustées, à l'aune de leur impact sur le bien-être des populations ». En 2004, les auteurs de l'étude de la Fondation Abderrahim Bouabid sur l'évaluation de l'action publique au Maroc constataient déjà que « la place réservée à l'évaluation dans les textes législatifs et réglementaires au Maroc est marginale », et d'ajouter plus loin : « Pas plus dans les textes, la pratique de l'évaluation au Maroc n'est susceptible de faire état de réalisations probantes ». Il est vrai que quelques mesures ont été prises par l'Etat tendant à l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques. En effet, l'intérêt de l'évaluation des politiques publiques prend des formes multiples. Ces évolutions sont désormais relayées par d'autres actions significatives même si elles sont encore cloisonnées. Ces initiatives, au demeurant trop limitées, ne permettent pas encore de parler d'un véritable processus structuré d'institutionnalisation de l'évaluation au Maroc. Pourtant, les raisons motivant la nécessité d'institutionnaliser cette évaluation ne manquent pas : accountabilité ou obligation de rendre compte, rationalisation budgétaire, transparence de la prise de décisions politiques, accès à l'information, etc. L'ADS, un exemple à suivre ! En tant qu'établissement public de développement, l'Agence de Développement Social a adopté l'évaluation dans son mode de gouvernance. D'ailleurs, à la base, son Conseil d'Administration est composé à 50 % de fonctionnaires d'Etat et membres du gouvernement et 50 % sont constitués d'acteurs de la société civile et du secteur privé pour assurer une parité sur la prise de décisions. Avec 10 ans d'expérience sur le terrain de la lutte contre la pauvreté et le développement social, l'Agence de Développement Social a dû évaluer continuellement son action pour l'adapter aux besoins exprimés. « La philosophie de l'ADS repose sur les trois P : participation, partenariat et proximité. Nous y avons également ajouté : suivi et évaluation », souligne Najib Guédira, le Directeur de l'Agence. L'idée est de capitaliser sur l'expérience accumulée sur le terrain. En effet, avec plus de 3.000 projets financés en 5 ans, l'ADS s'est progressivement déployée sur deux fronts, à savoir le financement des projets mais également le renforcement des capacités des porteurs de projets. Bien évidemment, ceci est le fruit de l'évaluation et du suivi du travail sur le terrain qui ont permis un meilleur pilotage de l'action de l'Agence. Avec cette capitalisation, il a été constaté qu'après une grande affluence des projets au début, leur nombre se tassait. Il faut dire qu'au départ, l'Agence avait adopté le guichet unique où il fallait suivre la procédure. Mais après cinq ans d'existence, l'Agence va opérer un changement dans sa démarche en adoptant une approche territoriale qui englobe la prospection des porteurs de projets. La deuxième réflexion est liée à l'avènement de l'INDH qui a montré qu'apporter des moyens financiers supplémentaires, c'est bien, mais ce n'est pas assez. « L'évaluation nous permettait de constater une carence de projets, leur lenteur et leur manque de pertinence d'où l'importance pour l'Agence d'apporter une aide technique. Mais l'INDH est arrivée avec un élément clé : celui de la convergence », ajoute Guedira. Ce constat fait, l'Agence a choisi de se déployer dans le renforcement des capacités auprès des collectivités locales et des associations, essentiellement dans le milieu rural. Et à ce jour, l'ADS a apporté son aide à 540 collectivités locales dont 500 rurales, et à quelque 3.700 associations, toujours en suivant son approche territoriale. «L'accompagnement des acteurs locaux dans le développement, qui va de pair avec la démocratie, est la clé du succès sur le plan national de la politique de développement et de démocratisation», assure le Directeur de l'ADS. Pour lui, rien de tout cela n'aurait pu se concrétiser au niveau de l'Agence s'il n'y avait pas eu d'évaluation. «L'évaluation permet de tirer des enseignements de toute action entreprise. Ce n'est pas une faiblesse de dire qu'on s'est trompé. Au contraire, cela permet de rectifier le tir pour une meilleure efficience de l'action publique. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que responsables ou cadres d'un établissement public, il faut être comptable de nos actions dans le cadre d'une responsabilité déléguée», insiste Najib Guédira. Pour lui, cette culture n'existe pas encore mais il y a cette sensibilisation qui nourrit l'intérêt à accorder à la chose publique. Il précise d'ailleurs que l'évaluation ne peut pas être dissociée de la gestion axée sur le résultat. D'où la difficulté d'évaluer l'action publique de développement car, in fine, les outils dont on dispose au niveau des établissements publics ne sont pas bien adaptés à une gestion axée sur le résultat. «De plus, on ne peut pas avoir cette gestion si l'on ne délègue pas. Nous sommes encore dans un système de centralisation qui ne le permet pas», affirme Guedira, qui estime que les cadres mêmes ont peur de la délégation et de la responsabilité qu'elle engendre. Et puis, l'évaluation est un processus global qui nécessite l'adhésion de tous les cadres d'une administration ou d'un établissement. Mais, aussi, d'identifier les indicateurs d'évaluation et d'assurer un suivi. Et là c'est une autre paire de manches. Puisqu'il faut la formation et l'information associées au bon profil pour une bonne évaluation. Mais pour l'heure, la priorité est donnée à la sensibilisation, à l'importance de l'évaluation et à son institutionnalisation. Et là encore, il y a du pain sur la planche.