* Léconomie reste intimement liée au politique. Un facteur quil faut analyser au lieu de locculter. * La réussite des pays asiatiques montre que chaque Etat doit combiner avec ses forces de marché pour élaborer sa propre stratégie, au lieu de copier les manuels des institutions internationales. * Jacques Ould Aoudia, économiste, explique que laspiration du Maroc au Statut avancé nest pas contradictoire avec dautres stratégies dinsertion internationales. - Finances News Hebdo : Vous avez appelé à un retour sur le terrain de léconomie politique. Jusquà quel point cette dernière permettra-t-elle de démêler la situation actuelle du Maghreb ? - Jacques Ould Aoudia : Léconomie politique permet de comprendre linteraction entre les acteurs. Dabord entre les acteurs politiques, puis entre les acteurs économiques et la manière dont fonctionnent les règles du jeu. Du point de vue théorique, léconomie nest pas une sphère qui fonctionne à part. Elle est profondément liée au politique, ici et ailleurs. Et cest une illusion de penser quon peut optimiser les décisions économiques dans un monde rationnel alors que, derrière, il y a le facteur politique. Il vaut mieux donc les analyser calmement plutôt que des les occulter. Et je pense que léconomie politique est un facteur-clé pour comprendre le fonctionnement de nos sociétés. - F.N.H. : Vous préconisez que chaque pays élabore son propre modèle économique - J. O. A. : Elaborer une stratégie autonome, cela ne veut surtout pas dire senfermer dans lautarcie, mais plutôt ne pas se laisser imposer les visions des autres. Et je pense quà tous les niveaux, ce sont là les conclusions quil faut tirer de ce qui sest passé dans lAsie émergente. Ces pays ont inventé des façons de faire qui nétaient pas dictées, ni copiées sur les manuels des institutions internationales. Je pense par exemple au rôle de lEtat qui a été décrié et minoré pendant des années et cest vraiment lEtat qui a joué un rôle fondamental, notamment dans le développement de la Chine, de la Corée Pas lEtat à la soviétique bien évidemment, mais un Etat qui combine son action avec les forces du marché. Et ce sont ces combinaisons qui sont les recettes propres à chaque pays. - F.N.H. : Vous avez souligné très pertinemment que chaque pays doit se forger son propre modèle et ne pas essayer de dupliquer des modèles importés dailleurs. Le Maroc sest inscrit justement dans cette voie en tablant sur des programmes sectoriels et sur un rapprochement avec lUE à travers le Statut avancé. Nos voisins ne risquent-ils pas de croire que le Maroc fait cavalier seul ? - J. O. A. : Dans la définition dune stratégie autonome, il y a évidemment une stratégie dinsertion et une stratégie dalliance avec ses voisins, lEurope dans le cas du Maroc. Et le Maghreb quand cela sera possible. Concernant le Statut avancé, je pense que cela nest en rien contradictoire avec dautres stratégies dinsertion internationale. Chaque pays a sa géographie comme donnée intangible, on ne peut pas déplacer le Maroc pour le rapprocher de pays amis. De ce fait, le Maroc doit faire avec ce quil a et optimiser lacquis. Et actuellement, il est vrai que cest difficile avec le Maghreb. Mais, il faut continuer davancer avec lAfrique au Sud, lEurope au Nord et puis dans toutes les autres directions Il y a le Brésil, lAsie, lAfrique du Sud, les Etats-Unis, le Canada Le Maroc doit combiner avec toutes ces données. - F.N.H. : Pour le cas de lUnion pour le Maghreb Arabe, croyez-vous que léconomique réussira là où le politique a buté ? - J. O. A. : Je pense quon est dans un mix entre le politique et léconomique. Et ce mix aura pendant encore longtemps une forte pondération du côté du politique concernant le Maghreb.