Le président de lAssociation nationale ovine et caprine, ANOC, est un homme simple comme tous ceux attachés à la terre et à la nature. Sans artifices et en toute modestie, Ben MBarek Fenniri poursuit son bonhomme de chemin avec pour objectif principal daméliorer la vie des éleveurs et de mieux organiser cette branche dactivité. Né dans la commune dEl Ghoualem à Rommani, de parents éleveurs traditionnels, Ben MBarek Fenniri prendra très tôt contact avec la terre et la vie fermière. Mais à lâge de six ans, son père lenvoie poursuivre sa scolarité à Moulay Youssef en tant quélève interne. Puisque dans la commune, il ny avait pas de possibilité de poursuivre ses études. «Cétait la belle époque. Je nai pas trop souffert de quitter le foyer familial tôt puisque javais mon frère, plus âgé, avec moi à Moulay Youssef». Très tôt, Ben MBarek va apprendre la discipline, la rigueur et le travail. Il passera toute sa scolarité dans le même établissement. Élève moyen au début, il devient le premier de sa classe à partir de 1953 sous les incitations dun enseignant français. À lépoque, la résistance au protectorat atteignait son paroxysme. Ben MBarek avait atteint le niveau du certificat détudes et les encouragements de ce maître ont su le motiver. Surtout quand ce dernier disait que pour obtenir lindépendance, il fallait se tuer à la tâche. En 1959, Ben MBarek quitte Moulay Youssef pour le lycée Lyautey à Casablanca où il obtiendra son Bac en 1960. Une fois son diplôme en poche, il rejoindra lEcole Supérieure de Commerce de Toulouse et profitera de loccasion pour sinscrire également à Science Po. A la fin de ses études en 1965, il sempresse de retourner au Maroc. À lépoque, feu Hassan II avait créé lOffice de Commercialisation et dExportation. Ben MBarek lintègre donc dans le cadre dune nouvelle dynamique que le défunt Souverain voulait insuffler à lOffice. Après une année de travail à Casablanca au sein de lOCE, Ben MBarek est désigné en 1966 comme délégué de lOCE en Scandinavie. En juillet 67, la direction de lOCE le mute en Allemagne où il passera cinq années de suite. Un environnement qui ne lui est pas étranger puisque la discipline, la ponctualité et le travail bien fait sont des valeurs que Ben MBarek partage aussi. Il trouve facilement ses repères et se conforme au rythme du travail. Les Allemands appréciaient dailleurs sa ponctualité et sa disponibilité. Mais, en 1972, Ben MBarek demande à sa Direction de le rapatrier au Maroc. «Il faisait trop froid à Hambourg. Cest une ville très renfermée parce que les gens travaillent beaucoup. Ce qui en faisait une ville très commerçante». À son retour, il est en charge de la division hors zone France jusquen 1975, date à laquelle lOCE avait commencé à créer des filiales. Ben MBarek sintéresse à la filiale en charge de la chaîne du froid et dont il assumera la direction jusquen 84. «Nous avons construit de nombreux frigos dans plusieurs villes, notamment Casablanca, Tanger, Berkane et même à Nouakchott. Une fois toute la chaîne du froid construite, jai pris la direction de la SERECAF jusquen 1997 ». Parallèlement à sa carrière professionnelle, en 1975 plus précisément, Ben MBarek renoue avec ses origines et ce qui avait marqué son enfance : il commence à soccuper de son élevage. Et pas nimporte comment puisquil a eu lidée de faire appel à des experts du domaine agricole qui géraient un élevage très performant grâce à la sélection de races importées. «Comme je navais pas les moyens de recourir à limportation, jai pensé faire la même sélection, mais de races ovines nationales». Cette idée donnera lieu à un large chantier qui va transformer lélevage ovin et caprin au Maroc, puisquà lépoque les races locales nétaient pas sélectionnées. Il a pu compter en cela sur la Direction de lélevage, surtout sur Bouamar Bouamar. Cinq races ont été sélectionnées, à savoir Timahdite, Sardi, Boujaâd, Beni Guil et D'man, chacune ayant ses spécificités et issue dune région du Maroc. Et pendant cinq années, de 75 à 80, le travail va se poursuivre darrache-pied pour préparer les éleveurs à faire cette sélection, ce qui donnera par la suite naissance à lAssociation nationale ovine et caprine. «Avec Bouamar, nous avions pour objectif dencadrer les éleveurs dans cette sélection et pour améliorer les performances de leurs élevages». Le résultat est aujourdhui palpable, car, si en 1980 un bélier de 18 mois pesait 80 à 85 kg, aujourdhui, grâce à la génétique et à la sélection des races, il pèsera jusquà 115, voire 120 kg. « Évidemment, ce travail de sélection permettait daméliorer les revenus des éleveurs et donc leurs conditions de vie ». Le travail de lANOC ne se limitait pas seulement à la sélection, mais sétendait bien au-delà puisquun technicien spécialisé était dédié à chaque groupement déleveurs, 60 à 120 éleveurs, pour leur apprendre à alimenter leurs troupeaux, à mieux sélectionner les races et, surtout, comment lutter contre les maladies. Et en 2010, le nombre de groupements est passé à 64, couvrant plusieurs régions du Maroc et réunissant plus de 6.000 éleveurs. Même les femmes déleveurs bénéficient dactions de soutien pour la production de dérivés laitiers. Comme cest le cas des femmes de Boulemane qui exposent leurs produits cette année au SIAM. Parler de lANOC passionne Ben MBarek Fenniri qui en assure la présidence depuis 1997. Et rien ne lui tient plus à cur que laugmentation du nombre des groupements, dont celui de Dakhla fin mai, pour couvrir toutes les régions, notamment les plus enclavées. Et cela grâce à des partenariat avec le public, les ONG internationales, surtout depuis la mise en place du Plan Maroc Vert. En tout cas, les résultats obtenus jusqua présent font sa fierté, puisquon fait appel à lexpérience de lANOC pour dautre pays africains et arabes. Elle fait des émules ! Lhomme fait preuve dune grande modestie et dune grande accessibilité. On peine à croire quil ait pu fédérer autour de lui autant déleveurs. Mais, il faut le croire, il jouit de leur estime et de leur respect. Et cela est dû en grande partie aux valeurs cultivées par Ben MBarek Fenniri comme le travail, la discipline et le respect. «Jai tenu à ce que lANOC soit régie par un règlement rigoureux qui simpose à tous sans exception ». Les éleveurs reconnaissent aussi en lui lhomme de terroir, passionné par ce travail pour lequel il donne de lui-même. Dailleurs, ses loisirs restent liés à ses racines, léquitation et la chasse. Ainsi, durant le temps libre quil passe souvent à sa ferme, il se lance dans des chevauchées qui peuvent durer jusquà trois heures. Et sil nhésite pas à mettre la main à la terre, il a une autre facette puisquil est également un grand fan de lecture, surtout de romans historiques; dévoilant ainsi lautre aspect dun grand intellectuel qui est aussi amateur de musique classique. En effet, dans son salon à Casablanca, un piano prend place au milieu de plusieurs tableaux accrochés et, tout près, une bibliothèque où différents ouvrages se côtoient. Comme se côtoient au sein de cet homme des aspects tellement différents qui le rendent singulier. Le cur à gauche, Ben MBarek Fenniri a toujours cultivé des idées socialistes. «Mais dans le respect de ce qui existe». Et même sil a été lorgné par les partis politiques, il leur préfère le militantisme associatif. Et ce depuis 1970, année durant laquelle il fut convaincu que les partis ne travaillent que pour eux-mêmes. Et depuis 75, il sinscrit dans cette démarche associative tout en ayant ses opinions politiques quil préfère ne pas exprimer au sein dun parti. Père de trois enfants, dont il est fier, et grand père dun petit-fils quil chérit, Ben MBarek Fenniri a toujours placé la famille au cur de ses priorités. Cest ce moteur de vie qui a fait de lui ce quil est aujourdhui.