Cela peut paraître curieux, voire particulièrement incongru de débattre, au Maroc, dune affaire qui tourne autour de boissons alcoolisées, et plus précisément de bière. Simplement parce que la vente dalcool aux musulmans est interdite par la loi. Pourtant, débat il y a depuis que le différend opposant les Brasseries du Maroc à SICPA, et au centre duquel se retrouve une institution publique au rôle crucial, notamment lAdministration des douanes, a été porté sur la place publique (www.financesnews.ma). Et à moins que les différentes parties ne consentent à mettre de leau dans leur bière ou que la Justice arrive à vider rapidement ce dossier, le bras de fer ainsi engagé risque de perdurer encore. Et bonjour les dégâts ! Dans un pays où sont écoulées des millions de bouteilles et canettes de bières par an, peut-on soffrir le luxe dune pénurie durable ? Cette affaire est, à ce titre, hyperdélicate. Car, aux enjeux économiques et financiers importants, sajoute une dimension politico-religieuse, voire strictement religieuse non négligeable. Primo, comme je le disais plus haut, la vente dalcool aux musulmans est interdite. Mais pensez-vous que ces millions de bouteilles et autres canettes consommées par an sont uniquement le fait de non musulmans ? Bien sûr que non. Néanmoins, ce laxisme dans lapplication de la loi arrange tout le monde : les Brasseries, les consommateurs, mais aussi lEtat. Secundo, lEtat, dans sa recherche effrénée de nouvelles niches fiscales, tend à taxer abusivement les boissons alcoolisées (et les tabacs manufacturés aussi), surtout à travers des augmentations répétitives et conséquentes de la taxe intérieure de consommation (TIC) dans le cadre de différentes lois de Finances. Dailleurs, dans lhémicycle, il ny a guère débat quand il sagit dune hausse des TIC en la matière. Ça fait visiblement mauvais genre. Les parlementaires font donc le plus souvent profil bas devant un Fisc ivre de bonheur. Lapproche de lEtat est, en cela, très intelligente, sachant que les Marocains qui, dans la théorie, ne sont pas censés en acheter, ne vont jamais descendre dans la rue pour dire «Non à laugmentation des TIC sur les boissons alcoolisées» ! Et puisque personne ne peut louvrir publiquement, ce secteur prête donc le flanc aux velléités fiscales de lEtat qui, avec linstauration du marquage sécurisé, a trouvé un autre moyen pour renflouer ses caisses. Quoiquest mis en avant la volonté de lutter contre la fraude et la contrebande. Tertio, la SBM est non seulement génératrice de milliers demplois directs et indirects, mais elle figure également parmi les premiers contribuables du pays. Difficile de sen priver. Mais avec larrêt de la production depuis plusieurs semaines et limpact financier du marquage fiscal, les premières conséquences sont dores et déjà là : dun côté, une mise en chômage technique dune partie du personnel et baisse des volumes avec impact sur les résultats du Groupe SBM et, dun autre, moins de TIC et dIS pour lEtat. Cest dire que tant la Douane que la SBM ont intérêt à trinquer à la paix pour mettre fin à ce conflit dont les dégâts collatéraux vont en empirant. Une sortie de crise qui pourrait bien passer, encore une fois, par une répercussion des coûts engendrés par le marquage fiscal sur le consommateur; ce que la SBM a toujours refusé. Mais, sil en est ainsi, qui aura le cran de sen plaindre ? Rappelons quau moment où nous mettions sous presse, le titre SBM était suspendu de la cote.