Le chapitre des marchés publics constitue un volet important dans laccord de libre-échange conclu entre le Maroc et les Etats-Unis. Pour répondre aux normes internationales en matière de marchés publics, le Maroc a entrepris plusieurs réformes. Mohamed Tahar Moumen, contrôleur général des Engagements de dépenses de lEtat, nous parle de limportance de ce chantier et du dispositif de contrôle en vigueur au Maroc. Finances News Hebdo : Quelle place occupent les marchés publics dans le cadre de lALE avec les Etats-Unis ? Mohamed Tahar Moumen: Les marchés publics figurent dans laccord de libre-échange signé entre le Maroc et les Etats-Unis dans le chapitre 9. Cest un chapitre important qui a été inclus pour confirmer la transparence, légalité daccès aux marchés publics et les règles de fonctionnement claires pour les opérateurs, quils soient américains ou marocains. Cest un chapitre qui est destiné à assurer et garantir les droits des opérateurs dans des conditions de transparence, outre la possibilité quil offre de défendre leurs intérêts en cas de besoin, dans la mesure où il y a des mécanismes de réclamations et de règlements de différends qui sont prévus. F. N. H. : Quels sont les points sensibles qui ont nécessité plus de débats dans ce volet ? M. T. M. : Je peux dire que tout le chapitre est sensible, dans la mesure où tous les thèmes inclus et débattus étaient sensibles pour les opérateurs et lopinion publique. Il sagit là de laccès à la commande publique. Cest une commande importante en terme de volume, qui inclut les marchés de lEtat, les marchés des entreprises publiques ainsi que ceux des collectivités locales. Lensemble de ces marchés avoisine les 15% du PIB. Ce taux est important par sa valeur et son impact sur léconomie nationale. Les marchés publics représentent une masse dinvestissements considérables qui offrent des opportunités daffaires aux entreprises et permettent à lEtat dagir sur léconomie. La discussion autour de ce volet a été très profitable et très approfondie. Je noterai quand même que les négociations étaient facilitées par le fait que le Maroc dispose, à lheure actuelle, dune législation et dun système de passation des marchés publics modernes qui répondent aux normes internationales. Le système actuel est issu dune longue expérience des services publics et de ladministration marocaine en matière de marchés publics. Il sinspire de la loi type de la CNUDCI (Commission des Nations-Unies pour le Développement du Commerce International). LONU, par le biais de cette commission, a établi une loi type. Le texte marocain se rapproche très étroitement de celle-ci. Dailleurs, le CGED avait effectué une étude comparative entre le texte marocain, qui est le décret de 1998, et la loi type dans le cadre de la Commission de la transparence de lOMC à laquelle le Maroc a assisté lannée dernière. Nous avons trouvé que les similitudes sont importantes. Notre tâche devient donc plus facile lors des négociations, en ce sens que nous disposons au Maroc de mécanismes et de concepts qui sont modernes. Les points sensibles étaient notamment la protection des entreprises des deux pays. Cest-à-dire, comment protéger les droits dune entreprise marocaine aux Etats-Unis et comment assurer lintervention dune société américaine au Maroc dans des conditions dégalité. Il faut organiser la transparence et légalité daccès pour préserver les droits de ces entreprises et, en cas de réclamation ou de conflit, organiser le droit de défendre les intérêts de ces entreprises. La couverture des entités est un autre point important dans le chapitre des marchés publics. Ce qui est couvert par laccord, ce sont les administrations, à lexception des marchés lancés par la Direction Générale de la Sûreté Nationale et lInspection Générale des Forces Auxiliaires et des marchés portant sur certaines prestations relatives à la Défense Nationale en raison de leurs spécificités. Du côté américain, les entités couvertes sont les administrations de lEtat fédéral, bien sûr à lexclusion de certaines administrations sensibles, en plus des Etats fédérés qui sont au nombre de 23. Les autres suivront par la suite. F. N. H. : Quelles sont les principales mesures de protection des entreprises marocaines dans le cadre de lALE ? M. T. M. : Il y a dabord les seuils, ainsi quun mécanisme à double fonction. Cest un mécanisme de délimitation de périmètre. Laccord sera invoqué au-delà du seuil. Il joue un rôle de protection, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Le seuil qui a été retenu, et que nous jugeons optimum à lheure actuelle, est de 6.725 dollars par exemple pour les marchés de services de construction. Cest un seuil qui protège les PME, sachant que la majorité des marchés publics est dun montant bien inférieur à ce chiffre. Il faut comprendre que le seuil nest pas une interdiction dintervenir. Si lentreprise est au-delà du seuil, elle peut invoquer les dispositions et les bénéfices de laccord. Néanmoins, rien nempêche une entreprise de soumissionner en-deçà du seuil retenu, mais disons dans le régime de droit commun. Autre garantie importante dans laccord : le Buy American Act (loi «acheter américain») ne sapplique pas aux entreprises marocaines. F. N. H. : Quand on parle de passation de marchés au Maroc, on soulève souvent les problèmes de délit dinitié et de corruption. Quelles sont les mesures prises pour renforcer la transparence ? M. T. M. : Nous sommes un organe de contrôle et de régulation. Le métier du contrôle des engagements de lEtat est de vérifier la conformité entre lengagement de la dépense au vu des lois et règlements. Nous avons les outils juridiques pour assurer ce travail. Depuis cinq ans, un grand chantier de réforme a été entrepris à tous les niveaux : le contrôle, les textes régissant le domaine, les systèmes dinformation, les procédures et la normalisation des outils de gestion, de même que les ressources humaines. Pour ce qui est de la réglementation, le texte sur le contrôle a été modifié deux fois depuis 2001. Au niveau du système dinformation, le contrôle sest doté dun schéma-directeur informatique performant et moderne ouvert sur les autres administrations. Je cite ici un nouveau système informatique dont nous disposons, en loccurrence le système de gestion intégré du personnel de lEtat. Cela nous permet de contrôler très vite et de manière adéquate les dépenses du personnel de lEtat (recrutement, avancement, etc). Nous participons également à lopération en cours des départs volontaires. Nous sommes dans la commission centrale qui veille sur cette opération. Au niveau des procédures, nous poursuivons la normalisation. Nous avons normalisé les outils de contrôle. Nous avons également édité plusieurs guides relatifs aux opérations de contrôle. Au niveau des ressources humaines, nous avons mis en uvre un grand schéma-directeur de formation en interne pour renforcer les compétences du contrôleur. Cest un schéma-directeur qui est ouvert aux ordonnateurs. Depuis cinq ans, nous sommes à quelque 20.000 fonctionnaires formés tant au niveau central que régional. Pour revenir à votre question, à notre niveau, nous faisons ce quil faut pour que toute la transparence soit assurée. Vous savez que le texte sur les marchés publics a introduit la présence du contrôle dans les commissions douverture des plis. Le représentant assiste à ces commissions douverture des plis. Dans ce sens, il assume un double rôle dans la mesure où il représente à la fois le contrôle général des engagements et le ministre des Finances. Cest une nouvelle mission qui lui a été assignée. Nous veillons donc constamment pour que la passation des marchés se fasse dans le respect des lois en vigueur. Quand il y a des conflits, il existe des procédures darbitrage tant au niveau du contrôle général quau niveau de la primature.